Malgré l’indexation, l’envolée des prix à la pompe pèse sur l’activité économique des transporteurs qui, pour certains, éprouvent parfois des difficultés à répercuter cette hausse sur leurs donneurs d’ordres. Le gazole, dont les variations donnent lieu à une indexation légale des prix de transport, reste ainsi la composante de coûts la plus volatile dans le secteur.
Ce poste de coûts en hausse constante incite de plus en plus de transporteurs à sauter le pas pour se lancer dans le GNV ou le bio-GNV. Néanmoins, aucun indice n’existe aujourd’hui pour estimer le coût réel d’un investissement dans un parc roulant à cette énergie. Le Comité national routier (CNR) se penche actuellement sur la possibilité de communiquer un indice à partir de l’année prochaine, si le conseil d’administration valide le projet. « Pour l’instant, même si les transporteurs passés au GNV n’en semblent pas mécontents, on ne peut pas encore dire si le GNV est plus rentable que le gazole, souligne Alexis Giret, directeur du CNR. Pour le calculer, nous allons procéder à une étude, en confondant les besoins des utilisateurs, afin que l’indice soit ad hoc pour leur utilisation. » Le comité prévoit également de travailler sur la question de la rentabilité du GNV. Pour ce faire, des interviews seront menées auprès des transporteurs, des constructeurs ou encore des fournisseurs de gaz pour élaborer une monographie et créer un simulateur de comparaison entre le gazole et le GNR. « Pour chacun, plusieurs critères seraient pris en compte dans un tableau dynamique, précise Alexis Giret. Le taux de consommation, le coût du véhicule à l’achat, s’il y a une dispersion… Ce serait une étude économique, multisource, indépendante des parties prenantes et neutre. Les constructeurs donnent parfois des chiffres, mais peuvent peut-être user d’un excès d’optimisme. » Et selon les résultats, le simulateur pourrait aussi être de nature à inciter à passer au GNV.
Laurent Galle, dirigeant du groupe Noblet, a choisi le biogaz, avec un premier camion en 2015, puis rapidement une dizaine d’autres. « Je n’y ai vu que des avantages, souligne-t-il. Les camions ne sont pas tellement plus chers à l’achat grâce à des mesures de suramortissement qui existent toujours aujourd’hui. En outre, si le biogaz est un peu plus cher que le gaz naturel, son coût reste bien moins élevé que le gazole. Nous avons un contrat sur trois ans qui se finit fin 2019. Toutes les hausses qui arrivent entre-temps créent autant d’écart. » Le groupe Noblet a créé ses propres stations d’avitaillement, « ce qui ne s’est pas avéré si onéreux », précise l’entrepreneur. Pour limiter le coût, contrairement aux stations publiques, le groupe n’a par exemple pas investi dans des systèmes de recharge rapide. « Si on change, autant passer au biogaz », soutient-il. Ce carburant émet un CO2 qui existe déjà dans l’air et est issu d’usines locales qui récupèrent des déchets. En revanche, le gaz naturel est extrait de la terre, tout comme le pétrole, alors qu’il ne gênait personne. Puis il est transporté dans des gazoducs via la Russie par exemple avant d’être brûlé. Mais l’une des difficultés principales du biogaz reste l’absence d’institut et d’indice pour suivre notamment les cours de prix. Le groupe Noblet suit ainsi différentes unités de mesures pour les estimer. « On est seuls face à l’adversité lorsqu’on se lance. Mais une fois qu’on est dedans, on se rend compte que c’est finalement assez simple », assure Laurent Galle. De plus en plus de transporteurs sautent le pas, mais « leur nombre reste bien insuffisant », regrette-t-il.
Arnaud Bilek, cofondateur et responsable du développement du réseau de stations Gaz’Up (Groupement des transporteurs promoteurs de stations GNC), n’a pas de doutes quant à l’avantage que représente la présence de camions au gaz dans une flotte. « D’une part, le transporteur n’a plus le risque de vol de carburant. D’autre part, l’avantage fiscal est appelé à croître si le gouvernement s’en tient à sa feuille de route, argumente-t-il. Aujourd’hui, il y a clairement de quoi se féliciter car, indépendamment de la fiscalité, le diesel est condamné à terme pour certaines livraisons et le réseau de stations commence à se développer. De plus, le kilométrage nécessaire pour amortir le matériel va se réduire et les coûts d’exploitation vont se rapprocher de ceux du diesel, à horizon trois ans. Sans compter qu’il y a des transporteurs qui ont déjà amorti leur matériel malgré le surcoût à l’achat », souligne-t-il. Quant au réseau, Gaz’Up poursuit son développement. Le 25 octobre dernier, il a inauguré sa troisième station GNC à Saint-Quentin (02), en partenariat avec les transports Houtch, après celles d’Auxerre et de Toulouse.