Le fret routier ne représentait en 2015 que 17 % du volume total. Mais il est considéré comme particulièrement polluant en termes d’émissions de CO2, responsables du réchauffement climatique. Toujours selon l’ITF, le fret est responsable à l’échelle mondiale de 36 % des émissions de CO2 imputées aux transports à travers le monde, et cette proportion passera à 48 % d’ici à 2050. « Il sera particulièrement difficile de décarboner le secteur du fret », estime l’ITF dans son rapport annuel présenté à Leipzig. « Même le recours à des politiques ambitieuses ne suffira pas pour réduire les émissions de CO2 liées au fret en dessous du niveau de 2015 à l’horizon 2050. Dans ce contexte, l’éco-combi peut apporter une contribution positive », indique Alan McKinnon, spécialiste logistique de l’université Kühne de Hambourg, lors de la présentation de l’étude sur l’éco-combi réalisée par l’ITF.
« L’éco-combi est déjà utilisé dans un certain nombre de pays de l’OCDE, par exemple en Finlande et en Australie, rappelle l’ITF dans son rapport annuel. Ces camions peuvent contribuer à réduire les émissions de CO2, à limiter l’engorgement des routes et à réduire les coûts des transports car ils augmentent la sécurité du fret. Mais il y a aussi un côté négatif : s’ils aboutissent à un changement modal au détriment du rail, alors l’impact sur les émissions sera négatif. » « C’est à mes yeux la raison pour laquelle la France est tellement frileuse avec l’éco-combi, explique Alan McKinnon. Les Français ont trop peur pour le rail… ». Et pour la SNCF. Pour le chercheur, les exemples de l’Australie et de la Suède seraient pourtant encourageants. Notamment en Suède où la coopération avec les autorités a permis à Volvo de développer son offre de véhicules EMS. Longueur et tonnages autorisés dépendant des gouvernements, les maximums autorisés varient considérablement d’un pays à l’autre au sein de l’Union européenne (60 t ; 25,25 m de long depuis 2013 aux Pays-Bas ; 76 t, 34,5 m de long en Finlande ; 40 t, 25,25 m depuis 2017 en Allemagne…). « Il faudrait une harmonisation européenne pour que le développement de l’éco-combi puisse se réaliser », insiste Alan McKinnon. Les véhicules actuels ne peuvent franchir les frontières.
Selon l’étude de l’ITF, basée sur des données collectées en Afrique du sud, le développement de l’EMS permettrait de réaliser de considérables économies de CO2. En Finlande, l’autorisation des véhicules de 76 t aurait permis d’économiser 65 000 t de CO2 en 2015. L’effet pourrait être plus important encore si le passage à un gros tonnage est couplé, comme en Afrique du Sud, à des mesures de formation spécifique des conducteurs à l’environnement. En Afrique du Sud, l’auto-limitation de la vitesse pour éviter d’alterner phases d’accélérations et de freinages et une meilleure maintenance des véhicules ont permis de réduire la consommation de carburants de 10 à 25 % selon les entreprises. Toujours selon l’étude de l’ITF, le cas suédois (selon une étude locale effectuée entre 2003 et 2012) montre également que le nombre d’accidents au km parcouru est trois fois moins élevé pour les véhicules de 18,76 à 25,25 m que pour les véhicules de moins de 12 m de long. Enfin, l’étude démontre que contrairement aux idées reçues, l’EMS n’aurait pas de répercussions trop négatives sur les infrastructures. « Pour le même poids, un véhicule plus long est moins dommageable pour les ponts, ce qui explique que l’Allemagne autorise les EMS de 25,25 m s’ils ne dépassent pas 40 t, insiste Alan McKinnon. De la même façon, selon l’écart entre les axes, les véhicules très longs peuvent être moins problématiques pour le revêtement des routes. Le seul problème concerne les tunnels anciens, dont les courbes ou les espaces d’arrêt d’urgence ne sont pas adaptés à l’éco-combi. » Au final, selon l’étude de l’ITF, le recours à des camions plus longs et plus lourds augmenterait le coût de transport par camion de 5 à 12 %. Mais il permettrait de réduire de 10 à 50 % le nombre de véhicules nécessaires pour transporter le même volume de marchandises.