État des lieux et attentes

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État des lieux et attentes

En forte croissance, le compte propre réalise un quart des transports routiers de marchandises en France et se concentre autour de quelques filières. Ses dossiers d’actualité croisent ceux des transporteurs publics sur la fiscalité, la transition énergétique, la pénurie de conducteurs et la logistique urbaine.

Réalisé pour l’essentiel sur le territoire national, le transport pour compte propre de plus de 3,5 t affiche une forte dynamique depuis quelques années. Exprimée en tonnes-kilomètres (TK), son activité a bondi de plus de 35 % entre 2012 et 2018 alors que, dans le même temps, le transport public ou pour compte d’autrui se contractait de 10 %. Sa part de marché a ainsi gagné près de 7 points sur la période pour s’établir à 24,2 %, portée, à parité, par la hausse de ses tonnages et de ses kilomètres. Si le compte propre assure 40 % des TK du transport routier français sur des distances de moins de 150 km, ce sont les parcours plus longs, sur la tranche 150 à 500 km en particulier, qui alimentent en effet sa progression. Sur ce segment, il détient aujourd’hui une part de marché de 20 %. Structurelle, semble-t-il, l’augmentation des distances effectuées en compte propre se vérifie aussi sur les trajets de plus de 500 km où, sur les quatre dernières années, il y a doublé son activité.

Un marché concentré autour de porteurs et de VUL

Autour de produits agricoles, agroalimentaires, minerais et matériaux de construction, quatre filières rassemblent les deux tiers de son trafic. Selon la nomenclature NST 2007, huit rubriques en totalisent même 85 %. Dans chacune, sa part de marché s’élève entre 20 et plus de 45 % ! Estimé entre 150 000 et 200 000 moteurs, le parc exploité dans le compte propre de plus de 3,5 t est composé pour l’essentiel de porteurs alors que le tracteur domine dans le compte d’autrui. La majorité est utilisée dans le cadre de « navettes » ou de « tournées », soit, selon le Commissariat général au développement durable, « des trajets répétés et identiques quant à la marchandise transportée, à la distance parcourue, aux lieux de chargement et de déchargement, ou des trajets au cours desquels plusieurs enlèvements et/ou livraisons partiels et successifs sont effectués ». Ces schémas sont deux fois moins fréquents dans le compte d’autrui.

Hors périmètre de nombreuses statistiques, le compte propre détient aussi 95 % de la flotte nationale de véhicules utilitaires de moins de 3,5 t, outils incontournables de l’artisanat par exemple. Les rares données disponibles sur ce parc font état d’une production annuelle de l’ordre de 24 milliards de TK réalisée, pour l’essentiel, sur le territoire national. À la question parfois posée d’équiper ces derniers de tachygraphe, le rapport du député Damien Pichereau, remis en avril 2018, suggérait d’exclure le compte propre de cette démarche. Cette position est également défendue par l’Association des utilisateurs de transport de fret (AUTF) rappelée par son directeur des relations adhérents et institutionnelles, Christian Rose : « Cette mesure vise à réguler le transport pour compte d’autrui au moyen d’utilitaires. Elle serait disproportionnée dans le compte propre où les temps de conduite sont limités et les temps de travail encadrés par les conventions collectives de chaque filière autour d’une moyenne hebdomadaire de 35 heures. »

D’autres dossiers interpellent l’AUTF et les acteurs du compte propre en revanche et sont reprises dans la contribution des chargeurs remise lors du grand débat national. À commencer par la fiscalité environnementale, qui pourrait être appliquée au transport routier pour compte d’autrui comme du compte propre pour participer au financement des infrastructures. Ici, les transporteurs pour compte propre se montrent pragmatiques. « Nous sommes favorables à l’introduction d’une fiscalité environnementale qui se substituerait à due concurrence à d’autres prélèvements obligatoires qui pèsent sur le secteur et dont le produit des recettes serait affecté à l’accompagnement sous toutes ses formes du verdissement des comportements », déclare Christian Rose. Quant au projet de taxe Eco-Transport défendue, notamment, par TK’Blue et l’Organisation des transports routiers européens (OTRE), ses modalités interrogent. Appliquée aux chargeurs sur la base de l’information CO2/GES selon les principes de l’Eco-Emballages et du « payeur-pollueur », l’AUTF rappelle qu’aujourd’hui ses membres ont déjà des difficultés à exploiter les données de l’information CO2/GES en raison d’une grande diversité de calculs. L’association relève en outre la complexité des contrôles, lors d’affrètement par exemple, et de son application avec des transporteurs étrangers.

En faveur des EMS 25,25

Liant la fiscalité à la transition énergétique et au « verdissement des comportements », les transporteurs pour compte propre recommandent plus globalement de « libérer le transport routier de marchandises de toutes les entraves qui freinent son optimisation et ralentissent ses perspectives de massification ». Dans cette optique, ils proposent d’autoriser l’emploi d’ensembles routiers modulaires de grande capacité (EMS 25,25). Pour Christian Rose, cette mesure permettrait de « supprimer un véhicule sur trois sur les routes et réduirait les consommations de l’ordre de 20 % ainsi que, dans les mêmes proportions, les émissions de CO2, polluants chimiques tels que dioxydes de soufre, oxydes d’azote et monoxydes de carbone, particules ». Dans le cadre de l’examen de la loi d’orientation des mobilités (LOM), l’AUTF se déclare en faveur « d’un cadre réglementaire permettant une utilisation ciblée et choisie de ces véhicules sur le territoire national ». Quant à la question des énergies, elle suggère de « privilégier un mix énergétique recourant à différentes énergies selon leur créneau ou périmètre de pertinence d’utilisation ».

Le défi de la logistique urbaine

L’enjeu de la transition énergétique croise les défis posés aux transporteurs pour compte propre comme ceux du compte public en matière de mobilité urbaine. « La lutte contre les pollutions urbaines générées par le transport des marchandises n’a de sens qu’à partir du moment où suffisamment de solutions sont mises à la disposition des acteurs économiques pour leur permettre d’atteindre les objectifs », insiste Christian Rose. Ce cadre posé, les transporteurs pour compte propre proposent que la priorité soit accordée aux solutions réduisant simultanément la pollution, la congestion et le bruit dans des calendriers compatibles avec les capacités dont disposent les opérateurs économiques pour s’y conformer. Défendue également dans le projet de LOM, l’AUTF suggère de renforcer la lisibilité des réglementations urbaines applicables sur l’ensemble du territoire par « la création d’une plateforme qui centraliserait des données actualisées et accessibles gratuitement à tous les professionnels du transport comme aux éditeurs de logiciels de cartographie ». Un sujet d’actualité à l’heure où les zones à circulation restreinte (ZCR), rebaptisées zones à faibles émissions (ZFE) se développent en France.

Compte tenu de la révision en cours du règlement européen relatif à la sécurité des véhicules dont des poids lourds (cf. notre article pages 6-7), les transporteurs pour compte propre s’interrogent sur la pertinence de deux amendements déposés par des députés lors de l’examen de la LOM. Le premier vise à rendre obligatoire un autocollant sur les camions pour indiquer les angles morts aux usagers « vulnérables » de la route tels que les piétons et cyclistes. Plus contesté, le second vise à permettre aux maires, dans certains périmètres de leurs villes, d’interdire l’accès aux poids lourds non équipés de dispositif d’alerte indiquant au conducteur la présence d’un piéton ou d’un cycliste dans un angle mort. Au risque de devancer la réglementation européenne, sinon de la contredire, le déploiement de ces dispositifs d’alerte est prévu dans le texte communautaire actuellement débattu.

Avec 225 000 conducteurs, dont un tiers partira à la retraite au cours des prochaines années, le compte propre est confronté aux mêmes enjeux de recrutement que le compte d’autrui…

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