Le transporteur allemand Contargo, spécialisé dans le transport de conteneurs entre les ports maritimes de la mer du Nord et l’hinterland européen en trimodal le long du Rhin, reçoit la presse sur son stand du salon Transport Logistic de Munich. L’entreprise née en 2004 de la concentration des activités de plusieurs sociétés actives dans le secteur pour certaines depuis 1976, transporte 2,2 millions d’EVP. Elle a fait du transport propre l’une de ses priorités avec la présentation de trois plans de développement durable depuis 2014. « Notre objectif est de parvenir à un transport totalement décarboné en 2050, répète Kristin Kahl, chargée du développement durable chez Contargo. Comme camions et barges de navigation fluviale représentent le plus haut niveau d’émissions de CO2, nous voulons nous concentrer sur ces deux types de transport. »
Contargo a lancé début mai une phase de tests de camions électriques. Six véhicules doivent participer à l’opération. Ils permettront de réduire de 38 % les émissions de CO2 par rapport à la flotte à moteur diesel classique. « Si sur tous les terminaux le long du Rhin nous recourons à du courant propre [produit à partir des énergies renouvelables, Ndlr], le volume des émissions reculera de près de 90 % », précise Kristin Kahl. Deux véhicules DAF CF Electric de 37 tonnes sont en fonction depuis plus d’un mois dans le port intérieur de Duisburg, le long du Rhin. Ils seront accompagnés dans les prochains mois de deux 44-tonnes de Framo (technique MAN) et de deux E-Force (Iveco) d’ici à la fin de l’année. C’est la première expérience en Allemagne sur des tracteurs routiers électriques de cette catégorie. L’opération permettrait de collecter quantité de données en vue de l’optimisation des véhicules et des logiciels utilisés notamment lors des phases de chargement et de déchargement. « Au début, les deux DAF ont présenté quelques problèmes de logiciel au chargement, qui ont pu être rapidement résolus, rapporte Heinrich Kerstgens, cogérant de Contargo. Nous sommes convaincus que, sur le principe, ces véhicules peuvent être utilisés quotidiennement. Il faut encore travailler sur la puissance des batteries. » Les DAF ont une autonomie de 100 km. Un trajet type chez Contargo est de 170 à 260 km. L’installation d’un nouveau logiciel doit permettre d’optimiser l’usage des batteries en fonction de la charge des véhicules et de la distance à parcourir. « Un des problèmes posés par le camion électrique est son coût d’achat, trois à quatre fois supérieur à celui d’un véhicule à moteur diesel classique, ajoute Heinrich Kerstgens. Nous restons ouverts, mais pour l’instant, il y a peu de véhicules novateurs dans le domaine des courtes distances, typiques pour le transport intermodal. L’hydrogène n’est pour l’instant pas une alternative sur le plan technique. Et l’infrastructure est insuffisante en termes de stations de carburant. C’est un aspect sensible, à cause de l’opposition des riverains aux projets d’installation de stations à hydrogène près de chez eux, comme à Hambourg. » Contargo ne se limite pas au camion électrique. L’entreprise veut exploiter prochainement six barges fluviales électriques et participe depuis peu au test d’une eHighway, une autoroute électrifiée, dans le Land de Hesse. « Au début, je trouvais ce projet absurde, avoue Heinrich Kerstgens. Mais j’ai changé d’avis. Si on arrive à construire trois liaisons est-ouest et deux nord-sud, soit 6 à 8 milliards d’euros d’investissement, la technique pourrait être rentable. » Contargo est d’autant plus préoccupé par le développement durable que l’entreprise est directement affectée par les conséquences de la catastrophe climatique. La sécheresse qui affecte la région du Rhin depuis un an a déjà de fortes répercussions sur le secteur de la logistique. En octobre 2018, le niveau du fleuve atteignait 44 cm à Kaub, à peine plus que le précédent record historique de 2003, à 35 cm. Pour Contargo, cela veut dire qu’un tiers de la flotte doit rester à quai. Si le niveau du fleuve descend à 40 cm, 45 % de la flotte est bloquée. Une partie de la cargaison doit alors être acheminée par camions à Constance, pour y être chargée sur les barges, obligeant l’entreprise à surtaxer ses coûts de 476 à 625 euros selon la taille des conteneurs. « Le développement durable, ce n’est pas seulement un mouvement écologique, souligne Heinrich Kerstgens. Il s’agit aussi de gagner de l’argent ! »