Un salarié avait saisi la juridiction prud’homale en résiliation judiciaire de son contrat mais aussi pour manquement de son employeur à diverses obligations, dont l’obligation de sécurité, suite à son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement. Il s’était trouvé dans cette situation après des agressions verbales et physiques provenant de l’un de ses collègues et entraînant sa prise en charge au titre d’accident du travail. La société avait organisé une réunion en présence des deux protagonistes et d’une salariée témoin, pour résoudre leur différend, qu’elle estimait lié à des difficultés de communication. L’agresseur s’était alors excusé. Par la suite, l’entreprise a organisé des réunions périodiques facilitant l’échange d’informations entre services, notamment entre ces deux salariés. Mais cinq mois après la première altercation, l’incident s’était reproduit. Amenée à juger cette affaire, la cour d’appel a considéré que les réunions d’échanges organisées par l’employeur étaient insuffisantes pour prévenir le risque de renouvellement de cet incident. Ce dernier a donc méconnu l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs (c. trav. art. L. 4121-1 et L. 4121-2). Par conséquent, il est condamné à payer des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l’exécution déloyale du contrat de travail. La société a formé un pourvoi contre cette décision car elle a estimé que la cour d’appel n’a pas expliqué quelle autre mesure concrète elle aurait dû prendre pour prévenir ce risque, indépendamment des responsabilités de chacun dans l’incident et alors que les salariés avaient jusqu’alors travaillé pendant dix ans sans incident. Cependant, ce raisonnement n’a pas convaincu la Cour de cassation. Dans sa décision du 17 octobre 2018 relative à cette espèce (n° 17-17985), la Haute Cour a estimé que, comme l’ont relevé les juges du fond, hormis les réunions, la société n’avait pris aucune mesure concrète pour prévenir le risque de nouvel incident, « bien qu’ayant connaissance des répercussions immédiates causées sur la santé du salarié par une première altercation avec l’un de ses collègues, des divergences de vue et des caractères très différents voire incompatibles des protagonistes ». La condamnation de l’employeur est donc confirmée. À l’inverse, dans un autre arrêt rendu le même jour (n° 16-25438), la responsabilité de l’employeur n’avait pas été retenue au niveau de la Cour de cassation, dans une affaire concernant des accrochages entre deux salariés, alors que les juges du fond l’avaient sanctionné.
Il s’agissait de propos à connotation raciste qu’un salarié avait tenus à l’égard d’une collègue. La cour d’appel avait fait droit à la demande indemnitaire de la salariée. Elle a estimé que l’employeur avait manqué à son obligation de sécurité dès lors qu’un salarié avait été victime sur le lieu de travail de violence morale exercée par l’un ou l’autre de ses salariés, quand bien même il aurait ultérieurement pris des mesures en vue de réprimer ces agissements. Ces arguments n’ont pas convaincu la Cour suprême. Pour elle, les juges du fond auraient dû rechercher si l’employeur avait concrètement engagé des actions de prévention légalement prévues et si, informé des propos en cause, il avait pris les mesures immédiates propres à faire cesser la violence morale en résultant. Elle casse donc la décision de la cour d’appel pour absence de base légale. En d’autres termes, en cas de mésentente entre salariés, les seules altercations ne suffisent pas à condamner l’employeur. Avant de se prononcer, les juges doivent d’abord analyser les mesures qu’il a prises pour y remédier.
En définitive, dans le cadre de son obligation de sécurité, l’employeur a intérêt à mettre en place des actions concrètes, notamment en matière de management, pour prévenir les altercations entre salariés, s’il veut éviter le risque de condamnation.