L’étincelle est venue de Bruxelles. D’un coup. Sous la forme d’un communiqué d’Élisabeth Borne mettant en scène une « Europe qui protège », allusion à la signature aussi improbable qu’inattendue, par les ministres des Transports européens, d’un accord sur le paquet Mobilité. Providentielle éclaircie dans un ciel hexagonal où les étoiles filent sous la forme de pavés guerriers, où le gilet jaune est devenu le look tendance du moment et où la circulation des camions de nos transporteurs ne seraient sans doute pas entravée si… le véhicule autonome n’était pas, encore, qu’une réalité virtuelle. De Bruxelles donc a surgi ce rayon de soleil providentiel d’un accord entre les pays d’Europe de l’Ouest et ceux d’Europe de l’Est et centrale autour du paquet Mobilité. Des mois que les deux blocs se faisaient face, l’un se réclamant du mieux–disant social, l’autre arc-bouté sur le maintien du statu quo dans les règles qui régissent le transport routier sur le Vieux Continent, une sorte de ring sur lequel l’un des deux boxe avec des gants de coton. Oui, le TRM conserve toute sa place dans le concert des secteurs économiques encadrés par la directive détachement (révisée), synonyme de conditions sociales sauvegardées pour les conducteurs routiers, de conditions de concurrence non dégradées pour les pays regroupés dans l’alliance autour du couple franco-allemand. Car il est bien là le rayon de soleil de ce début décembre pour le TRM français et ouest-européen. Certes, en France, les pertes de chiffres d’affaires engendrées par les blocages routiers sont autant de nuages – passagers, on l’espère – au-dessus de nos dirigeants. Mais, il faut lire dans la signature de l’accord européen la capacité – lucidité – de l’Europe à mettre des garde-fous dans la course au libéralisme dans laquelle elle est lancée depuis plus de trente ans, dont José Manuel Barroso, ex-président de la Commission européenne, a été le porte-étendard. Car, en faisant le choix d’une sortie par le haut dans les négociations sur le paquet Mobilité, l’Union européenne s’est peut-être sauvée elle-même, et d’elle-même. Pas négligeable à l’heure où le sentiment anti-européen gagne du terrain un peu partout. « Au travers du paquet Mobilité, c’est l’avenir de l’Europe qui se joue », nous confiait il y a quelques mois la dirigeante d’une organisation patronale. Par son choix pour l’avenir du transport routier, l’UE a ainsi érigé une barrière contre les risques d’une concurrence sauvage, sans règle, où la survie des entreprises de l’Ouest dépendrait de leur capacité à jouer dans la même cour que les pays de Visegrád. Austérité XXL au menu… Il y a encore beaucoup à faire pour préserver la compétitivité du TRM français. Mais le risque d’un tsunami social dans le transport européen a été écarté… et ce n’est pas rien.
Éditorial