Déceler les pratiques et les types de fraude pour adapter la législation européenne et l’organisation des contrôles à envisager. Depuis 2007, la Commission européenne procède à des rapports réguliers, basés sur les signalements des États membres, qui contribuent à la mise en place d’une Autorité européenne du travail. Au total, ce sont 3,46 millions d’infractions qui ont été signalées en 2015-2016, soit une hausse de 6 % par rapport à la précédente étude réalisée sur la période 2013-2014, principalement portée par la Lettonie qui a fourni pour la première fois des données. Toutefois, note le rapport, une partie de cette augmentation « pourrait signifier que, d’une manière générale, les contrôles sont devenus plus efficaces ».
Le taux de détection varie considérablement dans l’ensemble de l’UE et cinq États membres (Allemagne, Italie, Lettonie, Autriche et Pologne) ont signalé à eux seuls plus de deux tiers des fraudes constatées. En moyenne, 74 % des jours de travail contrôlés l’ont été sur la route, 26 % dans les entreprises. Le taux d’infractions constatées dans les entreprises, deux fois plus élevé que celui des infractions signalées sur la route, « montre que les contrôles effectués dans les locaux des entreprises sont bien plus efficaces que les contrôles routiers ponctuels ». En 2015-2016, sur 8 162 703 véhicules ayant fait l’objet de contrôles routiers, quelque deux millions d’infractions ont été constatées sur la route dans l’ensemble de l’UE, soit 24 % de plus que sur la période 2013-2014. En moyenne, 58 % d’entre elles ont été commises par des conducteurs nationaux. Côté entreprises, 1,48 million d’infractions ont été constatées dans les 146 967 entreprises contrôlées, soit une augmentation de 21 % par rapport à 2013-2014.
Par rapport au précédent rapport, les fraudes concernant les temps de pause et les durées de conduite ont été ramenées respectivement de 23 % à 21 % et de 16 % à 13 %, alors que les infrac-tions relatives aux enregistrements des durées de conduite sont passées de 17 % à 24 %. Sur l’ensemble des infractions signalées dans l’ensemble de l’UE, tant sur la route que dans les entreprises, celles relatives aux temps de repos représentent 24 % (25 % dans le rapport précédent), les appareils de contrôle 11 % (10 % en 2013-2014) et l’absence/indisponibilité d’enregistrements pour d’autres tâches 7 % (contre 8 % précédemment). Depuis 2007, les infractions constatées au niveau des pauses et des durées de conduite ont progressivement diminué. À l’inverse, celles concernant les enregistrements des durées de conduite ont constamment progressé (de 14 % à 24 %). Les fraudes relatives aux temps de repos sont restées élevées au fil des ans. Au cours de la période 2015-2016, 61 503 agents ont pris part à des contrôles de chronotachygraphes dans l’ensemble de l’UE. Si ce nombre reste stable, les moyens en revanche diminuent. Les unités d’équipement fournies aux agents pour l’analyse des tachygraphes enregistrent ainsi une baisse de 5,5 %.
Sur le type d’infractions commises, deux éléments nouveaux apparaissent, indique la Commission européenne. Le nombre d’infractions constatées concernant la manipulation des tachygraphes a augmenté par rapport aux autres types de fraudes détectées sur la route, alors que les contrôles effectués dans les locaux des entreprises montrent une forte augmentation des infractions relatives aux enregistrements de la durée de conduite, lesquels s’avèrent soit incomplets, soit inexacts. « Cela peut indiquer que les entreprises et/ou les conducteurs ont des difficultés à stocker de manière appropriée les données pertinentes », note la Commission européenne. Les autorités de contrôle des différents pays ont également indiqué que les amendes nettement moins élevées infligées en cas d’absence d’enregistrement des temps de travail par rapport aux amendes imposées dans le cas des durées de conduite excessives ou de temps de repos insuffisants pourraient encourager les conducteurs et les opérateurs à dissimuler les enregistrements susceptibles de révéler des infractions donnant lieu à des sanctions plus lourdes. Sur ce point, l’entrée en vigueur du règlement 2016/403 de la Commission au 1er janvier 2017 concernant la classification des infractions graves aux règles de l’Union pourrait avoir un effet dissuasif. L’absence d’enregistrement de la durée de conduite, désormais considérée comme une infraction très grave, implique des amendes plus élevées. Pour la Commission européenne, l’augmentation des infractions constatées du fait de l’utilisation abusive ou de la manipulation des tachygraphes montre qu’il est nécessaire de déployer, le plus rapidement possible, le tachygraphe intelligent, version plus sécurisée de l’appareil de contrôle (cf. p. 8).
Selon l’article 5 de la directive 2006/22/CE, les États sont tenus d’effectuer au moins six contrôles concertés sur route par année avec au moins un autre État membre. Précisant que 15 pays avaient respecté cette disposition, le rapport insiste sur l’importance de cette coopération qui « joue un rôle crucial dans la réalisation des objectifs de la législation social dans le secteur du transport routier, à savoir la promotion de conditions de concurrence équitables, le renforcement de la sécurité routière et l’harmonisation des conditions de travail ». La Commission a adopté en 2018 une proposition de directive visant à créer une Autorité européenne du travail dont l’objectif sera d’assurer une mobilité équitable de la main-d’œuvre dans l’UE. Ce « gendarme social », qui pourrait voir le jour dès 2019, reposera notamment sur la coopération entre les autorités de contrôle.