Les Bonnets rouges avaient eu raison de feu l’écotaxe. Les Gilets jaunes viennent d’obtenir, malgré eux, l’ajournement, à 2020, de la future vignette PL destinée au financement des infrastructures. Ils ont dans le même temps contraint le gouvernement à retirer le projet de péages urbains qui devait figurer dans le projet de loi d’orientation des mobilités (LOM) dont nous vous rendons compte dans ce numéro. En même temps, quel maire (de grande ville) aurait pris, à un peu plus d’un an des municipales, le risque de mettre sa réélection en balance avec ce type de mesure qui toucherait encore au portefeuille, bien dégarni, du consommateur. Le président de la République ne pouvait s’offrir le luxe de favoriser le déclenchement d’une « convergence des luttes » au moment où sa cote de popularité est au plus bas et le niveau des prélèvements au plus haut. Les « routiers » à la remorque des Gilets jaunes, juchés sur des tracteurs d’agriculteurs en colère (eux aussi), les infirmiers et infirmières pour soigner ce cortège de mécontents… Trop risqué. Dans sa déclaration télévisée du 27 novembre, Emmanuel Macron n’a pas reculé. Mais il a lâché du lest en annonçant le retour d’une sorte de Tipp flottante à partir de janvier 2019. Les Gilets jaunes ne se sont pas montrés particulièrement convaincus. Le pouvoir est dans la rue… Pour beaucoup d’observateurs, ce qui se joue actuellement a valeur de test. Claude Blot, le président de TLF, a beau, dans nos colonnes, exorté le pouvoir à restaurer l’ordre public, il n’empêche, il souffle comme un vent nouveau de contestation dans le pays. Les Gilets jaunes – ceux qui sont étrangers aux groupes de casseurs – s’y accrochent vaille que vaille. Pas question d’être pilotés par un quelconque syndicat ou parti politique. Beaucoup d’éditorialistes se rejoignent, depuis quelques années, sur la faillite des corps intermédiaires. Le mouvement des Gilets jaunes en est le reflet grandeur nature, XXL. La confiance dans la capacité des syndicats et des partis politiques à porter et défendre la parole du plus grand nombre a pris du plomb dans l’aile. Y compris dans le monde de l’entreprise. Souvenez-vous de 2014, l’écotaxe, tous ces sondages effectués au sein des groupements d’entreprises qui témoignaient de la volonté de ces dernières à passer à l’action pour, assuraient les sondés, prendre le relais de fédérations professionnelles (à l’échelle nationale) jugées trop « molles du genou », trop coupées de la réalité du terrain, entendait-on souvent dans les discussions en région. Certes, il y avait bien eu, (un samedi), ces camions OTRE dans la rue. Mais ce sont les Bonnets rouges qui ont conduit Ségolène Royal à suspendre l’écotaxe sine die.
Éditorial