La fraude au détachement est un sujet que les transporteurs connaissent bien sous la forme du cabotage. Si la question du détachement des travailleurs reste européenne, la France ne cesse d’élaborer des réglementations pour essayer de contrôler l’emploi de salariés détachés sur son territoire, comme en témoigne ce dernier plan national de lutte contre le travail illégal.
Le plan prévoit la création d’une entité centralisée regroupant des experts dans les montages complexes et dans la lutte contre la fraude au détachement au sein de l’Acoss.
Renforcer les pouvoirs d’enquête des inspecteurs du travail fait également partie des nouvelles dispositions. Ils pourront accéder à tout document ou élément d’information utile à la constatation des manquements aux dispositions relevant de leurs contrôles, y compris auprès de tiers.
Par ailleurs, les pouvoirs du GNVAC (Groupe national de veille, d’appui et de contrôle) seront également élargis. Cette organisation, composée d’une dizaine d’agents de contrôle, focalise son attention essentiellement sur certains secteurs d’activité particulièrement « fraudogènes ». Notons qu’aux termes du plan, comme le BTP ou l’agriculture, le secteur du transport est considéré comme potentiellement plus « fraudogènes » que d’autres. « Le transport arrive en 4e position des secteurs dits « fraudogènes » mais les statistiques sont données hors transport. Ce qui confirme la difficulté d’avoir accès à des statistiques concernant le transport. Cependant, la FNTR ne peut que se réjouir de toute avancée dans la lutte contre le travail illégal », commente la fédération.
La lutte contre le travail illégal passera aussi par l’augmentation des sanctions administratives en cas de fraudes, et la suspension de la prestation de service en cas de non-paiement des amendes. Ainsi, le plafond des amendes administratives encourues pour manquement lié aux droits des salariés détachés passera de 2 000 à 3 000 euros. En cas de réitération du manquement, dans un délai porté d’un à deux ans, l’amende sera relevée à 6 000 €.
En outre, il sera créé un nouveau cas de suspension de prestation de service à l’égard d’un prestataire étranger qui n’aurait pas payé les amendes administratives qui lui avaient déjà été notifiées, par décision motivée du directeur régional de la Direccte. Cette possibilité de suspendre la prestation de service pourra avoir lieu dès la transmission de la déclaration préalable de détachement sur le système d’information des prestations de services internationales (SIPSI), qui atteste de l’intention d’effectuer une nouvelle prestation de services sur le territoire national.
De la même manière, la Direccte pourra suspendre une prestation de service internationale, en cas d’infraction grave au droit du travail et en cas de fraude à l’établissement, soit lorsqu’une filiale est créée à l’étranger uniquement dans le but d’embaucher des salariés pour aller travailler en France.
Mesure très commentée du plan de lutte contre le travail illégal, le « name and shame » consiste à pointer publiquement du doigt les entreprises fautives. Désormais la peine complémentaire de publication et de diffusion des décisions de condamnation pour travail illégal aujourd’hui prononcée de façon facultative par les tribunaux deviendra systématique. À noter que cette disposition fera partie d’un projet de loi « Fraudes » qui sera présenté en 2018. Les autres mesures seront intégrées dans une 7e ordonnance travail à venir. Reste à savoir si ce nouveau plan améliorera la situation des transporteurs soumis à rude concurrence en raison du cabotage. « Toute initiative allant vers un contrôle accru du détachement de travailleurs est toujours bonne à prendre, mais nous craignons que cela ne soit qu’une incantation car, malgré l’arsenal juridique français, il reste difficile de mettre en évidence la réalité d’une infraction. La solution ne pourra venir que de l’Union européenne. Nous souhaiterions qu’une période de carence de 14 jours entre 2 cabotages soit appliquée avec un retour obligatoire du conducteur dans son pays d’origine. C’est cela qui va réellement changer les choses », revendique Jean-Marc Rivera, secrétaire général de l’OTRE.