Il n’y a pas eu de surprise au début de ce mois. Les sociétés d’autoroutes ont passé une nouvelle hausse de leurs tarifs de péage : entre + 1,86 % et + 1,97 %, en moyenne, pour les poids lourds. Circulez et passez à la caisse… « Il n’y aura pas de renationalisation », a déclaré récemment Élisabeth Borne, la ministre des Transports. Une manière d’apporter sa bénédiction à la décision prise en 2006 par Dominique de Villepin, l’ancien Premier ministre de Jacques Chirac, de confier au secteur privé la gestion des autoroutes françaises. Une cession présentée à l’époque comme « un cadeau » aux acquéreurs tant le montant du chèque (14,8 Md€) apparaissait dérisoire, encore aujourd’hui. Mais l’État, qui traînait comme un boulet la dette des autoroutes (30 Md€), a alors souhaité se désengager, estimant que leur gestion n’entrait pas dans son périmètre. Déjà, à l’époque, la Cour des comptes avait épinglé l’exécutif au motif que le montant de la cession était, selon elle, sous-évalué de 10 Md€. L’État s’est ainsi privé d’une manne non négligeable. Il a également fait une croix sur les dividendes. Pas les sociétés privées – leurs actionnaires présents dans le béton pour certaines d’entre elles – qui aujourd’hui se gavent, en termes de résultat, à hauteur de 17 % de leur chiffre d’affaires en moyenne. Des profits assis sur une courbe exponentielle, puisqu’ils ont augmenté de 20 % en l’espace de dix ans. La belle affaire… Selon un rapport de l’Arafer (Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières), les sociétés d’autoroutes ont, en 2017, versé 1,7 Md€ à leurs actionnaires. Douze ans après leur OPA, ces derniers ont récupéré en dividendes le montant de l’enveloppe versé à l’État au moment de la privatisation (14,9 Md€ contre 14,8 Md€, selon l’Arafer). Visionnaire, l’État, comme à son habitude : il s’est privé d’une manne dont il aurait pu faire usage, encore aujourd’hui, dans bien des domaines où les caisses sont vides. « En elle-même, la privatisation n’a pas été un problème, estime Marc Ivaldi, un économiste des transports interrogé par Le Figaro. En revanche, les contrats ont peut-être été mal écrits. Les sociétés exploitantes font beaucoup de profits et les péages peuvent être jugés trop chers. » C’est peu de le dire… Selon diverses sources, les sociétés d’autoroutes ont investi 1,5 Md€ en 2018, et en dix ans, près de 17 Md€. Des dépenses sur lesquelles il y aurait beaucoup à redire, selon l’Arafer. L’autorité de régulation a estimé que « près de la moitié des opérations n’étaient pas strictement nécessaires ou utiles à l’exploitation de l’autoroute ». La hausse des tarifs de péage n’est, en revanche, pas sans atteinte pour l’exploitation des transporteurs.
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