Comment améliorer l’image du secteur

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Pendant la SITL 2019, la profession est revenue au cours d’une table ronde sur les difficultés de recrutement et les solutions pour améliorer l’image du secteur.

Conducteurs, agents de quai ou agents de douane, tous les métiers sont concernés par les difficultés de recrutement, conséquence du manque d’attractivité mais aussi du faible nombre de formations menées en 2009-2010. « On ne recrutait pas beaucoup et on ne formait pas. Nous en faisons aujourd’hui les frais », souligne Marie-Bérengère Léone, directrice commerciale du groupe Jobology dont dépend la filiale Jobtransport. Le phénomène a obligé les entreprises à s’adapter pour trouver des candidats. « Nous parvenons peu à peu à recruter, indique Jean-Yves Chameyrat, DRH de Stef. Nos méthodes ont en revanche évolué pour embaucher : nous sommes devenus chasseurs de candidats et non plus cueilleurs de CV. » Le groupe Stef est ainsi parvenu à réaliser 2 700 embauches en 2018, dont 2 200 en France. Mais un gros effort est désormais réalisé sur leur intégration et leur fidélisation car l’embauche n’est pas terminée à la signature du contrat. Le groupe a ainsi connu une période où un tiers des nouvelles recrues choisissait de partir dans les six mois. « Il faut travailler autant sur le recrutement que l’intégration et leur donner envie de rester », explique Jean-Yves Chameyrat. Même constat pour le groupe Geodis, qui a constaté une forte hausse du turnover ces deux dernières années. « Mais cette situation nous oblige à bouger, nuance Jérôme Floriach, DRH du groupe Geodis. Nous nous sommes rendu compte de l’importance à donner à l’intégration et nous utilisons davantage l’alternance comme source de recrutement pour mieux fidéliser les candidats. »

Malgré les difficultés de recrutement, les salaires du secteur n’ont pas connu de grande augmentation en 2018 (voir encadré). « Il y a une certaine schizophrénie, justifie Jérôme Floriach. Nous devons prendre en compte les coûts de revient… » Les entreprises proposant quasiment le même salaire, les intervenants se sont interrogés sur d’autres marges de manœuvre qui pourraient attirer davantage de personnes vers la filière : l’intégration, la formation, mais aussi la notoriété, l’image, la sécurité, l’équipement ou encore l’ambiance au sein de l’entreprise peuvent être des critères déterminants.

Pour Marie-Bérengère Léone, l’évolution de carrière apparaît comme l’un des principaux leviers : « Ce secteur permet une mobilité évolutive. On ne peut pas s’ennuyer tant il y a de possibilités. » Une formule dont s’est emparé le groupe Stef depuis plusieurs années. La promotion interne y représente ainsi 80 % des postes pourvus, permettant parfois à des conducteurs d’évoluer jusqu’à des métiers d’encadrement. Au sein du groupe Geodis, le recrutement s’effectue à 40 % en interne. « Les talents sont chez nous et nous faisons tout pour les garder », indique Jérôme Floriach.

Féminisation

Une communication davantage tournée vers les femmes pourrait amener non seulement une main-d’œuvre supplémentaire mais aussi attirer davantage d’hommes qui seraient freinés par l’image d’un secteur marqué par la pénibilité. Or, à part certains métiers qui restent très physiques comme la distribution, « cette représentation n’a aujourd’hui plus de sens grâce aux matériels qui ont évolué et aident sur les tâches les plus pénibles », souligne Jean-Yves Chameyrat, qui précise que 20 % des salariés de Stef sont des femmes. Geodis regroupe de son côté 34 % de femmes tous métiers confondus.

Donner du sens au secteur et à ses métiers apparaît comme un autre levier susceptible d’améliorer leur image. Le groupe Stef, spécialisé dans le transport frigorifique, a lancé début janvier sa marque employeur sous le thème de la chaîne alimentaire. « Il faut montrer ce qui nous différencie, explique Jean-Yves Chameyrat. D’ailleurs, le secteur fait apparaître un caractère différenciant important. Il implique des prises de responsabilité et d’initiatives très rapidement. L’ascenseur social fonctionne. » Aux plus hauts postes à responsabilité, le sens et le rôle actif apparaissent également comme des facteurs clés pour séduire les étudiants. De plus en plus de candidats sortent d’écoles de commerce ou d’ingénieurs où la supply chain n’est qu’une option mais qui permettent d’atteindre le top management dans le secteur. Les étudiants de l’École des mines ont des niveaux bac+ 5 à bac+ 8 pour rejoindre des postes à responsabilité dans divers secteurs, comme l’industrie ou la recherche. Chassés par ces différentes filières, les étudiants font l’objet d’une rude concurrence entre les entreprises. Une quinzaine de personnes par promotion en moyenne rejoignent le transport et la logistique. « Ces étudiants pratiquent les mathématiques et la physique à haute dose mais ne connaissent pas toujours bien les entreprises, soutient Éric Ballot, professeur et responsable de l’option systèmes de production-logistique à l’École des mines. Pour attirer ces jeunes, il faut leur faire découvrir la filière, leur donner des défis à relever. Souvent, ils recherchent un rôle actif, comme créer de nouveaux services, mener des projets dans le développement durable, dans la responsabilité sociétale… »

Sur les postes à responsabilité, le groupe Stef ne privilégie pas d’école en particulier. Il propose en revanche un « graduate program » pour intégrer et surtout fidéliser des jeunes qui sortent principalement d’une formation bac+ 5 afin de les former à plusieurs métiers sur un parcours de vingt-quatre mois. Ils passent par toutes les fonctions régaliennes de l’entreprise, au niveau des postes supports mais aussi opérationnels, pour devenir managers d’ici quelques années, voire directeurs de filiale chez Stef. « L’interrelationnel s’avère très important, insiste Jean-Yves Chameyrat. Nous recherchons avant tout des “soft skills” chez les candidats, c’est-à-dire certaines compétences comportementales, comme l’esprit de service. À nous ensuite de les professionnaliser sur la partie technique. »

Transformation des métiers

Enfin, les nouvelles technologies qui apparaissent dans le transport peuvent s’avérer un atout, à la fois pour casser l’image d’un « secteur ancien » mais aussi réduire la pénibilité. Si un seul nouveau métier semble être pour l’instant apparu dans le secteur – le community manager, chargé de communiquer auprès de potentiels futurs candidats – les solutions informatiques commencent d’ores et déjà à transformer les postes. « Par exemple, l’exploitant dispose aujourd’hui de logiciels de gestion de tournée, il a ainsi des aides à la décision, souligne Jean-Yves Chameyrat. C’est davantage un accompagnement dans ses fonctions qu’un nouveau métier. » Geodis comme Stef soulignent l’importance de rester en veille active sur les technologies et de procéder à des tests, notamment sur ce qui réduit la pénibilité, par exemple les exosquelettes.

Baromètre des salaires

Randstad a mené une étude sur les besoins en main-d’œuvre et les salaires pratiqués par les clients de la filière transport et logistique, hors primes. « En 2018, la tension sur l’offre et la demande transparaît sur notre étude, indique Catherine Mourlevat, responsable des centres experts à Randstad. Les demandes de profils ont augmenté de 15 % ; les demandes directes de CDI de 18 %. » Les offres visibles, c’est-à-dire hors postes pourvus sans émettre d’annonces, se sont multipliées durant l’année. Un ralentissement a été ressenti en fin d’année, « peut-être à cause des Gilets jaunes, mais beaucoup de CDI ont également été conclus en septembre ». Si la rémunération n’explique pas à elle seule le manque d’attractivité du secteur, la progression en 2018 du salaire moyen des métiers de conduite sur route, hors primes, a augmenté plus fortement que lors des trois années précédentes, à + 1,5 %. Cette augmentation s’avère toutefois inférieure à celle de l’ensemble des métiers non cadres (+ 2,2 %) mais supérieure dans les postes de logistique, avec + 2,4 %. « Les salariés qui restent dans un même métier voient leur salaire peu augmenter tout au long de leur carrière, souligne Catherine Mourlevat. En revanche, le secteur permet des évolutions de carrière par le développement des compétences des collaborateurs. »

G. I.

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