« Toutes les options sont sur la table », avait répondu Élisabeth Borne, en écho aux questions de Jean-Christophe Pic lors du dernier congrès de la FNTR, au sujet de la future (probable) contribution PL au financement des infrastructures. Après de longs mois de flou, le voile est levé. La ministre des Transports a annoncé aux organisations patronales du TRM, qu’elle a reçues le 19 octobre, les deux hypothèses de travail sur lesquelles planche le gouvernement. La première concerne la TICPE, la seconde une vignette, la fameuse vignette temporelle.
Ainsi, selon l’Unostra, la ristourne gazole sur la TICPE, dont bénéficient les entreprises exploitant des véhicules de 7,5 t, serait rabotée de 6 centimes. « Le plancher de fiscalité professionnelle qui est aujourd’hui de 43,19 cts passerait donc à 49,19 cts », précise l’Unostra. Par ailleurs, les « crânes d’œufs » de Bercy proposent l’instauration d’une vignette visant l’ensemble des véhicules de 12 t qui circulent en France (français et étrangers donc). Montants évoqués : 430 euros par an pour les véhicules à 3 essieux et 1 200 euros pour ceux dotés de 4 essieux et plus. Cas particuliers : « Les entreprises de transport ayant acquitté la vignette pourraient en obtenir le remboursement dès lors qu’elles formuleraient leur demande de ristourne sur la fiscalité du carburant. Les opérateurs qui ne demanderaient pas la ristourne n’obtiendraient pas le remboursement de la vignette », indique l’Unostra.
Campant sur leur credo habituel, les fédérations FNTR, TLF, Unostra et CSD disent « considérer que l’augmentation de 6 cts de la fiscalité sur le carburant pour les entreprises de transport ne serait pas plus fléchée vers la régénération et la modernisation des infrastructures que ne l’avaient été les 4 cts déjà consentis en 2014, en contrepartie de l’abandon de l’écotaxe ».
Le concept de « ligne rouge », un moment martelé par les dirigeants de ces mêmes fédérations – rappelé tout récemment à la tribune du congrès de la FNTR par Jean-Christophe Pic – ne semble plus tout à fait d’actualité… Les dirigeants de ces fédérations se bornent à « exprimer leur plus grande réserve sur ce mécanisme » et à souligner « l’impact considérable de cette fiscalité supplémentaire sur l’ensemble des entreprises de transport et particulièrement sur celles utilisant des véhicules de moins de 7,5 t qui, elles, ne bénéficient d’aucune ristourne ».
Les fédérations professionnelles ont été reçues une seconde fois au ministère, le 23 octobre, cette fois-ci pour une réunion dite « technique » avec les membres du cabinet d’Élisabeth Borne. « Nous attendions que l’on vienne nous présenter un certain nombre d’éléments chiffrés susceptibles de nous permettre de comprendre les analyses du ministère et les orientations qu’il souhaite prendre », indique Jean-Marc Rivera, secrétaire général de l’OTRE. Lequel estime que les pistes avancées ne « sont que des hypothèses, même si elles prennent forme ». Le dirigeant fédéral souligne que les fédérations du TRM présentes ont rappelé aux membres du cabinet d’Élisabeth Borne qu’il était « hors de question de travailler sur des chiffres qui avaient comme seul objectif de servir de base pour établir les montants sur lesquels nous serions taxés ». Depuis de longs mois, les organisations patronales demandent aux pouvoirs publics d’établir le fléchage de la contribution du TRM au financement des infrastructures. En vain. « Nous prenons acte que la ministre veut trouver 500 M€ de ressources nouvelles pour les infrastructures. Mais, pour nous, la problématique n’est pas de trouver cette enveloppe mais d’indiquer le fléchage. Nous n’avons toujours pas d’explication », déclare Jean-Marc Rivera.
L’ensemble des acteurs présents à cette seconde réunion (FNTR, TLF, Unostra, CSD et OTRE), échaudés par les déclarations de la ministre devant la commission développement durable (voir ci-contre), se sont fendus d’un communiqué commun laissant exprimer une colère qui est montée d’un cran : « La ministre a déclaré que le secteur du transport routier de marchandises était loin de couvrir ses coûts externes et qu’il ne participait pas à l’entretien des infrastructures. Dans ces conditions, l’ensemble des organisations professionnelles signataires de ce communiqué affirme qu’il ne saurait en aucun cas être question d’une “concertation” visant à accroître la charge fiscale des entreprises de transport. »
En attendant, le gouvernement devra composer, sur son aile droite, avec le Collectif des acteurs économiques bretons qui se déclare hostile, à propos de la vignette, à « cette version 2 de l’écotaxe qui aurait pour effet d’accroître le caractère périphérique de la Bretagne ». Même si elle était remboursée ?
« On a l’impression que les pouvoirs publics testent la profession. Les pistes évoquées, sur la ristourne gazole et la vignette, ne me conviennent pas du tout. Chez Vingeanne, un centime de TICPE en plus par camion grand routier, qui effectue 100 000 km par an avec une consommation de 30 litres aux 100 km, générera un coût supplémentaire de 300 euros à l’année. Sur les 6 centimes de ristourne gazole qui pourraient être rabotés, nous avons calculé qu’il nous en coûterait 1 800 euros supplémentaires par camion et par an. Ce n’est pas acceptable alors que, dans le même temps, nous allons subir une nouvelle hausse du prix du gazole.
Concernant la vignette, il est question de remboursement (pour les transporteurs français). Mais comment peut-on croire que les transporteurs étrangers qui l’auront acquittée ne mettront pas en place des dispositifs qui leur permettront d’en obtenir eux aussi le remboursement ? La profession paye largement son dû à l’utilisation des infrastructures. Nous devons rester vigilants et monter au créneau si cela s’avère nécessaire. »
JEAN-CLAUDE PLÂ, groupe Vingeanne (52)
« Plus que jamais, il faut obtenir des pouvoirs publics qu’ils nous communiquent le fléchage des sommes que nous payons pour l’utilisation des infrastructures. Pour notre part, chez Lahaye, il nous en coûte chaque année 10 M€ nets de TICPE, 5 M€ de péages et 200 k€ de taxe à l’essieu. Notre parc se monte à 600 moteurs. »
PATRICK LAHAYE, Pdg Lahaye Global Logistics (35)
« Il y a opposition totale de notre part à toute fiscalité nouvelle. Au niveau du Collectif des acteurs économiques bretons*, dont la FNTR Bretagne a été l’un des membres fondateurs, nous opposons un « non » catégorique. Si le gouvernement persistait dans sa volonté de mettre en place une vignette temporelle et de raboter la ristourne gazole, le Collectif se réunirait pour décider des réactions à suivre. Il y aurait sans doute une forme de colère qui s’exprimerait. »
ANTHONY ROUXEL, FNTR Bretagne
*Le Collectif des acteurs économiques bretons regroupe près de 150 000 entreprises (900 000 actifs) issues de l’ensemble des branches de l’économie.