« Tout cela va rentrer dans l’ordre », nous confiait récemment Nicolas Lemonnier. Ce consultant du cabinet Euklead, une organisation qui opère en direction des chargeurs pour le compte de leur politique transport, estime que l’ubérisation – en marche – du transport routier de marchandises provoque les mêmes débats antagonistes que lors de l’apparition des bourses de fret dans les années 1980. La digitalisation de l’économie, la numérisation généralisée des process, l’avènement annoncé (pour plus tard) de la blockchain font éclater les lignes, exploser les modèles… La révolution numérique serait à l’économie ce que le Soleil est à la Terre. « On ne peut l’empêcher de se lever chaque matin. » Ainsi parlait Nathalie Kosciusko-Morizet, l’ancienne secrétaire d’État au Numérique de Nicolas Sarkozy, lors d’un séminaire sur le sujet en 2014.
Dans les rangs du TRM, la FNTR et TLF observent l’irruption du numérique dans le transport visiblement sans états d’âme. L’OTRE – qui se présente comme un ardent défenseur des TPE-PME qui seraient menacées par les grands groupes – s’est érigée en procureur dès les premières notes émises par les plateformes numériques dans le microcosme du TRM. Au prétexte que ces plateformes constitueraient une menace pour le modèle social de « nos entreprises » et qu’elles exercent une concurrence déloyale envers les entreprises en règle, elles, avec la réglementation transport.
D’autres opposants pointent du doigt le statut juridique de ces plateformes numériques d’intermédiation. Outre qu’elles possèdent des conditions générales de vente qui poseraient, entre autres, la question de la responsabilité en cas de litige, elles n’émargent pas au registre des commissionnaires de transport…
Lui avance en chevalier blanc de l’intermédiation digitale dans le TRM. Il a été le premier, en France et en Europe, à créer une plateforme numérique en s’appuyant sur les trois modèles qui existaient déjà aux États-Unis. Il s’agit de Rodolphe Allard. Également patron des Transports Houari (45), il se trouve actuellement au cœur d’une joute à fleurets mouchetés qui l’oppose à l’OTRE. Le dirigeant se prévaut depuis de longs mois d’être en règle avec la législation transport, de pointer au statut de commissionnaire de transport et de ne confier du fret qu’à des transporteurs en conformité eux aussi.
Le 5 avril, les limiers de l’Autorité de la concurrence ont débarqué au siège parisien de l’OTRE et en sont repartis avec des ordinateurs. La même opération, au même moment, se déroulait dans les locaux d’une bourse de fret bien connue des transporteurs. Que leur reproche-t-on ? D’être les auteurs de « pratiques anticoncurrentielles ». En clair, selon une indiscrétion, ils auraient proféré des appels au boycott des plateformes numériques qui sont déjà dans la place. Rodolphe Allard se défend d’être à l’origine de cette saisine de l’Autorité de la concurrence. L’OTRE ne veut pas le croire : « Dans l’ordonnance du magistrat, il est question de dépôt de la saisine du ministère chargé de l’Économie, en date du 9 août 2017, à la suite de la plainte de l’entreprise Chronotruck […]. Sa plainte auprès du ministère de l’Économie a bien eu pour conséquence les mesures de perquisition prises contre l’OTRE », déclare l’organisation dans un communiqué à l’Officiel. Affaire à suivre…