Améliorer l’efficacité énergétique des véhicules

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Le récent salon IAA de Hanovre a mis en lumière les fabricants de groupes et équipements frigorifiques, qui communiquent depuis longtemps sur de nombreux axes de R&D et mettent l’accent sur divers items environnementaux devenus familiers. Peut-être plus discrets sur ces sujets, les carrossiers ne participent pas moins activement à l’amélioration des performances environnementales des véhicules TSTD.

Si les équipementiers revendiquent une réduction des émissions CO2 via l’amélioration des groupes (moteurs gaz, hybrides, électriques) et l’adoption de fluides frigorigènes à faible potentiel de réchauffement climatique (suppression des HCFC et HFC au profit de HFO et du CO2), les carrossiers sont pour leur part responsables des caractéristiques des caisses et garants des performances des engins complets dont ils assurent l’intégration à un châssis dans un cadre réglementaire toujours plus contraignant. Ils intègrent par ailleurs diverses contraintes logistiques (dont les dimensions d’unités de charge) et techniques, leur participation à l’amélioration des performances énergétiques des véhicules TSTD (transport sous température dirigée) s’inscrivant dans des domaines souvent méconnus.

Une contribution multifactorielle

Encore sous-exploitée, l’aérodynamique des véhicules carrossés concerne aussi les frigos, d’autant que le déploiement programmé de VECTO dans le cadre de la réduction des émissions CO2 des PL impliquera de plus en plus les carrossiers, qui développent déjà des propositions améliorant les matériels. Y figurent les déflecteurs et autres carénages latéraux tels le kit FuelSaver commercialisé dès 2010 par Krone ou le CX System Lamberet et plus spectaculairement en semis les « flaps » (kit aérodynamique arrière repliable) et autres extracteurs. Outre le DAF LF Aerobody à carrosserie optimisée de 2014, plusieurs prototypes aérodynamiques intégrant (ou non) le tracteur, à l’image de l’ensemble concept Krone/MAN ou des travaux de Renault avec Lamberet (Urban Lab 2) sont également déployés, dont l’approche de conception intégrée fait renouer les carrossiers avec l’esprit des années 1950 où dominaient le souci aérodynamique et le sur-mesure. En témoignent aussi les projets Falcon (Renault avec Fruehauf) ou TransFormers, sur l’impact aérodynamique des semis (étude de pavillons à hauteur variable de Schmitz et Van Eck). Les constructeurs réduisent aussi les résistances au roulement avec l’offre d’essieux relevables et/ou dirigés et en équipent des semi-urbaines optimisant les tournées de distribution, ces semis courtes offrant des capacités de chargement avantageuses vs les porteurs lourds. Les mêmes travaillent sur l’hybridation des semis (premier prototype de Krone en 2012), dont l’énergie récupérée au roulage/freinage alimente groupes et équipements avec une énergie « gratuite » comme celles des panneaux solaires intégrés aux pavillons.

Maximisation sous contrainte

La principale contribution attendue des carrossiers – tenus à une double obligation de résultats et de moyens à travers les réglementations sanitaires et techniques – est bien entendu relative aux caisses, leur cœur d’activité. Leur performance énergétique est mesurée par le coefficient d’isolation K, validé en tunnel thermique par type, à la mise en service du véhicule et lors du renouvellement de son agrément. La capacité de descente en température, même si elle est fonction des groupes, en est aussi un indicateur, mesuré sur véhicule complet en tunnel (objectifs de temps d’atteinte de la température minimale de la classe du matériel).

La règle de base est l’homogénéisation des masses isolantes des six faces du parallélépipède des cellules sur châssis et semi dans un cadre dimensionnel contraint, impliquant une gestion de performances avec des épaisseurs variables selon les faces. Ce cadre fixé par le code de la route et l’accord ATP vise l’optimisation de plans de chargement avec des unités de charge normalisées – rolls et palettes majoritairement sur base 800 x 1 200 mm – et leurs équipements de calage et arrimage. Largeur extérieure (2,55 m + 2 % pour parois épaisses, soit 2,6 m), nécessité de protection des flancs (lisses et plinthes) et prise en compte de jeux pour la manutention (et la circulation de l’air) définissent ainsi les épaisseurs des flancs (+/– 60 mm) qui visent 2,46 m, Chéreau proposant par exemple deux épaisseurs, 45 et 63 mm, en isothermie renforcée offrant respectivement 2,5 et 2,46 m intérieurs. La contrainte de longueur extérieure (12 m + 2,04 m de rayon de giration ISO en semis, 12 m pour un porteur carrossé) débouche sur des faces avant de +/– 100 mm (dont 85 à 90 d’isolant) et des portes de +/– 80 mm. Les épaisseurs de toit (+/– 100 mm dont 90 à 95 d’isolant) et de plancher (+/– 140 et 100 mm) ont à intégrer les 4 m hors tout avec des hauteurs d’attelage amenant à un standard de +/– 2,65 m intérieur et des restrictions urbaines (ponts, enseignes) à 3,85 m dans un contexte de palettes gerbées ou de double étage, quelquefois combiné à la nécessité de positionner groupes et réservoirs en châssis. L’épaisseur des parois ainsi fixée, la recherche de la plus faible conductivité (c’est-à-dire la meilleure résistance thermique) ne peut s’effectuer qu’à travers la conception des panneaux, les matériaux utilisés et leur mise en œuvre. Quelles que soient les technologies retenues, le premier axe d’optimisation est l’éradication des ponts thermiques entre extérieur et intérieur. Même s’ils restent discrets sur leurs choix, considérés comme sensibles, les carrossiers travaillent sur la gestion des interfaces caisse/châssis, la fixation des groupes et les « nœuds » d’assemblage de caisses.

Les déperditions caloriques sont réduites par un recours accru au collage (vs boulonnage et soudage) pour la fixation des parois, qui doivent présenter une bonne résistance mécanique et aux chocs thermiques, et une étanchéité sans faille. Il participe aussi à la réduction du bruit (amortissement des vibrations), l’absorption des dilatations différentielles et la répartition des contraintes (toutes les surfaces collées travaillent) tout en réduisant le poids et la corrosion. L’amélioration des colles au cisaillement, à la traction et à la mise en œuvre a chassé l’assemblage mécanique et fortement réduit le « mécano-chimique ». Lamberet, par exemple, communique depuis plusieurs années sur ses techniques aéronautiques, secteur d’origine de son actionnaire Avic (Aviation Industry Corporation of China).

Le choix d’inserts judicieusement positionnés et de renforts faiblement conducteurs (mousse dure, Teflon) remplaçant les pièces métalliques en parois progresse, comme l’abandon des goujons et autres fixations traversantes pour groupes et équipements. Planchers (mousses dures épaisses, optimisation des contacts avec châssis ou train roulant en semi autoportante) et cadres (ruptures isolantes des seuils de porte et rails, joints de portes multilèvres en matériau bicomposant siliconé) sont aussi très travaillés, comme les encastrements en parois (évidements nuisibles) et les assemblages d’équipements. Lamberet fait ainsi état de recouvrements de jonction de face avant et d’épaisseurs de mousse accrues aux points critiques, Schmitz de clés d’angle à géométrie complexe.

Mécanique et chimie pour le meilleur compromis

La conception des panneaux – qui doivent concilier résistance mécanique, souplesse, isolation et vieillissement – est un facteur clé définissant la nature des parements et de l’isolant, injecté ou préformé, et en optimise le volume, la découpe et l’ajustement des composants. Elle vise le meilleur compromis résistance/isolation en jouant sur la mise en œuvre, la nature et la densité des mousses isolantes, dont l’isothermie est liée à la quantité et aux propriétés du gaz qu’elles emprisonnent et à la taille des bulles constituées. Schématiquement, si la densité de matière améliore la résistance de la mousse, elle dégrade son isothermie. L’homogénéisation des performances des diverses faces recourt ainsi à des densités variables ; de 30 à 45 kg/m3 en parois à 90 en plancher en passant par plus de 60 kg en fonds et pavillons pour les mousses PU.

Côté isolant, la mousse polyuréthane (PU), réputée plus performante (moins épaisse à résistance thermique égale), domine le polystyrène extrudé ou expansé, les aérogels – testés sur certains véhicules – n’offrant pas de résistance mécanique, et les VIP* coûteux se révélant fragiles. Deux techniques de mise en œuvre sont utilisées : assemblage de blocs outsourcés (en stratifiés CP/fibre de verre et dans les planchers) ou injection sur site (portes et parois à parements métal). La problématique des mousses est marquée par la réduction des GES et composants à fort potentiel de réchauffement climatique. Leur fabrication utilise en effet des agents d’expansion pour constituer les bulles isolantes, remplies d’air, de gaz hydrocarburés (pentane, butane, propane), voire de CO2. Les HFC y sont remplacés par des HFO, des hydrocarbones HC, de l’eau injectée, de l’ammoniaque ou du CO2, dont la mise en œuvre peut se révéler plus difficile et renchérir les prix. Le second composant, le parement, cristallise les oppositions de choix technologiques entre deux écoles, le sandwich composite CP polyester plutôt adopté en Europe du Sud et celui à peau métallique, acier galvanisé, dominant au nord, particulièrement en Allemagne (Pure Ferro Kögel, Duoplex Steel Krone, Ferroplast Schmitz). Chacun fait valoir des arguments de conductivité thermique (avec ses répercussions sur la consommation des groupes), étanchéité, résistance chimique et vieillissement, réparabilité et recyclage, mettant en avant les valeurs (initiales et leur maintien dans le temps) des coefficients K, mais reste peu prolixe sur ses problématiques industrielles et économiques. Alors que les carrossiers hexagonaux et ibériques sont restés fidèles au stratifié et que Schmitz a adopté depuis longtemps le Ferroplast, Kögel et Krone ont tenté de proposer les deux, le premier avec Chéreau (un temps société sœur avant un LBO de son management), le deuxième avec le danois Norfrig A/Sn, revendu en 2014, qui lui fabriquait la série GFK.

Peu de choses filtrent avant commercialisation sur la nature des améliorations de ces composants et les axes de R& D. Certains travaillent sur le VIP, comme Lamberet (en tests) ou Krone, qui a présenté en 2010 une technique d’isolation – inédite en semi – de parois sous vide sur une Cool Liner au coefficient K amélioré jusqu’à 25 %. Utilisant le principe du thermos, ses panneaux sont de minces plaques isolées dont le cœur en poudre pressée (dioxyde de silicium microporeux) est enrobé d’une feuille plastique et bloqué sous vide. Le constructeur de Werlte a aussi adopté en 2016 une nouvelle paroi « distribution » mixant parement en métal et peau polyester en renfort de panneau (côté intérieur) avec un cœur en mousse PU dure de densité élevée améliorant isolation, résistance au vieillissement et coefficient K. Nonobstant l’isolation intrinsèque, la performance énergétique fait l’objet de divers développements optimisant le rayonnement thermique (choix de couleurs claires), les flux d’air, le fonctionnement des groupes et les ouvrants et cloisons. Particulièrement en semi et dans le cadre des caisses multitempératures et du transport pharmaceutique, les carrossiers ont travaillé l’aéraulique pour homogénéiser la température interne et optimiser le rendement des groupes. C’est le cas de l’AirEfficient-C Chéreau qui combine buse à géométrie exclusive en sortie de groupe et gaines de ventilation perforées refroidissant toute la longueur des parois et de l’Iafo (Internal Air Flow Optimiser) Lamberet, gaine virtuelle ouverte réunissant buse canalisant et accélérant les flux (5 m/s vs 2 m/s en standard), Schmitz (qui fabrique ses propres groupes) développant de nouvelles gaines et aérateurs spécifiques sur ses évaporateurs. Côté ouvrants, outre les joints et l’éradication des ponts thermiques, la tendance en distribution est à la réduction les temps d’ouverture/fermeture (les 90 m3 d’air d’une caisse peuvent être renouvelés et la température uniformisée en deux minutes) et au développement de fonctions avancées. Les enjeux de réduction des temps d’ouverture de caisse sont importants, estimés par Chéreau pour son SmartOpen-C à +/– 10 % d’économie (350 l/an en moyenne) de GNR. Les rideaux coulissants – à l’isolation accrue – sont ainsi assistés (électriquement chez Chéreau, pneumatiquement chez Lamberet) pour une ouverture rapide (< 10 sec.) avec des commandes plus ergonomiques, automatiques et couplées à divers événements du véhicule (en profitant de son multiplexage) pour des fonctionnements programmés dans divers scénarios d’exploitation. Chéreau a aussi limité les entrées d’air (chaud) et sorties (froid) en créant l’AirShutter-C, barrière d’air (chaud pour une plus grande efficience) aspirant l’air extérieur et le projetant vers le seuil de caisse avec une efficacité corrélée à la vitesse du flux pour maintenir des températures négatives pendant vingt minutes. Équipe de sondes comparant températures intérieure et extérieure pour adapter son fonctionnement, il se déclenche automatiquement à l’actionnement des ouvrants et est paramétrable pour réduire son niveau de bruit ou protéger la charge de batterie. De nouvelles fonctionnalités issues du multiplexage sont aussi attendues, et de nombreux brevets en cours de dépôt : l’avenir dans la carrosserie froid sera hautement technologique…

CFC : chlorofluorocarbone

HCFC : hydroCFC ; HFC : hydrofluorocarbone. Ces gaz sont proscrits mondialement par le protocole de Montréal.

HFO : hydrofluoroléfine

VECTO : Vehicle Energy Consumption Calculation Tool, logiciel de simulation d’émissions CO2.

VIP : Vacuum Insulated Panel (panneau isolé sous vide), enceinte étanche aux gaz entourant un noyau rigide d’où l’air a été évacué.

Matériaux isolants des caisses

POLYSTYRÈNE EXPANSÉ (PSE) CONDUCTIVITE DE 0,032 à 0,038 W/(m.K)

Isolant à structure cellulaire fermée remplie de pentane obtenu par expansion de billes de styrène à l’aide de pentane et de vapeur d’eau (et graphite le cas échéant).

POLYSTYRÈNE EXTRUDÉ (PSX) 0,028 À 0,040 W/(m.K)

Isolant à surface étanche à l’air et à cellules fermées fabriqué à partir des mêmes billes mélangées et extrudées avec un agent gonflant (air, CO2 ou HFC selon performances). Résistance à la compression et à l’humidité supérieure au PSE.

POLYURÉTHANE (PUR) 0,022 À 0,028 W/(m.K)

Moussage d’un composé de polyols, méthylène diisocyanate, agents gonflants et additifs. Sa conductivité varie selon la nature du gaz remplissant les cellules fermées et la technique de production utilisées.

ISOLANT AÉROGEL DE SILICE 0,01 À 0,02 W/(m.K)

Cet aérogel est utilisé pour freiner la mobilité du gaz par emprisonnement dans de microcavités (échelle nanométrique), réduisant la conductivité thermique.

ISOLANT SOUS VIDE (PIV) 0,005 W/(m.K)

Ces isolants placent des aérogels en enceinte étanche (revêtement multicouche polymère et aluminium) sous vide (conductivité beaucoup plus faible) en remplacement du gaz. Panneaux plus minces à isothermie constante, mais vulnérables à la perforation et à la pérennité aléatoire.

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