« Vers un modèle plus hybride »

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Le groupe de Noisy-le-Sec (93) poursuit sa stratégie de renforcement à l’international, alors que 2018 a été marquée par une série de rachats sur des marchés proches. Son dirigeant, Jean-Thomas Schmitt, entend déployer Heppner en tablant sur un mix entre croissance externe et renforcement de ses partenariats avec des confrères européens partageant « le même ADN ». Il assure, par ailleurs, avoir remis le bloc France sur les rails de la rentabilité.
L’Officiel des Transporteurs : Y aurait-il un virage dans la stratégie Heppner ? Vous achetez à l’étranger des entreprises qui possèdent des flottes de camions…

JEAN-THOMAS SCHMITT : Le développement du groupe à l’international s’est déroulé en s’appuyant sur des réseaux de partenaires qui, la plupart du temps, présentent le même profil que nous, avec un ADN familial, un statut d’entreprise indépendante leader sur son marché… Ainsi, le réseau System Alliance Europe, dont nous sommes membres, a pour objet de créer un réseau standardisé, uniformisé en termes de retour d’informations, de process et de qualité, le but étant de rivaliser avec les réseaux intégrés en optant pour une véritable flexibilité dans le choix de nos partenaires.

Il est vrai que cet engagement nous a permis de grandir à une vitesse extraordinaire sur la scène internationale. Cette activité représente aujourd’hui un tiers du chiffre d’affaires du groupe et contribue pour un peu moins de la moitié à notre rentabilité. Ce métier a été extrêmement porteur pour nous, avec des taux de croissance consistants.

Qu’est-ce qui motive les acquisitions de cette année ?

J.-T. S. : Nous avons effectué l’acquisition d’Eurobeta, qui réalise 6,5 M€ de chiffre d’affaires et demeure le spécialiste à Barcelone du marché français. Cette acquisition a ainsi dopé les volumes depuis Barcelone, ce que notre partenaire n’était plus en mesure de nous garantir. Cette présence a minima devrait s’accompagner d’autres acquisitions à Madrid ou Irun. Aux Pays-Bas, zone industrielle et logistique forte, nous avons décidé de prendre notre destin en main avec l’acquisition de HaCas Transport, spécialisé dans le lot et le demi-lot. Il a pour vocation à développer une compétence dans le domaine de la messagerie-groupage. Enfin, nous avons acheté AB Transport (5 M€) en Allemagne, non pas pour contourner notre partenaire Cretschmar, mais pour venir en complément sur le lot et le demi-lot.

L’Allemagne représente la moitié de nos ventes à l’international et se distingue par une poussée du nombre des fusions de réseaux. Cela constitue une préoccupation importante dans notre souci d’assurer une continuité de service à nos clients. Sans doute serons-nous conduits à approfondir notre présence pour obtenir un accès à ces réseaux. En résumé, notre objectif n’est pas de remettre en cause notre modèle basé sur le partenariat, mais il est vrai que nous acceptons d’aller vers un modèle plus hybride mixant partenariats (stables) et initiatives en propre.

Vous avez intégré dans votre giron trois entreprises qui possèdent des flottes en propre, ce qui est très éloigné de votre culture…

J.-T. S. : Oui, c’est un apprentissage pour nous. Chauffeurs en propre, flux en aller-retour, coût au kilomètre, nous aurons besoin d’apprendre sur ce sujet, mais à l’heure où les conducteurs viennent à manquer, en Europe de l’Ouest particulièrement, et où le modèle de sous-traitance aura besoin d’assurer des moyens en propre pour apporter le service, je pense que c’est une très bonne opportunité d’avoir su investir dans des entreprises qui nous offrent des flottes en propre et nous permettent d’opérer des synergies importantes.

Avez-vous d’autres visées à l’international ?

J.-T. S. : Nous avons la volonté de nous développer au Maghreb. Nos essais, par nos propres moyens, n’ont pas été concluants, en raison d’une concurrence forte, et parce que nous avons joué de malchance dans le choix de nos partenaires. Aujourd’hui, nous sommes parvenus à une certaine stabilité en Tunisie avec un bon partenaire. Ces pays connaissent de fortes croissances et devraient nourrir considérablement notre modèle de freight forwarding. Il y a une émergence de classes moyennes et, selon moi, c’est le bon moment pour y entrer.

Comment se porte le transport dans votre palette d’activités ?

J.-T. S. : Nous avons réussi à préserver effica­cement la transition générationnelle avec mon père. Je suis officiellement aux manettes depuis trois ans. Dans le domaine du transport, l’entreprise enregistre un taux de croissance annuel de plus de 5 %, avec une rentabilité multipliée par cinq depuis mon arrivée. Nous avons trouvé notre place sur le marché hexagonal. En revanche, à l’étranger, certains de nos partenaires ont pris des orientations stratégiques différentes ou ont connu des crises de croissance.

Dans ce contexte, nous avons fait le choix de la croissance externe, en nous focalisant sur notre savoir-faire : les flux depuis et vers la France.

Vous annoncez une rentabilité multipliée par cinq en France. Quels en ont été les leviers ?

J.-T. S. : Il y a deux volets : la relance de l’activité commerciale-développement et l’assainissement de l’activité messagerie France qui continuait à perdre de l’argent. Les chargeurs avaient, au moment de sa défaillance, perdu la prestation Mory Ducros. Ils étaient plus à même d’être sensibles à certaines demandes, légitimes de notre part, dans la défense de la valorisation de la messagerie. Celle-ci est trop souvent considérée comme une commodité mais, par d’autres aspects, prend de plus en plus d’ampleur dans la création de valeur chez nos clients.

Nous avons mis un terme à notre activité logistique pour ne nous concentrer que sur des prestations très pointues, « cousues main ». Nous avons transféré nos sites chez certains de nos confrères, avec un minimum de casse sociale. Cette orientation sur la logistique a fait disparaître une perte annuelle de 5 à 6 M€.

Et en messagerie ?

J.-T. S. : En messagerie, nous campons sur un résultat « équilibré + ». Nous avions déjà réussi à passer la barre du million de résultat il y a deux ans. Cette année, nous souffrons un peu plus en raison de la montée des prix de la sous-traitance. Nous avons nous aussi été mis en difficulté pour trouver les chauffeurs pour la distribution.

Quid de votre activité pharmaceutique ?

J.-T. S. : Nous avons malheureusement perdu cet été Gérard Palazzo, le dirigeant de cette division. C’était vraiment quelqu’un de bien. Nous avons recruté une nouvelle responsable, Fabienne Bourseul, qui vient de chez Kuehne & Nagel. Avec elle, nous travaillons à rester dans la course sur le 15 °C-25 °C, où il existe une demande forte, avec des flux de plus en plus concentrés sur palettes, à destination de pharmacies de plus en plus grandes. Nous travaillons aujourd’hui à la recherche des pistes nécessaires pour transformer un peu notre modèle.

Quelle est votre approche vis-à-vis des plateformes numériques d’intermédiation ?

J.-T. S. : Ces nouveaux acteurs ont préempté un créneau de marché intéressant sur lequel, selon les clients, il sera difficile de ne pas se connecter, comme il l’est de ne pas aller sur Internet. Cela étant, nous devons sauvegarder notre sécurité. Le problème des plateformes, c’est qu’elles nous assurent qu’elles ne prendront pas contact directement avec nos clients mais sans dire « jamais ». Peut-être avons-nous quelque chose à apporter en tant que fournisseurs et dans notre relation avec les transporteurs qui sont fournisseurs… On discute avec elles, toujours avec le souci de rester le plus indépendant possible et d’apporter des solutions à nos clients par nous-mêmes. Mais pour tout vous dire, je ne crois pas beaucoup au « Uber for trucks », à la disruption du rôle de commissionnaire. Ils ne pourront faire sans nous, et nous ne pourrons faire sans eux.

Où en êtes-vous du chantier de la digitalisation que vous avez lancé en 2015 avec un programme de 20 M€ ?

J.-T. S. : C’est un enjeu lourd. Il a fallu composer avec l’acculturation du groupe et le Comex dans l’optique de remettre le client au centre des débats. C’est fondamental. Il nous a fallu du temps, et j’avais un peu sous-estimé les besoins d’apprentissage. Nous avons ensuite travaillé en open innovation avec des start-up. Et puis, il n’est pas évident de composer avec un univers digital en perpétuelle mutation, des technologies qui évoluent en permanence.

Nous avons revu notre organisation avec une tête pensante, directeur de l’inno­vation digitale, et son adjoint. Bref, on a avancé avec des solutions de tracking et de prise de rendez-vous avec le particulier sur nos produits Star. Nous avons lancé une plateforme d’affrètement et travaillons avec une start-up pour l’optimisation de nos tournées. Notre TMS a aussi été relifté alors que notre nouvel ERP finances (progiciel de gestion intégrée) sera déployé au 1er janvier 2019.

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