Les députés européens ont donné un signal fort à la Commission européenne et au Conseil des ministres des Transports avec lesquels ses représentants devront négocier dans les meilleurs délais pour trouver un consensus dans le cadre du trilogue. Beaucoup d’observateurs, en France et à l’étranger, s’accordaient à dire qu’il ne sortirait rien des négociations actuelles sur le paquet Mobilité avant la fin de la mandature. Contre toute attente, le Parlement de Strasbourg a surpris tout son monde en adoptant des règles qui devront permettre de lutter (en théorie) contre les pratiques illégales dans le transport routier mais également d’améliorer les conditions de vie des conducteurs européens. Une sorte d’harmonisation sociale vers le haut à laquelle peu voulaient croire du côté des États qui forment l’Alliance du routier tant les pays de Visegrád (le bloc Pologne) étaient arc-boutés sur un statu quo. La République thèque et la Slovaquie sont venues apporter leur soutien à la position de l’Alliance, ce qui a eu pour effet de faire bouger les lignes.
Les nouvelles orientations adoptées par le Parlement européen portent sur trois points clés : la protection des salariés au travers de l’interdiction du repos hebdomadaire dans la cabine et du retour (obligatoire) des conducteurs dans le pays d’établissement. « Ces mesures doivent contribuer à lutter contre la concurrence sociale et à mettre un terme aux conditions de vie dégradantes de nombreux conducteurs étrangers, alimentant l’image négative qu’elles engendrent auprès du grand public », estime l’OTRE, qui trouve le compromis « globalement positif mais partiellement imparfait ». Autre point : l’encadrement du cabotage. Son délai serait ramené à trois jours (avec un nombre d’opérations illimitées) assorti d’une période de carence réduite à soixante heures. Sur ce deuxième point, les négociations avec le Conseil des ministres des Transports de l’Union européenne, dans le cadre du trilogue, s’annoncent serrées. Le 3 décembre dernier, le Conseil avait en effet affiché sa préférence pour une période de cabotage de sept jours et trois opérations – un statu quo, en fait, comme le souligne Isabelle Maître, la représentante permanente de la FNTR à Bruxelles – avec une période de cinq jours de carence. L’OTRE déplore que « le texte adopté autorise finalement un nombre illimité d’opérations de cabotage […] » et juge « insuffisant » le délai de carence à soixante heures. Les députés européens souhaitent, par ailleurs, que les règles relatives au détachement s’appliquent aux opérations de cabotage et de transport frontalier, à l’exception des opérations de transit et bilatérales avec un chargement ou déchargement supplémentaire dans chaque sens.
Le texte adopté par le Parlement européen vise à lutter contre les « entreprises boîtes aux lettres ». Il est également question de poser un cadre au secteur du VUL : professionnalisation et accès à la profession sont proposés. Pas question, en revanche (pour le moment), de chronotachygraphe obligatoire pour ce type de véhicule. « Après le compromis de décembre, le Parlement européen confirme lui aussi la pleine application du droit du détachement du secteur du transport routier. C’est un aveu prioritaire pour la France, pour faire respecter dans ce secteur le principe « à travail égal, salaire égal” », s’est réjouie Élisabeth Borne. La ministre des Transports appelle de ses vœux un examen « dans les meilleurs délais » de ces compromis dans le cadre du trilogue. La FNTR, de son côté, estime que le texte adopté par le Parlement européen constitue « un pas sans précédent vers un rééquilibrage de la concurrence ». L’Unostra parle, elle, d’« équilibre acceptable entre harmonisation et libéralisation ». « C’est un coup d’arrêt à la dégradation continue des conditions de travail et à la précarisation sociale de millions de chauffeurs routiers. L’Europe sociale l’a emporté sur l’Europe du dumping social », a déclaré, pour sa part, Christine Revault d’Allones-Bonnefoy, députée européenne socialiste et rapporteuse de la révision de la directive Eurovignette.