Dotée d’un fort potentiel de croissance, la filière GNV est aujourd’hui mature en termes de technologie. « Plusieurs freins ont été levés avec le lancement de nouveaux modèles par les constructeurs. Selon que le véhicule fonctionne au GNC ou au GNL, les autonomies vont de 600 à 1 500 km, et les puissances jusqu’à 460 ch », rappellent Romain Jalaudin et Marcello Venturi, du groupe MPH Énergie. Suramortissement, aides régionales et de l’Ademe, gel de la TICPE, les mesures publiques convergent aussi pour soutenir le développement de la flotte GNV et la création d’un réseau maillé de stations-services publiques. Indirectement, les décisions prises par certaines villes de contraindre voire d’interdire le diesel, à l’image de Paris en 2024, plaident également pour des motorisations alternatives à court terme. S’ajoutent enfin la pression des chargeurs, dont ceux de la distribution, et la hausse programmée du diesel. Selon l’Ufip, le prix du gazole est à son niveau le plus haut depuis quatre ans et son augmentation devrait se poursuivre sous l’effet de trois évolutions : la hausse des prix du baril avec une prévision de l’ordre de 100 dollars contre 70 dollars aujourd’hui, le renforcement de la fiscalité carbone et le doublement des objectifs du dispositif « Certificats d’économie d’énergie » entre 2018 et 2020.
Favorable, cet environnement suffit-il toutefois à encourager les transporteurs à s’équiper en stations privatives GNV ? Selon l’Ademe, « le réseau de distribution, dont le déploiement était initialement porté par des soutiens publics, semble atteindre des conditions de marché permettant un développement basé sur l’équilibre offre-demande ». Au regard des capacités d’investissement des transporteurs et du coût d’une station privative GNV, cet avis paraît optimiste.
En fonction de l’installation et du type de gaz distribué (GNC, GNL ou GNL/C), le coût d’une station privative varie de 0,7 à 1,5 M€ contre 100 000 à 400 000 euros pour une station diesel. Dans ce contexte, la grande majorité des transporteurs engagés dans l’aménagement d’une station GNV privative la mutualise en autorisant son accès à des confrères voire également à des tiers professionnels. Dans le cadre de contrat séparé avec l’aménageur de la station, ils s’engagent en outre sur des consommations auprès de leur fournisseur de gaz : GRDF dans le cas de stations GNC, et des opérateurs énergéticiens pour l’approvisionnement en GNL. Le retour sur investissement d’une station est estimé à une dizaine d’années.
C’est sur ce principe que MPH Énergie, en qualité de constructeur de stations multi-énergies y compris de GNV, a aménagé deux stations GNC pour les Transports Barcos à Tarbes et les Transports Houtch à Saint-Quentin. Et sur la cinquantaine de projets étudiés actuellement par le groupe, 10 concernent des transporteurs. « Avec ses filiales, notre groupe assure un service global clé en main pour répondre à tous les besoins privatifs des transporteurs. À ce jour, MPH Énergie a réalisé 10 stations dont huit pour des collectivités territoriales, sociétés de bus ou agriculteurs. Certaines à l’image d’AgriBioMéthane à Mortagne-sur-Sèvre (85) autorisent l’accès aux transporteurs », soulignent Romain Jalaudin et Marcello Venturi.
Opérationnelle depuis l’an passé, la station GNC de Barcos dispose d’une capacité de compression de 800 m3 permettant de faire 50 pleins par jour au moyen de deux pistes. Celle de Houtch ouvrira en juin 2018. Avec une capacité de compression de 2 000 m3, elle pourra servir jusqu’à 200 PL/jour (15 PL/heure) avec quatre pistes, sachant que le transporteur disposait déjà de deux stations à charge lente. « Chaque site dispose de deux compresseurs pour assurer une redondance et garantir une continuité de service. L’aménagement de ces sites s’est accompagné d’une formation pour les conducteurs. En termes de délai, au moins six mois sont nécessaires pour réaliser une station GNC comme celle de Barcos, démarches administratives et instruction du PC comprises. » Aidé par un système de télémaintenance à distance, l’entretien est assuré par Mesure Process, filiale de MPH Énergie.
Filiale du groupe énergéticien Enel, Endesa Energia France se positionne également sur la station privative GNC bioGNC. « Aujourd’hui, nous avons ouvert trois stations publiques : à Bonneuil-sur-Marne avec le Sigeif, à Saint-Étienne avec le concours de 11 transporteurs membres de la FNTR 42 [sur un terrain détenu par Endesa] et à Vannes, avec Morbihan Énergies. S’ajoute une station privée pour le groupe Pizzorno à Lyon. Également publiques, deux autres seront mises en service d’ici à juillet à Saint-Vincent-de-Tyrosse et à Sarreguemines. Avec une trentaine de projets à l’étude, notre objectif est de développer un maillage de 40 stations GNV d’ici à 2023 », déclare Pauline Raveau, responsable du développement GNV bioGNV chez Endesa Energia France. À Saint-Vincent-de-Tyrosse, le projet se distingue car la station ne distribuera que du bioGNC, une première pour Endesa. Ouvert à tous les transporteurs et aux professionnels d’autres secteurs pour optimiser les volumes consommés, « le site géré par Endesa délivrera du bioGNC approvisionné dans le cadre d’un partenariat de 15 ans conclu avec des producteurs locaux. La concrétisation de ce projet a été soutenue financièrement par la région Nouvelle-Aquitaine pour compenser le surcoût du bioGNC par rapport au GNC », indique Pauline Raveau. À la tête d’une offre clé en main, Endesa propose en standard, sous la forme d’un conteneur, une installation composée de deux compresseurs et d’un stockage intégré aux capacités adaptées au besoin du transporteur. Formation et entretien au moyen d’un système de télémaintenance sont inclus dans la prestation.
Si la plupart des fournisseurs de stations GNV limitent leur offre au GNC, Gas Natural Fenosa se démarque à plusieurs titres. En qualité d’énergéticien, il maîtrise de façon intégrée la chaîne d’approvisionnement du gaz sous forme liquide et ses stations délivrent deux carburants : GNL et GNC. Mendy dans les Landes avec le concours de son client Intermarché, puis le groupe Jacky Perrenot dans la Vienne et le centre routier de Bordeaux sont les premiers équipés de ses installations en France ; les stations de Perrenot et du centre bordelais étant ouvertes à d’autres transporteurs. « Seule, la station GNL privative a peu d’avenir car elle répond à des besoins spécifiques et son exploitation demeure complexe, reconnaît Laurent Maalem, directeur commercial GNV de Gas Natural Fenosa en France. À l’inverse, la technologie GNL/C est mature et compétitive. »
À partir d’une seule citerne cryogénique de GNL à – 161 °C, la station fournit du GNL sans traitement particulier jusqu’au réservoir, et du GNC. Pour la production de ce dernier, elle utilise un compresseur puis un vaporisateur et une unité qui odorise le gaz, suivi d’un stockage à 250 bars. Sur ce schéma, « trois stations sont en cours d’aménagement chez les transporteurs PKM à Longueil-Sainte-Marie, VLB Trans à Dunkerque et Malherbe à Caen, confie Laurent Maalem. Pour nos approvisionnements en GNL, nous disposons de capacités permanentes et de contrats aux terminaux méthaniers de Bilbao, Barcelone, Montoir-de-Bretagne, Zeebruges, Fos, Dunkerque et de Rotterdam ». Pour le compte de Gas Natural Fenosa, les livraisons sont effectuées par GCA, EB Trans, HAM Transport, VLB Trans et bientôt Mendy. « En standard, la capacité de stockage de la citerne est de 80 m3, soit 450 pleins avec possibilité de réapprovisionnement quotidien. » Le prix du gaz proposé, tout compris, intègre le financement de l’installation, la fourniture du gaz sur la base d’un réapprovisionnement automatique selon le niveau de la citerne, la formation des conducteurs, prochainement disponible en ligne, et l’entretien, facilité par un système de télémaintenance. « Pour nos premiers contrats, nos clients se sont engagés sur une durée pluriannuelle, plus difficile aujourd’hui. »
À l’image de MPH Énergie, d’autres acteurs présents sur le marché de la station privative diesel affichent de grandes ambitions dans le GNV, tel Tokheim Services France (TSF) sur le segment GNC. « Après avoir créé un pôle technique gaz en interne, nous avons défini notre offre GNV. Elle repose sur notre expertise du marché de la station privative avec une base clients de plus de 32 000 sites en exploitation, et notre couverture nationale », confie Josselin Guéant, directeur chargé de l’activité privative et gaz de TSF. N’étant pas fabricant de compresseurs, l’entreprise s’est rapprochée des leaders de ce marché afin de proposer une offre multimarques dans ce domaine. Convaincu que la bataille se jouera aussi sur la maintenance des installations, une quarantaine de techniciens a été formée aux équipements GNV dans une première phase. « Aujourd’hui, Tokheim Services France intervient sur une trentaine d’installations en France dont la station du Sigeif à Bonneuil-sur-Marne, pour laquelle nous avons piloté l’aménagement de A à Z ». TSF est également partenaire des lauréats à l’appel à projets « Solutions intégrées de mobilité GNV » de l’Ademe. « Avec eux, nous travaillons sur le dimensionnement de leurs futures stations publiques. » Au catalogue, TSF dispose déjà du distributeur Quantium GNC avec compensation de température intégrée. « Une grande partie de nos matériels et de nos compétences sont GNV compatibles », assure Josselin Guéant citant, par exemple, son progiciel DiaLog pour la gestion des stations et ses expertises en génie civil.
Aménageur reconnu de stations privatives diesel, Hectronic France est également engagé dans la transition GNV. « Nous avons équipé les stations Gaz’Up à Toulouse et à Auxerre de nos solutions et leur proposons, par exemple, notre application mobile HecFuel pour activer et autoriser la prise de carburant au moyen du smartphone du conducteur », déclare Sylvain Duverger, son directeur général.
Partenaire également des Transports Cassier et d’AS24, Hectronic France a d’ores et déjà adapté au marché GNV son automate HecFleet assurant un fonctionnement autonome H24 ainsi que le progiciel HecPoll. « Nous sommes intervenus à ce jour sur une dizaine de stations GNV et participons à plusieurs projets en cours. » Si d’autres fournisseurs de stations diesel comme ALX Technologies n’ont pas développé de gammes GNV spécifiques, plusieurs de leurs équipements sont compatibles avec ou sans modification comme leurs automates et distributeurs voire leurs applications logicielles.
Avec Avia et son partenaire Primagaz, Total est l’autre pétrolier à s’être engagé en France dans le développement d’un réseau de stations GNV publiques. En mars 2017, le groupe a ainsi affiché ses ambitions en annonçant l’aménagement de 110 stations sur ses réseaux Total et AS24 avec une priorité pour le GNC. Sans engagement de volume imposé aux transporteurs, ces stations GNV créées sur leurs sites existants ou à l’origine de nouvelles constructions seront accessibles avec les cartes pétrolières Total GR et AS24, facilitant ainsi la gestion du poste carburant des transporteurs. Pour soutenir ce projet, Total a renforcé ses expertises dans la station GNV avec l’acquisition du néerlandais PitPoint, leader du secteur en Europe. « Au service des réseaux Total et AS24, PitPoint se positionne également en tant que concepteur, constructeur et exploitant de stations privatives GNV à l’attention des transporteurs routiers de marchandises à l’échelle nationale », déclare Xavier Bourat. Dans ce cadre, le directeur général de PitPoint France confirme l’interopérabilité des cartes Total GR et AS24 avec les futures stations aménagées pour les transporteurs.
Si la technologie des véhicules fonctionnant au gaz naturel est mature, la distribution publique de leur carburant est encore soutenue par des aides publiques. Via l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie), l’appel à projets (APP) « Solutions intégrées de mobilité GNV » a permis de valider huit projets régionaux et nationaux qui prévoient la construction de 100 stations GNV publiques sous quatre ans, distribuant du gaz compressé (GNC) et/ou liquéfié (GNL), associée à la mise en service de plus de 2 100 camions. Soit un investissement global de 381 M€ dont 30 M€ d’aides d’État avec, pour chaque station réalisée, une flotte rattachée de 20 camions GNV minimum. Ouvert jusqu’au 6 juillet 2018, un deuxième APP « GNV/bioGN » piloté par l’Ademe cherche à conforter cet élan et à favoriser une répartition homogène de stations GNV publiques distribuant du GNC et du bioGNC. Il s’adresse « aux zones où la pertinence économique peine à légitimer un déploiement alors qu’il existe une nécessité d’approvisionnement pour les transporteurs et toutes autres flottes captives ». Les projets devront comprendre l’aménagement d’au moins une station GNC (contre cinq dans le premier APP) associée à une flotte d’au moins 15 véhicules, quel que soit leur type, et s’engager sur une proportion importante de consommation de bioGNC. Ils présenteront également des « caractéristiques démontrant une difficulté à faire émerger une ou des stations par le seul jeu du marché, légitimant une intervention publique ».
Parmi les critères de sélection seront notamment évaluées « la densité de population sur la zone concernée, les possibilités d’accès à une infrastructure routière importante en termes de flux de véhicules et la distance avec une station GNV/bioGNV existante ou en cours de développement ».Plafonnée à 200 000 ou 220 000 euros par dossier, l’aide de l’Ademe varie selon la taille de l’entreprise et l’engagement de consommation de bioGNV au-delà de 50 %. Pour l’acquisition de véhicules, elle couvre uniquement le surcoût par rapport à un véhicule diesel équivalent.
Le 17 mai, la Commission européenne a présenté une proposition visant à renforcer les règles d’émissions des poids lourds. Elle prévoit une réduction d’au moins 30 % des émissions de CO2des camions d’ici à 2030 par rapport à celles de 2019.
Un premier palier en 2025 est également précisé fixant aux nouveaux véhicules immatriculés des émissions de CO2inférieures de 15 % à celles de 2019. À travers cette proposition, la Commission déclare un double objectif : améliorer la qualité de l’air et la recherche d’économies pour les transporteurs. Selon ses calculs, elles pourraient s’élever à 25 000 euros sur cinq ans. L’adoption de ces nouvelles règles aurait aussi pour conséquence de favoriser l’émergence des carburants alternatifs au diesel et, en premier lieu, le GNV.
Clos le 11 septembre 2017, l’appel à projets (APP) « Solutions intégrées de mobilité GNV » de l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) a permis de mettre à l’honneur les huit lauréats suivants :
• Seven Occitanie (Régions Occitanie et Nouvelle-Aquitaine) : 20 stations et plus de 400 PL.
• Bretagne Mobilité (Région Bretagne) : 9 stations et plus de 180 PL.
• Vendée GNV (Région Pays de la Loire) : 7 stations et plus de 140 PL.
• Total Pitpoint (toute France) : 20 stations de plus de 400 PL.
• Innov’ Transport Air – Air Liquide AB (toute France) : 24 stations et plus de 600 PL.
• Engie – Réseau GNV GNVert (toute France) : 10 stations et plus de 200 PL.
• V Gas et V Gas 2 – Proviridis (Régions PACA, Grand Est et Hauts-de-France) : 10 stations et plus de 200 PL.
La Ville de Paris a fixé à 2024 l’abandon du diesel. Cette décision s’accompagne de mesures en matière de distribution de carburant. Après un premier appel d’offres pour l’installation de points de distribution GNC (GNV compressé) sur une station existante à Issy-les-Moulineaux, la collectivité a lancé un nouveau marché le 27 avril. Il concerne deux stations GNC situées porte d’Aubervilliers. Dans le cadre d’une exploitation de dix ans, le dimensionnement des futures installations devra permettre le remplissage simultané de trois véhicules poids lourds et/ou utilitaires. Leur débit doit rendre possible un plein en moins de quinze minutes sans délai d’attente pour reconstituer la pression GNC stocké entre deux véhicules successifs. En termes de capacité, ces points de distribution devront être en mesure d’accueillir de 100 à 180 véhicules par jour au moyen d’une capacité de 7 500 kg. La remise des dossiers à cet appel d’offres est fixée au 15 juin.