De la continuité dans ses annonces. Deux mois déjà après sa nomination à la tête du ministère des Transports, Élisabeth Borne avait – l’air de rien – émis l’hypothèse d’une nouvelle fiscalité camion. Qui irait au financement des infrastructures. Un même projet, une même idée évoqués à la fois dans les colonnes de L’Officiel des Transporteurs (N° 2887) et dans celles du quotidien Les Échos. Arguant alors de la nécessité de rénover les infrastructures, la ministre des Transports avait déclaré : « Il y aura forcément des débats sur la notion de contribuable, d’utilisateur et sur le financement de tout cela. » Deux mois plus tard, au moment de lancer les Assises nationales de la mobilité, le 19 septembre 2017, la ministre pose sa deuxième pierre à l’édifice (fiscal) TRM, sans toutefois le nommer : « il faut trouver 10 Md€ pour la rénovation des routes dans les cinq ans à venir ». Dans les rangs des organisations professionnelles, les cheveux commencent à se dresser ; dans les entreprises, les camions commencent à ne pas tourner rond sur les parkings : pas de doute, le TRM va une nouvelle fois être mis à contribution. Déjà, on prépare les esprits… Qui aurait pu, qui pourrait, encore aujourd’hui, assurer que le gouvernement se risquerait à « inviter » l’automobiliste à l’effort de contribution nécessaire à nos belles routes secondaires ? Pas l’heure de doper les indices d’impopularité…
Alors ! Eh bien, troisième pierre à l’édifice, le rapport Duron sur le financement des infrastructures, sorti tout droit du dédale « voyageurs » des Assises sur la mobilité, livre enfin et quasi officiellement le fond de la pensée gouvernementale : au nom du principe pollueur-payeur, le TRM – français et étranger – doit être mis à contribution pour le renflouement de la caisse de l’AFITF, l’agence de financement des infrastructures. Le scénario est cousu de fil blanc : hausse de la TICPE, suppression ou réduction du montant de la ristourne gazole, qualifiée par Philippe Duron de « niche fiscale », et mise en place d’une vignette forfaitaire. « Ce ne sont plus les Assises de la mobilité, s’était alors insurgé Yves Fargues, au nom de TLF. Ce sont les Assises de la fiscalité. »
Depuis lors, Élisabeth Borne arpente les studios de radio et de télévision, son petit sac de pierres à la main. Elle ne manque pas de sujets au feu, la ministre des Transports. Il lui faut expliquer la réforme ferroviaire sortie tout droit du rapport Spinetta, une autre émanation des Assises de la mobilité. Un véritable marathon pour la ministre ! Un ultra-trail !
« Il faut faire payer les poids lourds », assènent quasiment chaque jour, à tour de rôle, certaines personnalités du monde socio-économique au micro des matinales des radios, peu au fait des montants de TICPE, taxe à l’essieu et péages déjà acquittés par les transporteurs. Et les journalistes, peu en reste, de haranguer la ministre des Transports ! « Allez-vous faire payer les camions ? Y aura-t-il une taxe ? » Hors de question, ont depuis un moment, répondu les fédérations professionnelles. « Les 4 centimes supplémentaires de TICPE, c’était pour solde de tout compte », a dit l’OTRE. « Une nouvelle taxe constituerait une ligne rouge à ne pas franchir », clament de concert la FNTR et TLF.
Car ils aimeraient bien savoir, tous ces animateurs et autres éditorialistes si les « routiers » vont, à leur tour, descendre dans la rue… Pensez : un second front social, une grève combinée rail-route, cela aurait de la gueule ! « Préparez vos vélos », avait lancé Jean-Christophe Pic, le président de la FNTR, au moment où Élisabeth Borne avait posé sa première pierre…