Si le projet Équilibre ne visait pas à comparer les marques (les données sont anonymisées), quatre véhicules présentant des anomalies fortes ont fait l’objet d’une alerte à leur constructeur. Pour l’un d’entre eux, il ne s’est agi que de changer l’unité de dépollution d’un tracteur 44 t diesel ayant subi une fuite d’huile sur le catalyseur. En revanche, Iveco a été alerté pour trois véhicules : un porteur 19 t (8 l, 330 ch) et deux Stralis NP 44 t équipés du moteur Cursor 9 de 400 ch, modèle mis sur le marché fin 2016. « Le constructeur n’a pas triché, précise Pascal Megevand. Ces poids lourds respectent bien la norme Euro 6. Mais en urbain dense et en traversée d’agglomération, leurs émissions étaient plus élevées que la moyenne des autres véhicules. » La marque du groupe CNH Industrial, basé à Turin (Italie), qui fait du GNV le fer de lance de son développement, a pris l’alerte très au sérieux et corrigé le tir en quatre mois. Clément Chandon, responsable développement commercial Europe du GNV, a accepté de lever l’anonymat et de s’en expliquer à L’Officiel des Transporteurs.
CLÉMENT CHANDON : Iveco, comme les autres constructeurs, a toujours été extérieur au projet Équilibre, comme cela avait été décidé par son comité de pilotage. Mais, en septembre 2017, j’ai été approché par Pascal Megevand, qui m’a averti des taux d’émissions anormalement élevés de notre dernier camion, le Stralis NP, sur les parcours urbains. Ses niveaux d’émissions de NOx sont largement inférieurs aux limites ISC (In-Service Conformity) de l’Euro 6 en vigueur pour les cycles réels de fonctionnement. Mais ces résultats en zones urbaines dans le cadre d’Équilibre n’étaient à la hauteur ni de nos attentes, ni de notre image de leader sur le marché du GNV. C’est pourquoi le problème a tout de suite été pris au bon niveau par l’entreprise.
En accord avec les porteurs du projet Équilibre, nous avons décidé de nous focaliser sur les deux 44 t, car il est possible que l’anomalie relevée pour le véhicule 19 t soit due à un défaut de celui-ci. Ce modèle a subi de nombreux essais depuis 2015, de la part de l’Ademe avec le CRMT [partenaires d’Équilibre], y compris en zones urbaines et périurbaines. Il a toujours obtenu d’excellents résultats. Nous analyserons ce véhicule, mais nous savons d’ores et déjà que l’anomalie n’est pas liée à la nouveauté.
C. C. : Nous avons constaté que les réglages moteur n’étaient pas optimisés. Pour ce premier tracteur GNV spécifiquement développé pour les missions longues distances, nous avons associé un moteur gaz et une boîte 12 rapports robotisée, une première mondiale. Afin d’assurer une très longue longévité, les boîtes sont crabotées, donc sans synchronisation. C’est là que nous avons travaillé et réussi à mieux faire dialoguer le moteur et la boîte lors des changements de rapports, de manière à ce qu’un minimum d’air entre dans la ligne d’échappement. L’air, en effet, diminue les performances du catalyseur. Nous étions en train de lancer le modèle 13 l, mais avons mis un coup d’accélérateur en renforçant les ressources. Ce challenge imposé nous a permis de proposer, dès janvier 2018, une nouvelle calibration moteur, mais aussi de déposer un brevet. En effet, nos ingénieurs ont réussi non seulement à contrôler les émissions de NOx, mais également à améliorer le confort de conduite par des changements de rapports plus rapides. Ces avancées ont été intégrées d’emblée au modèle 13 l. Sur les 9 l, une amélioration de 50 % des résultats en parcours urbains est déjà constatée et les retours chauffeurs – l’un des intérêts d’Équilibre – sont très bons.
Mais nous réalisons encore, jusqu’en juin, des essais liés à nos standards. Nous devons démontrer la tenue dans le temps.
C.C. : La nouvelle génération de porteurs à usage urbain, qui sortent en juillet, seront les premiers à en profiter. Cependant, comme nous voulons défendre notre position de marque de référence, nous nous engageons à en faire bénéficier tous nos clients, dès cette année, y compris pour les 1 400 véhicules déjà en circulation et les 572 commandés. Cette alerte que nous avons eue nous incite à avoir des critères de conception et de mesures encore plus sévères. L’enseignement que nous en tirons est qu’être conforme au plan légal est nécessaire mais pas suffisant pour rester leader. Les transporteurs initiateurs du projet Équilibre, qui nous ont d’ailleurs renouvelé leur confiance, ont vraiment des arguments face aux constructeurs. Ce projet est le travail de mesures sur poids lourds le plus long et le plus complet jamais vu au niveau européen !