« Le transport a été mis de côté face aux services de l’automobile », déplore Patrick Blaise, secrétaire général de la CFDT transports. Avec la loi du 5 septembre 2018, les 20 organismes paritaires collecteurs agréés (Opca), devenus opérateurs de compétences (Opco), doivent regrouper plusieurs métiers afin de réduire leur nombre. Ainsi, l’Opco Mobilité réunit une douzaine de branches (cf. tableau page 7) dont les transports et les services de l’automobile. Chaque nouvel organisme doit obtenir son agrément au plus tard le 1er avril 2019, après un accord entre les syndicats de salariés et les organisations patronales des différentes branches qui le composent. Mais plusieurs points n’ont pas convaincu les organisations syndicales du transport qui, à l’exception de la CGT, n’ont pas ratifié le document lors de la réunion du 10 décembre. « Au sein de la fédération, nous avions anticipé la mise en place de l’Opco avec les autres métiers, explique Fabrice Michaud, secrétaire général de la CGT Transports. Nous avons travaillé non dans une logique de place mais de travail et d’intérêts pour les salariés que nous représentons dans les branches. Nous avons même signé avant le patronat. » En l’état actuel, le transport ne peut siéger au conseil d’administration de l’organisme tant que l’accord ne réunit pas un ou des syndicats représentatifs au moins à 30 % – la CGT, seule signataire, pèse 27,12 %. Principal grief relevé par l’ensemble des syndicats non signataires : la répartition des sièges entre le transport et l’automobile. « Le secteur de l’automobile, qui réunit 475 000 salariés, a quasiment autant de sièges que la branche transport, qui en compte 750 000 », souligne Patrice Clos, secrétaire général de FO. Conviées à peu de réunions de discussion, les OS estiment ne pas avoir eu leur mot à dire.
La représentativité, basée sur des Conseils de métier et non sur les organisations syndicales, fait par ailleurs également l’objet de crispations. La CFDT réclame ainsi « l’application de l’accord national interprofessionnel de 2012 » qui prévoyait un « vote paritaire au conseil d’administration et non collège par collège », indique Patrick Blaise. Sud et l’Unsa entrent ainsi dans l’Opco selon les termes du projet d’accord. « Or, ces syndicats ne sont pas confédérés, ils n’ont de représentation qu’au niveau des métiers et n’ont d’ailleurs de représentation dans aucun autre conseil d’administration d’Opco », indique Thierry Douine, président de la CFTC Transports, syndicat qui n’entre pas dans la répartition au conseil d’administration telle que présentée dans le projet d’accord (cf. tableau page 7).
Côté patronal, le projet d’accord a été ratifié. « Les difficultés viennent des organisations syndicales. Il leur appartient de trouver une solution », indique Jean-Marc Rivera, secrétaire général de l’OTRE. Les quatre syndicats non signataires ont envoyé un courrier au ministère du Travail. « Ils ont bien vu que la négociation n’avait pas été sincère, précise Thierry Douine. Nous sommes quatre syndicats (CFDT, CFTC, FO et CFE-CGC) et nous nous serrerons les coudes jusqu’au bout. Nous demandons une renégociation de l’accord. » Désormais, trois possibilités se présentent : le ministère du Travail peut agréer l’Opco tel qu’il est présenté ; l’agrément est partiel et certaines dispositions peuvent évoluer ; aucune disposition n’est agréée et tout l’accord doit être renégocié. Alors que l’accord est déjà ratifié par une grande partie des organisations patronales et syndicales dans l’ensemble des branches, la dernière option pourrait provoquer de fortes réactions au sein du nouvel organisme. Sans oublier que le temps presse : l’accord doit être prêt au 31 mars…
La priorité donnée au dossier Opco Mobilité retarde d’autres négociations entre les partenaires sociaux. Aucune date n’est pour l’instant arrêtée pour débuter les NAO 2019 du TRM. Les OS s’attendent à ce que la prime Macron et l’impact des Gilets jaunes sur le chiffre d’affaires des entreprises pèsent sur leurs revendications. « Le TRM rencontre d’énormes difficultés pour recruter, rappelle Patrick Blaise. Si les employeurs veulent trouver des candidats, il faut être sérieux : le pouvoir d’achat en fait partie ! »
Très attendu, le dossier des classifications avance lentement. « On n’est pas tous sur la même longueur d’onde, note Patrick Blaise. Pour que les nouvelles classifications permettent de valoriser le secteur, l’aspect rémunération est indispensable. » Les grilles de salaires doivent bouger au minimum, pour éviter que le dossier ne soit trop inflationniste, « même si de nouvelles classifications créent nécessairement une inflation », indique Thierry Douine. La solution pourrait être de lisser les nouvelles rémunérations sur trois ou quatre ans, suggère-t-il. Enfin, le congé de fin d’activité (CFA), sécurisé jusqu’à 2020 par un protocole d’accord, doit être renégocié avant fin 2019. « Si nous gardons l’échéancier bien en tête, nous devons attendre de connaître les évolutions liées aux retraites afin que la problématique globale du CFA puisse être traitée dans sa juste valeur », indique Jean-Marc Rivera.