Le verdict sera rendu en délibéré le 28 août

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Le procès en appel de l’affaire Norbert Dentressangle s’est déroulé du 4 au 8 juin, à Grenoble. Les juges ayant décidé de joindre « au fond » les nullités (sur la procédure menée par le parquet) prononcées, le 5 mai 2015, par le tribunal correctionnel de Valence, les échanges contradictoires ont pu se dérouler autour de la sous-traitance telle que l’a effectuée l’ancien groupe Norbert Dentressangle, devenu depuis lors XPO Logistics Europe.

Alors que les négociations sur le futur statut des conducteurs routiers européens s’enlisent à Bruxelles et Strasbourg, se déroulait le procès en appel autour de ce qu’il est convenu d’appeler « l’affaire Norbert Dentressangle », emblématique de ce qui se joue sur le Vieux Continent. Procès qui a placé au cœur des débats de prétoire le concept de sous-traitance en Europe. Sous-traitance à partir de filiales installées à l’étranger (en l’occurrence en Roumanie, en Pologne et au Portugal), tel que les anciens dirigeants du groupe Norbert Dentressangle le défendent ? Ou alors vaste réseau d’exploitation de conducteurs roumains, polonais et portugais tel que l’a prétendu un documentaire diffusé en 2015 dans l’émission Envoyé spécial (sous le titre « Les nouveaux esclaves de la route »), qui conduira dans la foulée le syndicat CFTC du groupe à déposer une plainte auprès du tribunal correctionnel de Valence ? Plainte qui visait trois sociétés de l’ancien groupe drômois : ND Silo, TND Volumes et SAS TND, incarnés par six cadres dirigeants à la barre du tribunal. Elle conduira les enquêteurs de l’Office central de lutte contre le travail illégal (OCLTI) et ceux de l’Office central des nouvelles technologies à effectuer une opération coordonnée sur quatre sites du groupe, à Saint-Rambert d’Albon (26), La Motte-Servolex (73), Semécourt (57) et Sevrey (71). Le 5 mai 2015, le tribunal correctionnel de Valence avait quasiment vidé de son contenu le dossier de l’enquête préliminaire menée par le parquet en suivant le réquisitoire de Me Aguera. L’avocat de Norbert Dentressangle avait alors plaidé la nullité de la procédure au motif que les perquisitions, les PV et les gardes à vue n’avaient pas été menés conformément à la convention européenne et à la déclaration des droits de l’homme.

Le procès en appel s’est achevé le 8 juin. Le débat au fond ayant pu avoir lieu – des milliers de pages dans le dossier – la cour a pu entendre les parties civiles, des chauffeurs polonais et roumains ainsi que les six dirigeants « ND » incriminés. « Après l’audition de tous les témoins et les conducteurs, la question se posait de savoir quelles étaient les modalités des contrats de sous-traitance, indique Me Éric Jeantet, qui défend les intérêts de l’Urssaf dans le procès. Cette société, qui a décidé d’effectuer l’acquisition de sociétés – roumaine, portugaise et polonaise – est-elle restée dans les clous en faisant faire des transports internationaux par le biais de contrats de sous-traitance ? Cette question a été cruciale. Était-ce de vrais contrats de sous-traitance ? Ou alors, en réalité, les chauffeurs étaient-ils plutôt sous l’autorité de sociétés françaises ? » L’avocat du cabinet lyonnais Juri-Europ pose dès lors la question : « Y a-t-il eu transfert du lien de subordination au bénéfice des Français ? Lesquels donnaient les directives, prononçaient des sanctions… ? Ou alors – et c’est la thèse adverse – ce sont bien les Portugais, les Roumains et les Polonais qui étaient à la manœuvre ? » Le cœur du débat donc : sous-traitance ou pas ?

La porte ouverte à tout

Me Jeantet estime qu’il faut distinguer deux périodes : avant et après 2011. « Il existe beaucoup d’éléments qui démontrent que, jusqu’à 2011, ce sont les exploitants français qui dirigeaient. Après cette date, on a fait les choses autrement. » L’avocat de l’Urssaf considère que « nous, parties civiles, avons marqué des points car à Valence, nous n’avions plus d’éléments à défendre ». Il ne se prononcera pas, bien entendu, sur le rendu à venir de la décision de la Cour. Mais il pense que « si la thèse de la partie civile est admise et que les Français étaient en fait les vrais patrons, les chauffeurs devaient relever du droit social français ». Si ce scénario était retenu, XPO Logistics – qui a hérité de ce « passif » au moment du rachat de Norbert Dentressangle en 2015, passif qui a dû être intégré dans la transaction – devra s’acquitter des amendes qui seront prononcées. Le redressement Urssaf (30 M€ environ), s’il venait à être prononcé, se baserait sur une période courant sur cinq ans, pour un millier de conducteurs environ. « Je pense que, dans ce dossier, la porte est ouverte à tout », souligne Me Jeantet. Ce dernier croit savoir que l’avocat général considère que « le dossier d’accusation tient la route ». Pour autant, les sanctions demandées ont été allégées par rapport à celles requises en première instance et ce, paradoxalement, alors que le dossier était cette fois-ci plus consistant au vu des pièces produites au fond : 130 K€ par société, une peine d’amende de 30 K€ pour chacun des cadres dirigeants (6 000 euros fermes et le reste avec sursis). Le parquet a également requis l’affichage de la décision – si elle est défavorable à Norbert Dentressangle – dans tous les sites du groupe ainsi que dans les pages du journal Les Échos. Du côté de la CFTC XPO Logistics, à l’origine de la plainte qui a débouché sur le procès, on se félicite « de l’examen des milliers de pages de pièces contenues dans le dossier […] » qui « a permis également de mettre le doigt sur des pratiques largement répandues en Europe dans le transport routier de marchandises ».

Vrai ou faux contrats de sous-traitance ? La cour d’appel a mis son verdict en délibéré. Réponse le 28 août prochain.

Me Aguera Avocat du groupe Norbert Dentressangle

“Nous avons eu l’opportunité de présenter nos arguments devant la cour d’appel de Grenoble, et de démontrer que la manière dont sont organisées les activités de transport international en Europe est conforme à toutes les réglementations européennes du transport et au droit social français. Nous attendons donc désormais sereinement la décision de la cour.”

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