Akanéa, Testo, Transfollow, GS1, plusieurs entités qui agissent pour rendre le TRM plus « digital-friendly » ont envoyé leurs émissaires au Novotel Paris Est, le 1er juin dernier. Leur mission, qu’ils ont acceptée : faire comprendre aux acteurs du transport sous température dirigée que ces derniers ont tout intérêt à embrasser le processus de digitalisation qui, naturellement, s’impose à un nombre grandissant d’entreprises. Mais de quoi parle-t-on lorsque l’on aborde le sujet de la digitalisation de l’entreprise. Pour Arnaud Martin, directeur général d’Akanéa Développement, il s’agit d’un ensemble de technologies, comme par exemple les plateformes interactives, la réalité virtuelle, la blockchain, ou encore le machine learning, qu’il convient de maîtriser au mieux afin d’en exploiter les possibilités. « L’objectif, dans un contexte opérationnel où les acteurs collectent énormément de données, consiste ainsi à transformer ces dernières en connaissances (aujourd’hui, on ne le fait qu’avec 2 % de la data). Pour ce faire, on les collecte depuis trois sources (IoT, interne, externe) et l’on doit les agréger, les sécuriser, et les analyser de différentes manières ».
Selon ce dernier, la notion de sécurisation est d’autant plus importante dans un contexte où il devient crucial pour les différents acteurs de parvenir à s’interconnecter, et d’évoluer dans un écosystème standardisé, afin de simplifier et fluidifier les échanges.
Mettre en place un processus de digitalisation de son entreprise n’est pas une démarche à entreprendre à la légère. Elle s’effectue avec des objectifs : l’innovation, l’adaptation aux besoins du marché, ou encore l’amélioration de différents points tels que la traçabilité globale et en temps réel, la productivité, la compétitivité. Elle se découpe en points d’étapes : définition d’une stratégie, modélisation des process, intégration de la technologie, gestion du changement, attention portée à l’expérience client. Elle comporte des risques : des populations qui ne sont pas « digital native », la disruption d’un environnement, la résistance de certains face au changement, les enjeux de la cybersécurité. Il s’agit donc de savoir où l’on met les pieds. Pour autant, « la digitalisation présente un certain nombre d’opportunités en termes d’innovation, de tracking, de développement de partenariats, d’ouverture de nouveaux marchés et d’optimisation », souligne le dirigeant d’Akanéa.
Parmi les exemples les plus flagrants qui illustrent l’idée que la digitalisation nécessite un environnement d’acteurs interconnectés pour être vraiment efficace, on retient notamment les travaux de Transfollow (prestataire de la lettre de voiture électronique), en partenariat avec la FNTR, pour l’avènement de la e-CMR. La dématérialisation des documents de transports (et en particulier de la lettre de voiture) permet des économies sur le traitement administratif, les envois, ainsi que le stockage. « Seulement, si la technologie est mature, et si certains acteurs étaient déjà motivés pour franchir le pas, il restait à faire tomber les barrières législatives. Maintenant que c’est chose faite, les premières expérimentations voient le jour », indique Thierry Grumiaux, délégué commission de transport, international, douane, logistique et nouvelles technologies à la FNTR. En effet, Trimble a déployé la solution e-CMR de Transfollow chez son client XPO, et Astrata celle de Dashdoc chez Arthur Welter. Des économies significatives en perspective donc, mais également un environnement de travail dans lequel l’information circule beaucoup plus rapidement. Finis les POD et les tampons, bonjour la géolocalisation partagée en temps réel avec tous les acteurs de la chaîne. À ce sujet, Stéphane Cren, directeur de l’innovation de GS1 France, insiste sur l’enjeu de l’interopérabilité, et donc sur l’importance de la standardisation : « Il est nécessaire que les partenaires collaborent, afin que la filière parvienne à établir des systèmes interconnectés et standardisés car aujourd’hui, il n’y a pas deux systèmes qui soient capables de désigner un lieu de la même façon. » Le modèle à suivre, selon ce dernier, c’est l’API, pour Application Programming Interface, à l’instar de celle déjà mise en place par GS1 France pour la prise de rendez-vous, la première dans le monde de la logistique. À l’échelle européenne, les discussions sur l’uniformisation de la dématérialisation des documents de transport sont d’ores et déjà en cours mais, rappelle Thierry Grumiaux, « c’est un travail long et difficile ».
Le TRM dresse, par ailleurs, le constat suivant : en vingt ans, le secteur est passé, grâce notamment à la technologie, du dépannage des véhicules et des équipements à leur entretien préventif. Un fait rendu possible en partie grâce à l’essor de l’IoT. Les camions, par exemple, mais également les remorques, ou encore les pneumatiques, sont aujourd’hui truffés de capteurs permettant le suivi en temps réel de leur état de fonctionnement, leur taux d’usure, et fournissant ainsi la capacité d’anticiper les besoins en maintenances moteurs. Ainsi, les constructeurs, comme Mercedes-Benz Trucks – avec Fleetboard et Uptime – ou MAN, – via son portail en ligne RIO – ou bien les équipementiers tels que Dhollandia, disposent tous d’une offre de suivi de maintenance. En détail, la solution Uptime de Mercedes-Benz Trucks « permet la remontée en temps réel des données des véhicules vers un serveur qui, après traitement, génère des recommandations et des alertes qu’il envoie à la personne adéquate (client, atelier, centre d’assistance) en fonction des besoins de maintenance », selon Mehdi Dupuis, en charge du développement de la solution pour le constructeur allemand. L’objectif est d’éviter ou de limiter la durée des immobilisations, qui nuisent à l’entreprise tant sur le plan commercial (rentabilité du véhicule) qu’en termes d’image. Sur une période donnée, un véhicule coûte quatre fois plus cher, si on l’use jusqu’à la panne, que si l’on anticipe sur ses réparations. La technologie a du bon.
Jean-Marc Platero, président de Transfrigoroute France, déclare en fin de journée qu’avoir accès à tant de technologies ne signifie pas forcément qu’on l’utilise correctement. En effet, en se basant sur des problématiques du transport sous température dirigée (refus de marchandises pour incapacité de prouver l’intégrité des produits, difficulté d’établir une traçabilité de bout en bout sur les longs trajets transeuropéens), le président a exhorté les différents acteurs à collaborer. « Pourquoi ne pas monter une base de données commune pour suivre l’ensemble des séquences de température à l’échelle européenne ? La technologie est disponible, c’est aujourd’hui à nous d’agir », a déclaré Jean-Marc Platero en rappelant qu’au-delà d’un enjeu commercial et d’image, il s’agit également d’un enjeu mondial de société (la réduction du gâchis, notamment alimentaire et pharmaceutique). Des propos qui ont fait écho à ceux de Thierry Grumiaux qui, plus tôt dans la journée, appelait son auditoire à « rêver grand, commencer petit, mais commencer », en insistant sur l’importance dans la transformation numérique de la prise en main opérationnelle, ô combien plus formatrice aux nouvelles technologies que les présentations en tous genres.