Comment les transporteurs appréhendent-ils la fonction logistique ? Le CNR a voulu le savoir. Il a interrogé un panel de transporteurs* opérant en REG e.a. (régional ensembles articulés) et LD e.a. (longue distance). Les premiers ont été sondés au deuxième trimestre 2018, les seconds au quatrième. Que ressort-il en tout premier lieu de cette enquête ? Que 60,7 % des entreprises de TRM interrogées par le CNR effectuent aussi des prestations de logistique. On évoque en l’espèce principalement des opérations de stockage longue durée, c’est-à-dire au-delà de vingt-quatre heures. « Cela n’exclut pas une diversification plus importante généralement observée à mesure que la taille de l’entreprise grandit, avec des prestations à plus forte valeur ajoutée (préparation de commandes, transformation de produits, etc.) », souligne David Enu, l’auteur de l’étude.
Depuis une dizaine d’années, les transporteurs se sont ouverts au complément d’activité que procure la logistique. De la PME au groupe, en passant par l’ETI, ce levier de croissance est devenu presque une évidence au fil du temps. Pour beaucoup d’acteurs du TRM, cette intrusion s’est déroulée par le prisme de l’entreposage. Et puis l’abandon progressif du stock par les industriels est venu alimenter petit à petit l’activité logistique des transporteurs, poussant ces derniers à élargir leur palette de prestations à des solutions logistiques plus élaborées (picking, logistique à façon, préparation de commandes, conditionnement, etc.). Les plus grands parmi les transporteurs ont investi massivement ce nouveau marché, en accompagnant leurs clients dans leur délocalisation industrielle ou en faisant eux-mêmes sortir de terre des surfaces logistiques.
Chez XPO Logistics Europe, la logistique compte à présent pour 55 % dans le revenu du groupe. Dans le Nord, Bils Deroo a mis ses moyens roulants au service de sa logistique, majoritaire. Chez Malherbe, Codimas se positionne sur une logistique pointue. Chez Vingeanne, l’incursion dans le e-commerce dope les performances logistiques, chez Prévoté également. Comme le rappelle le CNR en invoquant les classements de groupes établis chaque année par l’Officiel des transporteurs et Supply Chain magazine, les plus gros opérateurs de logistique (3PL) sont des transporteurs. Ils ont pour nom Geodis, XPO Logistics, Kuehne + Nagel, Stef, Gefco ou ID Logistics. « Les principaux prestataires de logistique en France sont effectivement des entreprises de transport (routier ou multimodal) qui ont diversifié leurs activités. Ainsi, deux tiers des 150 premiers acteurs de la logistique disposent d’une flotte propre pour réaliser des opérations de transport routier, la plupart sont de fait des grands noms du transport », explique l’auteur de l’étude du CNR.
Sur dix entreprises de TRM interrogées par le CNR, six déclarent disposer d’une activité logistique. C’est le cas de 36,5 % des entreprises de 0 à 19 salariés (quasi exclusivement du stockage), de 62,8 % de celles employant entre 20 et 49 salariés (stockage et préparation de commandes) et de près de 79 % pour les entreprises dont l’effectif dépasse les 100 salariés. Pour ces dernières, on parle de stockage de longue durée, de préparation de commandes et de transformation de produits.
Ces trois types de prestations logistiques sont, bien entendu, diversement appréhendés selon la taille des entreprises interrogées, ce que révèle l’étude CNR. La première de ces prestations occupe 36,5 % des entreprises de 0 à 19 salariés, 62,8 % des 20/49 salariés, 69,1 % des 50/99 salariés et 76 % des 100 salariés et plus. La deuxième occupe seulement 3,8 % des 0/19 salariés, 24,8 % des 20/49 salariés, 29,1 % des 50/99 et 45,3 % des 100 et plus. « Ces prestations se développent à mesure que la taille de l’entreprise grandit », précise David Enu. Quant à l’activité de transformation de produits, elle est peu répandue. Elle est pratiquée par 1,9 % des 0/19 salariés, 0 % des 20/49 salariés, 3,6 % des 50/99 et 13,3 % des 100 et plus.
Le rapport à la logistique est-il intratransport, si l’on ose dire ? Ou alors, fait-il l’objet de la création d’un établissement spécifique ? Dans la plupart des cas, de la TPE à la société de plus de 100 salariés, on traite la logistique « au sein du même établissement que le TRM classique », révèle l’étude CNR. C’est vrai pour 78,8 % des entreprises interrogées. On retrouve le même schéma au regard de la localisation des activités logistiques. « La localisation sur un même site ou sur un site proche de celui du TRM concerne 96,5 % des entreprises, commente David Enu. Il n’est dès lors pas abusif de parler d’intégration juridique et fonctionnelle de la fonction logistique au sein des entreprises de transport interrogées en 2018. »
Dernier pan de l’étude du CNR, la manière dont les transporteurs pratiquent le passage à quai, étant entendu, rappelle le CNR, que cet aspect n’entre pas dans le champ des activités décrites sous la dénomination « logistique » mais témoigne de la pratique du groupage technique. Il en ressort que 68,7 % des entreprises interrogées pratiquent le passage à quai rapide (stockage inférieur à vingt-quatre heures). Elles sont 53,7 % chez les 0/19 salariés, 68,1 % chez les 20/49 salariés, 78,2 % chez les 50/99 et 80 % chez les 100 salariés et plus. « En fait, seules 16,7 % des entreprises interrogées par le CNR pour le compte des enquêtes longue distance et régional sont focalisées sur le transport de lots complets stricto sensu, c’est-à-dire sans effectuer de passage à quai, ni de prestations logistiques telles que définies par le CNR dans cette enquête », souligne David Enu. L’engagement des transporteurs dans la logistique est devenu une réalité incontournable. « Bien pratiquée et optimisée, cette activité peut se révéler porteuse de marges plus consistantes et prometteuses que celles du TRM », commente Jérôme Plâ, dirigeant de Vingeanne Transports (voir interview ci-dessus).
*Le CNR précise que l’unité d’observation des enquêtes REG e.a. et LD e.a. « est le parc des ensembles articulés tracteurs + semi-remorques chargés jusqu’à 44 tonnes et exploités respectivement en régional et en longue distance par des transporteurs français, et non l’ensemble du parc des entreprises interrogées ».