La liaison ferroviaire transalpine Lyon-Turin est un projet de ligne à grande vitesse (LGV), combinant le transport passagers/marchandises avec le déplacement d’une partie du trafic routier sur le rail. Conçu en 1991, le projet a été inséré en 2005 par la Commission européenne dans le programme continental des réseaux transeuropéens. La construction de cet ouvrage, dont le montant global est aujourd’hui estimé à plus de 26 Md€ (8,6 Md€ pour le tunnel), est financée à hauteur de 40 % par l’Union européenne, 25 % par la France et 35 % par l’Italie. Au chapitre de la partie ferroviaire, la longueur totale est de 269,8 km dont 81,1 km en Italie. La partie transfrontalière mesure 65 km. Les chantiers sont en activité à Chiomonte (Italie) et Saint-Martin-La-Porte, en France. En février 2019, le creusement a atteint plus de 16 % des 162 km de galeries prévus pour l’ouvrage composé de deux tunnels parallèles de 57,5 km, quatre descenderies déjà construites et 204 « by-pass » de sécurité. La mise en service du Lyon-Turin est prévue en 2030.
Depuis l’arrivée au pouvoir, en juin 2018, du gouvernement de coalition Mouvement 5 étoiles [M5S] et de la Ligue, le chantier est remis en question. Le mouvement veut interrompre les travaux pour répondre aux vœux de son électorat écologiste. La Ligue, en revanche, souhaite accélérer les travaux pour satisfaire les exigences des PME implantées dans tout le nord du pays, lesquelles estiment que le Lyon-Turin peut relancer le développement industriel sur le long terme en facilitant les échanges. À l’automne dernier, l’exécutif a demandé à un groupe d’experts d’étudier les coûts et les bénéfices du chantier. Ce rapport initial, remis le 10 janvier dernier, faisait état d’un déficit de l’infrastructure de 7 Md€. Un complément réclamé fin février par le président du Conseil Giuseppe Conte contredit ce chiffre qu’il divise par deux. Dans le premier rapport, le calcul des coûts était effectué globalement sans tenir compte des financements. Le deuxième, en revanche, exclut dans la partie finale l’apport financier des fonds européens et de la France. Par ailleurs, il ne tient pas compte du manque à gagner sur les taxes de carburant et les péages autoroutiers. Du coup, la facture de l’Italie passe de 7 Md€ à 3,5 Md€. Dans ce contexte, poursuivre les travaux est moins onéreux pour Rome par rapport au montant des pénalités que l’Italie devrait débourser en cas d’interruption.
Détenue à parts égales par la France et l’Italie, la société Telt (Tunnel Euralpin Lyon-Turin), est le grand maître d’ouvrage du Lyon-Turin. Pour ralentir les travaux, à défaut de pouvoir les interrompre sans avoir trouver un accord avec Bruxelles et Paris, notamment au chapitre des sanctions prévues dans ce cas précis, le gouvernement italien a demandé à Telt de repousser le lancement des procédures d’appel d’offres relatives aux travaux en France pour le tunnel de base qui constitue l’élément central de la future liaison ferroviaire. Or, un report impliquerait la perte de 300 M€ équivalente à une première tranche de sa participation, qui serait redistribué à d’autres chantiers en Europe. Pour contourner cet obstacle, le gouvernement italien a demandé l’insertion d’une mention dans les avis de marché indiquant la « possibilité de pouvoir interrompre sans obligations et sans coûts, la procédure dans toutes étapes ».
Pour interrompre les travaux, le parlement italien devrait adopter une loi modifiant les traités signés avec la France, le dernier datant de 2017. Pour Rome, l’interruption définitive des travaux implique une facture plutôt lourde de l’ordre de 3 à 4 Md€, car il lui faudrait rembourser la tranche de 600 M€ de fonds communautaires non dépensés, combler les 25 km de galeries excavées, dédommager les entreprises sous contrat et verser les éventuelles pénalités réclamées par Paris et Bruxelles. Enfin, mettre en sécurité le tunnel historique qui n’est plus aux normes internationales. L’Italie, par ailleurs, ne pourrait plus bénéficier des fonds communautaires pendant trois ans.
Le président du Conseil, Giuseppe Conte, doit rencontrer Emmanuel Macron et Jean-Claude Juncker à l’occasion du prochain Conseil européen du 21 au 22 mars. L’idée est de leur soumettre les résultats de l’étude commanditée par le gouvernement italien sur les coûts et les bénéfices du Lyon-Turin et de proposer trois solutions. Soit carrément la fermeture du chantier sur la base de ce rapport négatif, soit une nouvelle répartition des dépenses entre la France et l’Italie. Enfin, une baisse globale des dépenses, en éliminant une partie des constructions pour réaliser une infrastructure moins ambitieuse, peut être envisagée. »