Selon le gouvernement français, « l’hypothèse d’un échec des négociations entre l’Union européenne et le Royaume-Uni ou l’absence de ratification par l’une des deux parties, ne peut être exclue ». Une option qu’avait rappelée Gérald Darmanin, le ministre de l’Action et des Comptes publics, le 2 octobre, lors d’un déplacement à Calais où étaient conviées les autorités régionales, en déclarant que l’État « se prépare au pire ». La commission transport du Parlement européen vient de publier une enquête alarmante sur les conséquences d’une absence d’accord sur le Brexit. S’agissant du transport routier, le rapport pointe un risque de réduction de volume du fret et aussi une augmentation du coût tarifaire et non tarifaire du transport de marchandises. Autrement dit, des charges financières accrues et des processus plus longs. Les coûts des tarifs seraient répercutés dans le coût des services fournis par les opérateurs de transport, dont l’ampleur dépendra du degré de concurrence dans chaque cas. De plus, le nombre de déclarations en douane dans le port de Douvres passerait de 55 millions à plus de 255 millions par an. Le principal problème serait constitué par la documentation de dédouanement requise pour les destinataires en provenance de pays tiers, qui devront remplir 34 champs de données supplémentaires par rapport au système actuel (84 au total). Les services dans le port de Douvres pourraient même s’effondrer immédiatement après l’entrée en vigueur du Brexit. De la même façon, l’impact sur l’Eurotunnel se traduirait par un risque de fermeture pendant plusieurs années. Par conséquent, cela entraînerait une réduction de la fréquence des services de transport offerts par les entreprises. De leur côté, les Britanniques seraient particulièrement lésés, puisque leurs transporteurs perdraient la licence de circulation et d’accès au marché de l’Union. Ce n’est donc pas anodin que le gouvernement britannique ait déjà présenté au Parlement du Royaume-Uni un projet de loi sur le transport de marchandises par route, afin de garantir que les transports britanniques puissent continuer à opérer dans l’UE après le Brexit. Ce projet de loi prévoit, entre autres, un système d’enregistrement des remorques conforme à la convention de Vienne de 1968, qui garantira que les opérateurs britanniques circulant sur le continent se conforment aux exigences des pays de l’UE.
« La France se plaçant dans l’hypothèse d’une absence de lien juridique avec la Grande-Bretagne, nous devons prendre des dispositions allant dans ce sens. Nous ne pouvons pas nous contenter d’attendre la date fatidique du 19 mars 2019 sans rien faire », a déclaré Gérald Darmanin lors de son déplacement à Calais.
Le ministre a annoncé le déploiement de 300 douaniers dans les aéroports de la Manche et 350 dans les Hauts-de-France, dont une majorité à Calais. Il est aussi prévu de réaménager le service des douanes dans ces zones, par exemple en élargissant les horaires de contrôle. Cela passe également par l’établissement de lieux de dédouanement à proximité des ports afin d’éviter l’engorgement à l’arrivée des marchandises et des zones de bouchon. Le ministre des Comptes publics a affirmé qu’un budget de 1 milliard d’euros destiné à faire face au Brexit a été fixé. Reste à savoir si ces mesures auront le temps de devenir opérationnelles d’ici au 19 mars, même si le ministre a prétendu que la dématérialisation permettra de gagner du temps et de remédier au risque de longues files d’attente. Natacha Bouchart, maire de Calais, a souligné la nécessité de créer un bureau des douanes à Calais car 150 000 camions passent par ce port chaque année. « Il reste moins de six mois pour construire les locaux ! L’adaptation des infrastructures doit donc se faire rapidement », a-t-elle réclamé en précisant que « les sociétés de transport doivent pouvoir être soumises à des contrôles du site car elles risquent une perte de marché ».
De la même façon, Jean-Marc Puissesseau, président de la SEPD, qui gère les ports de Calais et Boulogne, a insisté sur le risque de perte de fluidité du trafic. « Nous attendons un Brexit dur. Le contrôle sanitaire reste une source de difficultés. Les trois ports de la Manche travaillent ensemble pour y remédier. Cependant, nous pensons qu’il n’y aura pas d’embouteillages si les documents informatiques sont préremplis avant le passage à la douane », a-t-il indiqué.
La question est de savoir si les transporteurs trouveront des ressources pour investir dans la numérisation d’ici à six mois. L’espoir que les choses se passent sans trop de douleur se tourne de l’autre côté de la Manche. « Les deux pays ont intérêt à s’entendre, car le risque économique existe des deux côtés. Même si nous n’avons pas vocation à faire des cadeaux aux Britanniques, puisqu’ils ont décidé de partir, nous devons composer avec eux », a prévenu Jean-Marc Puissesseau. « Je n’ai pas d’opinion quant à l’issue de la réunion du Conseil européen du 17 octobre où sera abordée la question du Brexit, mais je pense que les Britanniques sont pragmatiques, et nous échangeons régulièrement avec eux », a soutenu Gérald Darmanin.
Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, et Nathalie Loiseau, ministre chargée des Affaires européennes, ont présenté, le 3 octobre dernier, un projet de loi habilitant le gouvernement à prendre par ordonnance des mesures de préparation au retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne. Les dispositions de la loi visent à préparer au mieux un éventuel rétablissement des contrôles à la frontière avec le Royaume-Uni. Elles sont aussi destinées à accélérer l’aménagement de locaux, installations ou infrastructures portuaires, ferroviaires, aéroportuaires et routières. Leur mise en œuvre dépendra de l’issue des négociations en cours et d’une concertation étroite avec la Commission européenne.