Agir concrètement dans la revalorisation de l’image du transport et de ses entreprises pour mieux attirer les talents, c’est l’objectif de la démarche des « ambassadeurs du transport ». Jusque-là limitée à cinq entreprises volontaires, l’initiative s’adresse désormais à toutes les entreprises de la région, et peut-être bientôt au-delà. Le label « ambassadeurs du transport » a été construit sur l’année 2018 par l’AFT, l’ensemble des fédérations (FNTR, TLF, OTRE, FNTV), l’OPCA transports, le Conseil Régional des Hauts-de-France, Pôle Emploi et la Direccte. « L’idée était de travailler sur des plans d’action tout en se rapprochant de partenaires pour que le label soit reconnu, indique Saou Ghadfa délégué régional Hauts-de-France de l’AFT. La démarche a été testée par 5 entreprises afin qu’elle corresponde réellement à leurs besoins. » Le 27 février a eu lieu le lancement de la démarche au sein du Conseil régional. Les différents acteurs ont voulu en faire un temps fort en le réalisant au sein du Conseil régional des Hauts-de-France, en présence d’élus de la Région. À l’occasion, deux tables rondes ont été organisées. La première était composée de témoignages de jeunes aux parcours variés, en formation ou déjà salariés, qui ont choisi la filière transport. Les 5 transporteurs volontaires (Transports Cassier-Vécanord, Bray, Carpentier, Main Forte, Ramette) ont ensuite partagé leur engagement dans la démarche, les plans d’action qu’ils ont pu mettre en place et leurs projets en tant qu’« ambassadeurs ». Ils ont travaillé sur des plans d’action concrets après un diagnostic basé sur trois grands axes : découverte des métiers, bonnes pratiques de recrutement ainsi qu’accompagnement et valorisation des salariés. Pour être labellisée « ambassadeur du transport », l’entreprise doit couvrir les trois axes sur un plan d’actions de 3 ans, avec des caps fixés chaque année. Tous les ans, leurs évolutions sont présentées aux partenaires. « Se projeter ainsi permet au transporteur de se demander quel sera l’impact d’une action dans les 3 ans à venir, comment chaque cap annuel pourra être passé et quels moyens il va se donner pour les atteindre. Et les partenaires sont là pour les aider, » précise Saou Ghadfa.
Tous les deux mois, les 5 entreprises se réunissaient pour échanger en transparence sur leurs pratiques RH sur les 3 axes et étudier les méthodes qui fonctionnaient ou pas. « On peut ainsi dupliquer les bonnes pratiques de chacun pour faire avancer les cartes, note Franck Behra, dirigeant des Transports Cassier-Vécanord. Pour travailler sur l’attractivité, il faut s’unir et s’ouvrir afin de créer une adéquation. » Les 5 entreprises ont fait part de plusieurs plans d’actions qu’elles ont développés. Sur l’axe « découverte des métiers », les transports Carpentier ont par exemple proposé de placer un camion devant une agence Pôle emploi à Calais lors de journées d’information afin de présenter le secteur et ses métiers. Les transports Bray se sont engagés de leur côté à organiser une quarantaine d’immersions pour la découverte des métiers chaque année pendant au moins 3 ans. Démarchée par une école primaire voisine fin 2017, l’entreprise a également reçu de très jeunes élèves. « Montrer le métier à des enfants de cet âge pourrait créer des vocations, espère David Bray, dirigeant de la société. Dans dix ou quinze ans, peut-être viendront-ils travailler chez nous. » Une idée pas si décalée puisque, dans beaucoup de communes, le transporteur s’avère souvent être le plus gros employeur. Dans la majeure partie des cas, un plan d’action requerrait l’appui de partenaires de la démarche des « ambassadeurs ». Les transports Cassier-Vécanord, qui souhaitaient se rapprocher d’un lycée pro, ont ainsi été épaulés par l’AFT pour organiser des classes immergées pour des étudiants en BTS. Le plan d’action s’est réalisé au bout de 3 à 4 mois. Des cours se sont ainsi déroulés au sein de l’entreprise avec une approche concrète à travers les différents services de la société (exploitation, process qualité…). Sur l’axe des bonnes pratiques de recrutement, les 5 entreprises ont soigné leurs processus d’intégration. Par exemple, les Transports Bray utilisent une approche développée par Pôle emploi, basée sur les compétences nécessaires pour le secteur, comme la relation de service, et non sur le CV : les compétences comportementales, les savoir-être professionnels mais aussi la capacité de géolocalisation sont ainsi testés chez les candidats par des mises en situation. Des conducteurs tuteurs ont été impliqués pour accompagner les candidats et faire ensuite un rapport sur leur motivation et leur comportement. De leur côté, les Transports Ramette misent sur l’alternance et en particulier sur l’apprentissage qui permet de bien intégrer les jeunes dans l’entreprise. La féminisation du métier est aussi considérée par les transporteurs. Pour cela, des conditions sont à réunir pour que les femmes ne se sentent pas seules lorsqu’elles arrivent dans l’entreprise. « Nous les informons directement sur les éventuels freins, comme les horaires pour ne pas qu’il y ait de confusion », indique Élisabeth Dargent, directrice de Main Forte. Sur l’accompagnement et la valorisation des salariés, les entreprises ont également développé plusieurs plans. La communication sur les formations non obligatoires par exemple chez Main Forte, notamment via les VAE qui permettent de reconnaître les compétences des salariés. Les transports Cassier-Vécanord défendent par ailleurs la démarche des conducteurs « compagnons de la route » qui aiderait à la fois à valoriser les conducteurs et à soigner l’image du secteur : « en formant les conducteurs systématiquement aux premiers secours, ils pourraient prodiguer les premiers soins mais aussi développer des réflexes salvateurs, souligne Franck Behra, qui se souvient d’un conducteur en Belgique qui, voyant un accident au loin, a su placer avec précaution son camion en travers d’une autoroute pour arrêter les voitures qui suivaient et éviter ainsi un suraccident. Ils pourraient de cette manière être davantage considérés comme des protecteurs sur la route. » Les transporteurs et les partenaires de l’opération pensent désormais à exporter le label au-delà de la Région. « On étudie le déploiement de cette démarche dans d’autres régions, souligne Thomas Hughen, directeur du département de l’action professionnelle de l’AFT. Des réunions se tiennent actuellement dans le Grand-Est. »
Pourquoi choisir une carrière dans le transport ? Au cours de la première table ronde, des étudiants et des conducteurs sont venus témoigner de leur choix de carrière, parfois après une expérience dans un autre secteur ou des études dans une filière différente. Romain, conducteur pour les Transports Depaeuw qui avait remporté le Trophée des routiers des Hauts-de-France en 2018, avait entamé des études à la fac de lettres. Mais le transport, secteur qu’il avait toujours côtoyé puisque son père était conducteur, a commencé à le « démanger ». Il a alors cassé sa tirelire pour passer tous ses permis puis est entré aux Transports Depaeuw il y a maintenant 17 ans. Passionné, il prend aujourd’hui à cœur de défendre le métier qui va au-delà de la seule conduite, précise-t-il : « un conducteur représente l’entreprise puisqu’il a la particularité d’aller aussi travailler chez les autres. C’est un métier de service qui demande de plus en plus de savoir-faire avec l’informatique embarquée notamment. » Même bifurcation en milieu d’études pour Léa qui s’est rendu compte que le secteur de la vente ne lui convenait pas. Elle obtiendra dans les semaines à venir son permis PL, avec peut-être, après une première expérience de conduite, une poursuite d’études dans une filière qui plébiscite fortement l’évolution via l’alternance. C’est le cas de Clément, étudiant à l’Isteli et en contrat de professionnalisation aux Transports Marchand, qui compte obtenir au minimum un bac + 3. Le secteur fait par ailleurs apparaître un grand atout puisqu’elle permet l’intégration professionnelle de personnes sans diplômes. Mickaël, venu de l’étranger, a passé tous ses permis avec Main Forte, entreprise d’insertion par le transport. Les reconversions en milieu de carrière ont aussi été évoquées avec Thomas, ancien photographe, qui a été séduit par la pérennité du secteur du transport.
En parallèle du lancement de la démarche des « ambassadeurs », un job dating a été organisé dans l’un des salons du Conseil régional. Si l’activité s’avère légèrement plus calme en ce début d’année, des départs en retraite restent à combler et les remplacements de la période estivale doivent se préparer. Pôle emploi, partenaire de l’opération, a procédé à un listing de demandeurs d’emplois après consultations auprès de la quinzaine d’entreprises participantes pour cibler leurs besoins. Près de 280 demandeurs d’emplois sont ainsi venus rencontrer les employeurs régionaux.