« La convergence des ras-le-bol »

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Le 18e congrès national de l’OTRE s’est déroulé le 15 novembre, au stade Ernest-Wallon de Toulouse. Près de 400 participants étaient au rendez-vous, ainsi qu’une trentaine de partenaires. Les représentants de l’OTRE, les invités et le public ont largement évoqué les sujets sensibles touchant la profession. Quant aux ateliers, leurs thématiques portaient cette année sur les « e-transformations » auxquelles les PME doivent faire face.

Ce congrès est particulier en raison du contexte tendu dans lequel il se tient, où se manifeste, ce que l’OTRE a appelé une “convergence des ras-le-bol », a déclaré Aline Mesples, la présidente de l’OTRE, lors de son discours clôturant la 18e édition du congrès du syndicat professionnel. La grogne monte chez les transporteurs routiers. Et si l’OTRE a décidé de ne pas rejoindre le mouvement des « gilets jaunes », estimant ne pas connaître les organisateurs et ne pas avoir les mêmes revendications, la profession n’exclut pas de recourir à des blocages ciblés, organisés et structurés, à l’image des mouvements anti-écotaxe de 2015.

Les sujets d’inquiétude sont en effet nombreux. La hausse des prix du carburant et de la TICPE figure au premier plan. Dans son discours, Aline Mesples a réaffirmé le besoin d’un carburant professionnel détaxé à l’achat – un projet en discussion qui devrait se concrétiser début 2020. Elle a néanmoins souligné que de nombreuses entreprises ne demandent pas le remboursement partiel de la TICPE ou n’appliquent pas le « pied de facture ». Le financement des infrastructures est également au cœur des débats. Pour l’organisation patronale, les financements supplémentaires réclamés ne se justifient pas. « La remise en cause, aussi minime serait-elle, du remboursement partiel de la TICPE aux entreprises du transport routier constituerait le franchissement d’une ligne rouge que l’OTRE n’acceptera pas », a-t-elle martelé. S’agissant du potentiel projet du gouvernement d’instaurer une vignette, l’OTRE note un aspect positif : les poids lourds étrangers utilisateurs contribueraient enfin aux financements des infrastructures. Mais le syndicat estime ne pouvoir l’accepter « qu’à la seule condition d’un isocoût pour les entreprises françaises, dans le cadre d’une mesure de compensation, par exemple avec les quatre centimes additionnels sur le gazole mis en place au lendemain de l’abandon du projet d’écotaxe en 2015 », ajoute Aline Mesples. Sur ce sujet, Marc Papinutti, directeur de cabinet de la ministre des Transports, Élisabeth Borne, a répété la position du gouvernement lors d’une intervention courte, sans nouveautés, indiquant qu’une équité entre les acteurs français et européens devait être trouvée. Aline Mesples a évoqué la concurrence étrangère et le cabotage, remarquant que les discussions européennes autour du paquet Mobilité semblent « s’enliser de façon préoccupante ». Marc Papinutti a assuré que la France se battra afin de rompre les cycles de cabotage, tout en admettant que les discussions avec certains pays étaient difficiles.

L’offre alternative : pas suffisante, pas mature

Parmi les nombreux points abordés, celui de la transition énergétique. Les hausses sur le carburant sont d’autant plus ressenties comme une fiscalité punitive qu’il n’y a pas de réelle alternative pour le TRM. L’offre de véhicules adaptés est faible, « entre la réticence des constructeurs à accélérer un processus d’offres et l’absence de volonté politique à encourager une alternative au diesel », note Aline Mesples. Marc Papinutti, saluant l’engagement de la profession sur cette thématique, rappelle deux dispositions prises en 2018 : le gel du taux de la TICPE sur le GNV jusqu’en 2022, et le maintien du dispositif de suramortissement pour l’achat d’un véhicule fonctionnant au gaz naturel. « La profession aurait intérêt à communiquer pour faire connaître au grand public ses avancées technologiques, et ainsi empêcher les clichés (sur la pollution, Ndlr) de perdurer », a souligné Jean-Luc Moudenc, le maire de Toulouse, présent lors de l’échange politique du jour. Autre sujet brûlant : la crise du recrutement. Aline Mesples prône une réflexion concertée sur le niveau des minima conventionnels pour les fonctions de conducteur, sur l’organisation du travail et ses conditions. « Mais par-delà cet auto-questionnement, […] la multiplication des contrôles et des verbalisations automatisées constitue maintenant un frein majeur à la carrière des conducteurs routiers », remarque la présidente de l’OTRE qui, sans s’opposer à l’automatisation des contrôles, s’interroge sur la pertinence de certaines sanctions.

Des mesures urgentes

En conclusion de son discours, la dirigeante a demandé des mesures urgentes, comme – en attendant un carburant détaxé – un acompte au titre de l’année 2019 versé aux entreprises en début de chaque semestre, sur la base du semestre précédent, afin de trouver des solutions aux avances de trésorerie liées à la TICPE. Concernant la transition énergétique, le syndicat prône la négociation d’un accord dans le transport routier de 2019 à 2022, renégocié pour le quinquennat 2022-2027. Cela impliquerait la concertation de toutes les parties concernées pour déterminer le développement de l’offre de motorisation alternative et la mise en place d’un réseau de ravitaillement ; l’unification au niveau national des règles à l’égard du transport routier avec l’État et les collectivités ; et la concertation avec les sociétés d’autoroutes. Le mot de la fin (de la présidente) a été cette citation de Franklin Roosevelt : « Les seules batailles perdues sont celles qu’on ne livre pas ! » La profession est prête à batailler.

Faire face aux transformations du secteur

Le premier atelier de la journée était consacré au recrutement. Devant une salle comble, les interlocuteurs ont fouillé des pistes pour, notamment, attirer les jeunes vers les métiers du transport. Selon Karine Tauzia, directrice de Fauvel Formation, il est important de se rendre dans les collèges et lycées pour expliquer ce que sont les métiers de la logistique et du transport, et les opportunités de promotion interne qu’ils permettent. Christophe Carol, directeur régional adjoint Occitanie de Pôle emploi, précise qu’il ne faut pas hésiter à diversifier les recrutements dans le cadre d’une réorientation. Le public s’est montré intéressé par la « méthode de recrutement par simulation » de Pôle emploi, qui permet d’élargir les recherches de candidats en privilégiant le repérage des capacités nécessaires au poste de travail proposé, en sortant des critères habituels de recrutement. Le second atelier évoquait les nouvelles technologies et la conduite responsable. Le téléphone est un fort distracteur de conduite, et les outils d’aide à la conduite (tel le régulateur de vitesse) ont un impact sur la vigilance au volant. Thierry Fassenot, ingénieur-conseil de la CNAMTS, a donc encouragé les entreprises à informer leurs conducteurs sur ces risques (par exemple en utilisant l’outil de communication créé par la Fondation Vinci Autoroutes), et à évaluer – au-delà des habitudes prises – l’absolue nécessité de communication avec les chauffeurs en déplacement. L’OTRE a annoncé la signature d’une convention de partenariat avec la Fondation Vinci, Promotrans et la CNAMTS dans le but de mener des études et d’élaborer des documents. Les tables rondes du jour ont abordé, sous un angle sociologique, les transformations qui bouleversent la société et leurs impacts sur le TRM, tels la massification des données et le RGPD. Selon Gilles Trouessin, expert en sécurité de l’information et protection des données, le RGPD constitue une opportunité générant un avantage concurrentiel : ces bases de données d’informations peuvent en effet servir dans l’activité du TRM, tout en respectant l’anonymat. L. B.

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