Il n’a jamais été question de vignette poids lourds. » C’est ainsi qu’Élisabeth Borne a répondu à notre question sur les motifs d’ajournement de la taxation qui devait s’appliquer aux poids lourds. Et pourtant, François de Rugy, ministre de la Transition écologique et solidaire, dans l’assistance lors de la présentation du projet de loi d’orientation des mobilités (LOM) à la presse, avait bien annoncé, le 23 septembre 2018 sur BFMTV, que le gouvernement réfléchissait à la possibilité d’une « forme de vignette » qui viserait les « camions étrangers » traversant la France. Toujours est-il que si le projet LOM ne prévoit pas de taxe poids lourds sur le budget 2019, il en est autrement à partir de 2020, car le rapport annexe de la loi qui détermine les modalités de mise en œuvre de la stratégie d’investissements dans les transports sur la période 2019-2023, prévoit des financements additionnels.
Issu des travaux du Conseil d’orientation des infrastructures (COI), le rapport annexé à la LOM fixe les montants des dépenses de l’Agence de financement des infrastructures de transports de France (Afitf) au titre de la programmation des investissements annuels de l’État sur la période 2019-2023, et précise les enjeux de programmation associés à l’horizon 2027. Une augmentation de 40 % des investissements de l’État dans les transports est envisagée, mais cela « suppose la mise en place de ressources additionnelles pérennes au profit de l’Afitf, à hauteur de 500 M€ par an à partir de 2020 ». Le texte indique également qu’une « actualisation de la trajectoire pourra être réalisée en fonction des modalités précises de mise en œuvre de cette nouvelle ressource ou de l’évolution du produit des autres ressources affectées à l’Afitf ». Mais le projet de loi ne mentionne pas de quelle manière le gouvernement compte trouver ces 500 M€ chaque année, ce qui pose la question de la fiscalité des poids lourds. La ministre des Transports a indiqué qu’une redevance poids lourds pourrait être envisagée à partir de 2020. Cependant, elle compte travailler avec les acteurs du transport routier afin de voir comment mettre en place cette nouvelle fiscalité « dans un délai raisonnable ».
S’agissant des émissions de CO2, selon le projet de loi, 2040 devrait voir la fin de la vente des voitures émettant des gaz à effet de serre, et 2050 la neutralité carbone de la mobilité. Ainsi, le texte prévoit que le nombre de voitures particulières à très faibles émissions, neuves, vendues en 2022, devra être au moins cinq fois supérieur au nombre de voitures mises sur le marché en 2017. Quant aux véhicules neufs de transport routier de marchandises et de voyageurs de plus de 3,5 tonnes vendus en 2025, ceux à faibles émissions devront représenter au moins 18 % du parc. Ces mesures visent à « réduire l’impact de la mobilité sur l’environnement et la santé publique, conformément aux engagements internationaux pris par la France, et pour répondre à l’urgence sanitaire liée à la pollution de l’air ». Il va sans dire que pour atteindre ses objectifs, l’État devra mettre la main à la pâte en proposant davantage d’aides au financement de véhicules propres. En effet, au niveau national, les entreprises du TRM ne disposent actuellement que du suramortissement de 40 % pour investir dans un camion « propre ». Par ailleurs, l’autre mesure en faveur du climat est la mise en place des outils pour le développement du péage à flux libre (art. 40 de la LOM) sur le réseau autoroutier concédé. Il est donc question de supprimer les barrières de péage afin de « minimiser les contraintes environnementales » et de fluidifier les trafics. En contrepartie de ce « gain de temps » pour les usagers, les sanctions appliquées aux conducteurs qui éludent de manière récurrente le paiement des péages sont renforcées. Les fraudeurs risqueront six mois d’emprisonnement et 7 500 € d’amende (nouvel article L 419-1 du Code de la route).
La LOM compte poursuivre la politique de rééquilibrage modal en augmentant la part des déplacements opérés par les modes les moins polluants. Le projet veut favoriser l’efficacité des transports de marchandises afin d’accentuer la compétitivité des territoires et des ports, et d’accélérer le report modal. Le gouvernement soutiendra donc une politique de transport des marchandises ambitieuse, et notamment le renforcement de l’accessibilité des ports et des grands itinéraires internationaux ferroviaires et fluviaux. Selon lui, la stratégie d’investissements dans les systèmes de transport contribue à l’achèvement du maillage du territoire par des grands itinéraires ferroviaires, routiers et fluviaux, nationaux et internationaux. L’État compte investir prioritairement dans l’entretien et la modernisation des réseaux nationaux routiers, ferroviaires et fluviaux existants.
Curieusement, la LOM comporte l’article 42 relatif à la durée de travail des salariés des entreprises de transport routier et fluvial. Ainsi, le texte dispose que pour ce secteur, un décret pourra déterminer, par dérogation aux dispositions du Code du travail, la période de référence servant au décompte des heures supplémentaires, dans la limite de trois mois ainsi que les conditions dans lesquelles un accord collectif de branche peut spécifier leur taux de majoration (article L. 1321-2 du Code du transport modifié). Cependant, le décret n’interviendrait qu’après consultation des organisations syndicales représentatives au plan national des employeurs et des salariés des entreprises de transport routier, au vu, le cas échéant, des résultats des négociations intervenues entre ces dernières. Le décret pourra fixer les conditions de définition, par voie d’accord collectif de branche, du régime d’indemnisation applicable à l’amplitude, aux coupures et aux vacations dans les entreprises de transport routier. De plus, le projet de loi prévoit qu’un arrêté conjoint des ministres chargés du Travail et des Transports peut, en tenant compte, le cas échéant, d’un accord collectif de branche, fixer un niveau minimal pour l’indemnisation des frais de déplacement des salariés des entreprises de transport routier de personnes ou de marchandises, lorsqu’ils ne sont pas remboursés intégralement par l’employeur sur justificatifs (nouvel article L 3311-2 du Code des transports). Le projet de loi d’orientation des mobilités a été déposé au Sénat le 26 novembre dernier via une procédure accélérée engagée par le gouvernement. Reste maintenant à connaître le texte final qui sortira des discussions.