Les activités de commissionnaire en douane sont régies par les articles 86 à 94 et 396 du Code des douanes. Celles afférentes à l’activité de commissionnaire de transport le sont, au visa des articles L132-1 et suivants du Code de commerce.
Ces deux activités sont ainsi juridiquement a priori autonomes et distinctes conduisant à l’application de règles bien spécifiques, notamment en termes de prescription. En pratique, leur contractualisation suit rarement l’orthodoxie juridique et il est fréquent qu’elles fassent l’objet d’une facturation commune mêlant des prestations hybrides.
Dans l’espèce soumise à la chambre commerciale de la Cour de cassation le 30 janvier dernier (n° de pourvoi 17-28913), le prestataire en question, la société Toll Global Forwarding France (Toll) bénéficiait d’une double casquette attribuée de façon large par son donneur d’ordre, au titre de l’ensemble de son activité d’import-export : l’une afférente à l’organisation logistique des transports de marchandises en provenance ou à destination du territoire national ou international ; l’autre relative à la représentation en douane, à compter du 1er janvier 2015.
Consécutivement à l’émission d’un avis de mise en recouvrement (AMR) le 1er juillet 2015 à l’endroit du donneur d’ordre au titre d’une TVA impayée par l’agence maritime intervenue comme sous-traitant de Toll, toute la question était de savoir si la responsabilité de Toll devait être analysée sous le prisme du commissionnaire de transport ou sous celui de commissionnaire en douane. L’enjeu était de taille car dans un cas, le recours du donneur d’ordre s’avérerait frappé de prescription (commission de transport) et dans l’autre, recevable (commission en douane).
Au soutien de son pourvoi tendant à faire admettre la qualité de commissionnaire de transport, Toll invoquait l’article 2-7 du contrat-type de commission de transport (art. D. 1432-3 du Code des transports) suivant lequel : « Constituent notamment les prestations accessoires au contrat de commission de transport […] les opérations de douane ».
Par le jeu de la théorie de l’accessoire (accessorium sequitur principale) qui conduirait ainsi à apprécier la prestation douanière en cause, c’est-à-dire celle ayant donné lieu à l’AMR litigieux, sous couvert de la casquette de commissionnaire de transport de Toll, l’arrêt de la cour d’appel ayant déclaré le recours du donneur d’ordre recevable devrait, selon Toll, être cassé et in fine, le moyen tiré de la prescription admis. Mais la Cour de cassation ne l’a pas entendu de cette oreille.
En dépit des termes de l’article L 1432-10 du Code des transports qui consacrent l’application de plein droit des contrats-types, c’est en effet sur l’indépendance et le caractère « détachable » de la prestation en cause que la Cour de cassation s’est fondée pour rejeter le pourvoi qui lui était soumis.
La solution est heureuse, car ici, le prestataire s’était bien vu confier deux missions distinctes dont aucune, compte tenu de la généralité du mandat qui y était attaché ne devait « prendre le dessus » sur l’autre.
L’application de la théorie de l’accessoire n’avait donc pas lieu d’être car, bien que consacrée dans le contrat-type commission de transport pour ce qui concernerait des prestations douanières « accessoires », encore eût-il fallu précisément que la prestation de commission en douane en cause puisse ne pas se détacher d’une prestation plus générale de commission de transport. Or ici, encore une fois, la généralité de la mission confiée distinctement au titre des prestations douanières attribue bien à celles-ci un sort autonome et indépendant, juridiquement détachable du statut de commissionnaire de transport. La portée de cet arrêt est donc limitée car à supposer, comme envisagé au début de nos propos, que la scission des deux types de prestations ait été moins évidente et/ou moins équilibrée, on ne sait pas dans quel sens la cour aurait tranché. De façon prospective, on peut toutefois imaginer que, dans le droit fil de cette décision, le « fil rouge » que suivront les juges sera constitué d’indices, de critères quant aux caractères d’indépendance et détachable de la prestation en cause. En cela, ses modalités de contractualisation (libellé du bon de commande, du bordereau de prestation et de la facture) seront de précieux atouts.