Comment repenser la Logistique des villes ?

Article réservé aux abonnés

Attentes toujours plus grandes des clients, congestion des villes, enjeux environnementaux. À l’heure où la logistique est repoussée des centres urbains vers les périphéries, sa réintégration et sa réorganisation s’imposent. Le réseau Aslog a organisé, le 8 novembre, une conférence sur les enjeux d’approvisionnement dans les grandes métropoles.

Alors que la densité de Paris et des villes en général s’accélère et que le e-commerce poursuit sa croissance à deux chiffres, l’économie des flux devient un enjeu stratégique au sein des entreprises. Les attentes sont de plus en plus importantes, avec de nombreuses options de livraison proposées par les sociétés. Pourtant, les zones logistiques de Paris qui existaient au XIXe siècle (Les Halles, Bercy…) ont aujourd’hui disparu. Peu à peu, la priorité a été donnée au transport de voyageurs, notamment dans les gares. Le transport individuel s’est également développé, tout comme les loisirs et le tourisme, et le foncier a fortement augmenté. « Le tout a repoussé la logistique en périphérie des centres urbains, souligne Aurélien Rouquet, professeur de logistique à Neoma Business School, et secrétaire général de l’AIRL-SCM*. Les camions se font ainsi de plus en plus nombreux, sans être forcément bien remplis, et les rues ne prévoient que très rarement des emplacements de stationnement. » L’enjeu est de repenser la logistique en centre-ville, sans pour autant revenir au modèle du XIXe siècle. Pour Aurélien Rouquet, il faut agir sur le foncier, à travers diverses solutions : des immeubles à automobiles pourraient être transformés en entrepôts. Il existerait des espaces plus petits et dispatchés. Des places de stationnement pour les camions seraient intégrées afin d’éviter que ceux-ci ne se placent en double file. La livraison pourrait être mutualisée, ce qui permettrait aux camions de rouler avec davantage de marchandises. Enfin, il faudrait former les architectes et urbanistes à la logistique.

« La logistique est une arme politique, soutient Aurélien Rouquet. Si la stratégie France Logistique 2025 présentée en 2016 préparait bien le terrain, la France tarde à mettre en œuvre ce programme. Les politiques n’ont pas assez conscience de l’importance clé de la logistique. » Même constat pour Marc Teyssier d’Orfeuil, président du Club du dernier kilomètre : « La solution sera municipale. Les livraisons doivent être dans les préoccupations des élus. » Ramener la logistique dans les métropoles mais différemment. Par exemple, les emplacements de livraison actuels ont été pensés pour les commerces. « Or, aujourd’hui, les livraisons se font le plus souvent à domicile, souligne-t-il. On considère que les immeubles en construction doivent contenir un parking pensé pour les livraisons afin de ne pas créer d’embouteillages. » Le groupe Lafayette mutualise des livraisons avec ses partenaires afin de décongestionner les rues. « On cherche à intégrer la logistique dans Paris avec un entrepôt pour réduire les flux. » Le groupe investit également dans des véhicules roulant au GNV, pour ses galeries de la rue de Rivoli, et au biogaz pour celles de Montparnasse. Face à la politique environnementale offensive menée par la mairie de Paris, de plus en plus d’enseignes de la capitale sautent le pas. C’est notamment le cas du groupe Fnac Darty qui s’est fait surprendre par un blocage lors d’un pic de pollution. « Nous n’étions pas préparés, souligne Pierre Soler, responsable transport e-commerce pour le groupe. Nous nous sommes ensuite demandé comment être sûrs de pouvoir livrer en toutes circonstances. » L’enseigne livre désormais plus tôt le matin et a fait l’acquisition de véhicules hybrides.

En 2012, Franprix fait de son côté le pari de la logistique route-fleuve-route au départ de ses entrepôts à Chennevières (Val-de-Marne) pour approvisionner une centaine de ses magasins dans Paris. Débarqués au port de Bonneuil-sur-Marne distant de 8 km, une quarantaine de conteneurs sont acheminés avec l’aide de XPO au pied de la tour Eiffel, dans un espace partagé. « Via ce modèle aujourd’hui rodé, quelque 3 000 camions ne prennent plus la route, estime Arthur Caron, directeur de l’excellence opérationnelle chez le distributeur. Bien que ce procédé s’avère légèrement plus onéreux que la route classique, notre impact carbone a été réduit de 20 à 30 %. » Pour les entreprises intéressées par ce mode de transport, VNF (Voies navigables de France) propose de les accompagner à travers des plans financiers et des aides à la modernisation. « La part du BTP reste la plus importante des marchandises livrées par voie fluviale, souligne David Berthet, chargé du développement transport et mobilités chez VNF. Néanmoins, le volume des produits de commerce augmente chaque année. C’est notamment le cas de Point P, qui procède à la livraison de palettes au cœur de Paris. » La messagerie peut également s’acheminer par le fleuve. Le groupe DHL dispose ainsi d’un entrepôt flottant à Amsterdam qui permet de préparer les commandes directement sur barge. « Sur le même modèle, la solution Fludis existe en France, indique David Berthet. Une barge entrepôt dédiée assure les étapes de préparation de tournées, accueille les équipes logistiques et peut transporter les vélos cargos utilisés pour le dernier kilomètre. » Une agence Fludis peut ainsi traiter jusqu’à 3 000 colis par jour.

Embranchement ferroviaire, bornes de recharge pour véhicules électriques ou encore station multi-carburants alternatifs (GNC/bioGNC et hydrogène), les infrastructures du marché de Rungis se développent selon les besoins des différents acteurs qui s’y croisent. Un nouveau projet se dessine désormais : une autoroute ferroviaire qui relierait Barcelone au marché d’intérêt national (MIN) de Rungis. Des études sur la faisabilité du projet ont été financées par l’Union européenne, et Semmaris, société gestionnaire du MIN, attend un soutien politique pour le financement des infrastructures. « Ce système permettra de poser la semi-remorque sur les rails et évitera au conducteur du camion de rouler plus de 1 000 km, précise Aminata Diop, responsable du service logistique, innovation et développement France chez Semmaris. Il n’aura plus que le dernier kilomètre à parcourir. »

Autre problématique de la logistique urbaine, le bruit que génère la livraison de nuit pour les riverains. Si le GNV permet aux véhicules d’émettre moins de nuisances sonores lorsqu’ils roulent, le problème se pose pour le déchargement. Pour limiter le bruit, le groupe Lafayette s’attache à décaler ses horaires de livraison. Il dispose également de sous-sols dans ses galeries du boulevard Haussmann. Le groupe DHL est parvenu à acquérir un entrepôt dans le centre de Paris, au niveau de la gare du Nord, et projette d’investir dans un deuxième lieu de stockage en 2019. « Nous essayons de replacer la logistique dans la ville, comme l’électrique, et pouvons ainsi recourir à des énergies propres », précise Brice Devinoy, vice-président opérations chez DHL, en référence à l’autonomie limitée de ce type de véhicules, empêchant leur développement à partir des périphéries. Le groupe insère également des vélos cargos pour les petits colis. Ce mode s’intègre progressivement dans la chaîne logistique globale des transporteurs urbains, notamment pour Star Service. « Toutefois, ce modèle ne peut être développé que pour certaines livraisons, rappelle Philippe de Clermont-Tonnerre, chargé de mission développement durable et de logistique urbaine chez Star Service. Cela ne concerne pas les produits frais. »

*Association internationale de recherche en logistique et supply chain management.

Événement

Boutique
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client abonnements@info6tm.com - 01.40.05.23.15