La tâche est ardue, complexe, et mobilise les ressources de l’entreprise. Et la réglementation demeure de plus en plus tatillonne. Concernant les évolutions dans ce domaine, il est souvent difficile, au sein de l’entreprise, d’effectuer une veille juridique et sociale.
Pour l’un des dirigeants présents, « la digitalisation est une nécessité, même si elle est difficile à appréhender ». Un « mal nécessaire », diront d’autres, ou encore : « Cela demande une grosse réorganisation. Mais comment y aller, avec quels outils ? »
Pour un transporteur acquis à la cause, « le flux d’informations est déterminant, la digitalisation doit s’installer à tous les niveaux ». « Nous y venons par la force des choses. Mais il y a des secteurs où cela ne va pas assez vite, comme la e-CMR, regrette un patron. Les chauffeurs remplissent la feuille de route avec des infos qui n’ont rien à y faire. »
Certains en témoignent, il est bien plus aisé pour les jeunes générations de s’équiper et de manier ces outils : « Ils y sont passés depuis longtemps. » Les enfants d’un des responsables ont pris la main dans ce domaine. Mais cet autre patron doit le reconnaître, « il va bien falloir passer par là ». Les évolutions réglementaires vont le pousser à changer.
Du travail « à façon », « en bon père de famille », au logiciel très élaboré, toutes les formules existent chez les transporteurs rencontrés lors du Club de l’OT. Développé par une start-up, l’un des systèmes utilisés permet par exemple de déclarer en temps réel les entrées et sorties via un téléphone portable et à l’aide de badges.
D’autres sociétés sont équipées d’un TMS certainement efficace, mais le problème réside dans l’accompagnement. Une fois installé, il est souvent compliqué à maîtriser, voire incompatible avec les autres outils.
Un interlocuteur s’étonne lorsque son collègue annonce disposer d’un système de géolocalisation en temps réel basse fréquence, qui lui permet de savoir exactement où sont ses camions et ses marchandises.
Certains transporteurs le reconnaissent, ils n’ont pas le temps de se préoccuper du RGPD (règlement général sur la protection des données), et cela bien que ce soit obligatoire. Pour l’instant pas de sanctions, mais elles pourraient bien venir. L’entreprise doit pourtant garantir à ses salariés, comme à ses clients, la stricte confidentialité de leurs données personnelles. Or, dans l’entreprise, sont-elles en sécurité ? STS en témoigne encore, elles sont souvent stockées sur des fichiers Excel pas toujours à l’abri, souvent sécurisées par un simple mot de passe, aisé à récupérer par une main indiscrète.
Avec le prélèvement à la source (PAS) applicable depuis le 1er janvier 2019, les taux PAS des salariés sont communiqués aux entreprises, qui doivent les répercuter sur les salaires. « Encore à nous de faire un boulot qui n’est pas le nôtre, comme avec la DSN (déclaration sociale nominative) », souligne un patron. Quoi qu’il en soit, encore des données confidentielles concernant le personnel…
Pour STS, ce qui compte, c’est la rentabilité, via la mutualisation des savoirs, soit rassembler toutes les données au même endroit, pour les traiter et anticiper les situations. Pour ne plus subir mais, au contraire, en tirer profit, et surtout ne plus être « redressable » par les administrations. Car comme le dit un entrepreneur, « on se demande toujours ce qui va passer au travers ! »
« Globalement, les enjeux de la digitalisation sont intégrés dans l’esprit de nos transporteurs. Toutefois, le réel intérêt et l’ensemble des avantages de la digitalisation pour leurs entreprises ne sont pas toujours bien appréhendés. Elle est souvent “subie”. Bien que des investissements soient réalisés pour mettre en place des outils à différents niveaux, c’est le manque de communication et d’intégration qui rend le nouveau système peu performant. Il est donc difficilement exploitable et décevant. Le sujet de la sécurisation des données notamment sociales reste flou. Chacun pense que le nécessaire est fait par son équipe, mais sans grande certitude lorsque nous abordons la RGPD et l’évolution de la norme 1B/1C au 1er juin 2019… En conclusion, nous pouvons dire qu’à ce jour nos transporteurs réagissent à la digitalisation sans vraiment l’anticiper. »