Un divorce sans accord débouchera d’abord sur l’introduction des règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) pour les échanges de marchandises. Et aussi, de nouvelles formalités douanières. Toujours en cas de sortie sans accord, la Conférence européenne des ministres des Transports (CEMT), prévoit de mettre en place un système d’autorisations multilatérales en remplacement des licences communautaires puisque le Royaume-Uni ne pourra plus bénéficier de ce régime. En début d’année d’ailleurs, le Royaume-Uni et l’Irlande ont demandé une cinquantaine d’autorisations supplémentaires CEMT afin de garantir les conditions de transport des véhicules immatriculés dans ces trois pays dans les deux sens, c’est-à-dire de et vers le Royaume-Uni. Pour éviter les situations de chaos au niveau des transporteurs, Bruxelles avait toutefois proposé en début d’année de mettre en place un accord transitoire valable jusqu’au 31 décembre 2019. Durant cette période, les véhicules européens et britanniques pourraient circuler et effectuer des transports internationaux dans les deux sens comme c’est actuellement le cas pour les transporteurs pourvus d’une licence européenne. Selon ce dispositif transitoire, le transport routier entre l’Union européenne et le Royaume-Uni ne serait pas interrompu. L’Italie a également envisagé de signer un accord bilatéral avec la Grande-Bretagne, mais cette solution a été écartée, Bruxelles préférant négocier directement avec Londres pour éviter une multitude d’accords particuliers. « Une sortie sans accord compliquerait la situation notamment au niveau des contrôles sur les camions à la frontière dans les ports de Douvres et Calais. Selon nos estimations, il faudrait des semaines pour évacuer les files de camions, ce qui aurait des répercussions importantes sur les coûts pour la filière du transport qui rejailliraient sur les entreprises et aussi sur la qualité des marchandises, notamment pour les fruits et légumes, qui ne peuvent pas être stockés sur des parkings dans des camions pendant plusieurs jours », a confié Gian Paolo Ansaloni à l’agence de presse italienne Agi. Cet Italien naturalisé britannique il y a cinq ans et employé par le ministère des Transports anglais a ajouté : « Nous imaginons déjà des milliers de camions et des queues de 45 kilomètres ! » Pour les entreprises de transport européennes, ce scénario est carrément cauchemardesque car il implique une augmentation des coûts et, en rebond, de nouvelles difficultés pour les petites entreprises.
Tandis que les Britanniques multiplient les simulations pour estimer l’impact de nouvelles normes en cas de Brexit dur, de l’autre côté de la barrière, on redoute le pire. À commencer par des contrôles marchandise par marchandise et des délais d’attente interminables qui impacteraient les coûts des entreprises.
Selon les estimations du ministère des Transports et Infrastructures italien, le marché britannique représente 5 % des exportations italiennes. Chaque année, l’Italie vend l’équivalent de plus de 24 Md€ en services et biens aux sujets de Sa Majesté. Un marché juteux pour de nombreuses entreprises comme le transitaire Sogedim, qui se prépare au Brexit depuis plusieurs mois. En clair, cela veut dire prendre des précautions comme former les équipes sur la question des licences pour le transport de marchandises ou les thématiques douanières. Et aussi, recruter du personnel spécialisé afin d’aider les entreprises italiennes ou britanniques en difficulté face aux nouvelles règles ou aux éventuelles zones d’ombre. Enfin, revoir la stratégie commerciale et financière pour le transport routier afin d’éviter un choc économique mais aussi des répercussions sur les coûts et en rebond, la grille tarifaire du transitaire. « Cette chance n’est pas donnée à tout le monde, les petites entreprises qui sont légion en Italie et représentent une véritable spécificité pour notre pays, ne peuvent pas affronter un surplus de coûts pour former du personnel ou recruter alors qu’elles ont déjà du mal à survivre. Certains, ceux pour qui le marché britannique est le seul client à l’étranger, pourraient devoir mettre la clé sous la porte », confie un petit transporteur sous le manteau.
« Nous exportons 21 Md€ par an à destination de la Grande-Bretagne, soulignait récemment Nereo Marcucci, président de Confetra (Confederazione dei trasporti e della logistica) dans une interview à la radio italienne, et nos importations totalisent 10 Md€. La Commission européenne a prévu qu’après le Brexit, il y aura des autorisations temporaires et sous condition de réciprocité sur une période de neuf mois. Le transport se déroulera comme avant pendant la période transitoire. » Cependant, le transport via les autres modes est également affecté. Par exemple, l’espace aérien britannique ne fera plus partie de l’espace européen avec des difficultés exponentielles bien que la numérisation devrait permettre une interopérabilité entre les systèmes. Pour le transport maritime, même constat. « La disparition d’une série de procédure simplifiée et d’autorisations en place nous fera revenir vingt ans en arrière », prévenait-il.
D’après un document de la douane de fin 2018, le Royaume-Uni est le troisième pays destinataire de l’export de la péninsule et le sixième pays d’origine des produits importés (données 2017). Elle dénombrait 177 000 opérateurs économiques concernés dont 68 000 ayant des échanges bilatéraux avec d’autres pays. L’administration des douanes attirait l’attention sur le fait que 42 % de ces entreprises ne sont pas familiarisées avec les procédures douanières, alors que celles-ci devraient croître de 15 % à l’export et de 20 % à l’import, à la fin de la période transitoire.
En 2017, les secteurs les plus dynamiques dans les échanges bilatéraux concernent l’industrie mécanique et l’automobile (respectivement 15,2 % et 10,1 % à l’export et 9,9 % et 16,4 % à l’importation). Sur les activités d’import depuis le Royaume-Uni, les combustibles fossiles représentent le deuxième poste. Une place à part est réservée à l’agroalimentaire, noyé dans la catégorie « biens divers ». L’impact du retour de droits de douane sur ces produits est estimé entre + 32 % et + 35 % pour les seuls vins et fromages, une part importante des exportations italiennes. Mais ce n’est pas de ces produits que les Britanniques ont fait des provisions. Ce sont plutôt les médicaments qui figuraient en première ligne. Selon la presse britannique, les transporteurs auraient fait des provisions de pièces de rechange pour les camions…