Isabelle Maître : Beaucoup de choses se sont jouées en coulisses. Et puis, au fil du temps, le bloc de l’Est s’est un peu fissuré. Nous, FNTR, avons adopté plusieurs positions communes avec nos collègues allemands de la BGL et nordiques de la NLA mais également, le 1er avril, avec les Tchèques et les Slovaques qui nous ont rejoints. C’était important, dans notre travail de lobbying à Bruxelles, de ne pas nous retrouver seuls depuis le début.
I. M. : Ces deux pays sont au centre de l’Europe et leur économie est plus développée que celles des autres nations de l’Est ou de l’Europe centrale. Eux aussi commencent à subir la pression de la concurrence exercée par leurs voisins. Ils ont donc tendance à se rapprocher de nos positions sur le plan social. Leur niveau de vie s’est amélioré et ils sont enclins à tourner le dos à leurs collègues, qu’ils trouvent extrémistes, notamment les Roumains et les Bulgares. Pendant les longs mois de blocages, ce sont surtout les Polonais et les Roumains qui étaient à la manœuvre.
I. M. : Outre les Allemands, les Danois, les Norvégiens et les Suédois (regroupés dans la NLA) et nous, nous avons perdu en route les Belges (opposés aux nouvelles règles sur le cabotage).
I. M. : En effet, le Parlement souhaite remplacer les restrictions existantes par la durée des opérations, à savoir trois jours accompagnés d’une période de carence de soixante heures. Ce qui était très important pour nous, c’était d’obtenir une majorité au Parlement européen, sur la base d’une position assez proche de celle du Conseil [des ministres des Transports, Ndlr] de décembre 2018. Les Allemands sont davantage favorables à une période de carence de cinq jours… En tout cas, sur le cabotage, les députés sont un peu plus libéraux.
I. M. : Cela se fera dans le cadre d’un trilogue [discussion entre la Commission de Bruxelles, le Conseil des ministres des Transports et le Parlement européen qui donneront corps au projet final, Ndlr]. On sait par expérience, que c’est souvent la voix du Conseil qui l’emporte à la fin des échanges.
I. M. : Il y a notamment le retour du camion dans son pays d’origine au bout de quatre semaines, disposition qui ne figurait pas dans l’accord du Conseil de décembre dernier. Il est également question du retour du conducteur. Elle est très importante, cette interdiction formalisée du repos en cabine. On irait vers une harmonisation de cette règle, qui mettrait fin au patchwork qui sévit actuellement.
I. M. : Le texte est assez strict. Il exclut le transit et le bilatéral. Il faut savoir que nos amis de l’Est voulaient que l’on accorde dix jours d’exemption, c’est-à-dire de pouvoir pratiquer des opérations de transport sur cette période sans tomber sous le coup de la directive détachement qui plaide pour une harmonisation au niveau des rémunérations.
I. M. : Tout à fait. C’est très important pour nous, même si cette intégration sera limitée puisqu’il n’est pas question de leur imposer le chronotachygraphe, par exemple. Leur intégration portera surtout sur l’accès à la profession. Il est question de concurrence illégale accrue et de sécurité sur les routes, liée à leur surcharge. On assiste toutefois à un début de professionnalisation de ce secteur et nous le saluons.
I. M. : Dans le Parlement qui se dessine, il va être compliqué de trouver des majorités. C’est la raison pour laquelle il était crucial de trouver un accord avant la fin de la mandature. Ces nouvelles règles, dans un contexte de pénurie de conducteurs, peuvent contribuer à redorer le blason de la profession à l’échelle européenne, puisque l’on offrirait la possibilité pour le conducteur de rentrer à son domicile régulièrement et de prendre son temps de repos en dehors de la cabine de son camion. Il y a un message fort sur le social.
I. M. : C’est vrai. Il faut avancer étape par étape. Réjouissons-nous déjà de l’avancée de ce jour (vendredi 5 avril).
I. M. : Le temps est compté car il faut se retrouver avant la fin de la législature. Les positions du Parlement européen et du Conseil sont assez proches, on peut donc être optimistes sur le compromis qui sortira des positions du Conseil de décembre dernier et celles du Parlement en avril. La balle est dans le camp des États membres. La France est disposée en tout cas à agir vite. De toute façon, le texte est sur la table, et c’est une bonne chose.