N’y aurait cet épineux problème de recrutement de conducteurs et d’exploitants, l’on n’hésiterait pas à parler d’euphorie en termes d’activité. Y compris dans un secteur comme la messagerie, l’indicateur de rentabilité est passé au vert chez certains acteurs pourtant habitués à la portion maigre. « Quand on gagne un peu d’argent, c’est la fête », s’amuse l’un des participants. Autour de la table, les commentaires sur la conjoncture se veulent teintés d’optimisme : « Année 2017 positive, on n’arrive pas à suivre » ; « bon millésime, la plus belle note de notre histoire. On a réussi à avoir un parc qui tourne à 80 % en plein mois d’août » ; « bonne année, chiffre d’affaires historique, saisonnalité qui diminue »… La montée en puissance de l’activité (du chiffre d’affaires), c’est bien, mais gare à ne pas écorner la rentabilité, prévient un dirigeant : « Gérer la suractivité constitue un facteur de détérioration de la rentabilité. Pour servir nos clients, nous avons dégradé notre exploitation, ne serait-ce qu’à cause du coût de l’intérim qui ne tombe pas sous le parapluie du CICE ». « Face à la généralisation des appels d’offres, nous avons tiré nos prix vers le bas. Et puis, chez ceux qui “font ” du social, la masse salariale a augmenté de 6 à 10 % », indique un dirigeant.
Jamais, depuis 2008, la conjoncture économique ne s’est montrée sous un jour aussi favorable pour le TRM. Les carnets de commande sont pleins. Et, enfin (pour un temps), dirigeants et exploitants n’éprouvent plus le besoin du recours aux lunettes 3D pour palper l’horizon : c’est un tunnel de visibilité qui s’offre à eux comme ils n’en ont pas disposé depuis plusieurs années. Oui, mais, comment satisfaire une demande soutenue lorsque les moyens humains (et donc matériels) manquent ? Dans chaque entreprise, grande ou petite, les « crânes d’œuf » sont mis à contribution pour trouver les moutons à 5 pattes (plus de 23 000 collaborateurs manqueraient à la filière, selon les fédérations FNTR-TLF et Unostra qui ont lancé le projet Tremplin). Comment résoudre ce casse-tête de la pénurie de main-d’œuvre illustré par l’intervention de ce chef d’entreprise francilien selon lequel « on nous demande 80 – 100 – 150 semi quand on ne peut en mettre à disposition même pas le quart ? ». Et ce même patron – citant les besoins immenses du Grand Paris — de craindre de « voir débarquer des étrangers sur le TP car on ne fournit pas ». Un moindre mal ? En tout cas, l’un de ses confrères estime que le problème (la pénurie de main-d’œuvre) est de dimension européenne : « Je trouve que l’on voit moins de transporteurs étrangers depuis le mois de mai ». Nouveau, selon l’un des transporteurs présents à la table ronde : le phénomène a suscité l’irruption de chasseurs de têtes dans la filière…
Revient sur la table le sempiternel thème de l’attractivité de la filière. « La convention collective doit être réévaluée », suggère un participant. Un autre : « Nous accordons une enveloppe de 400 euros aux salariés qui attirent un collaborateur dans notre entreprise. Nous avons, par ailleurs, mis en place un intéressement participatif lié à l’investissement individuel des salariés ». Procéder à l’augmentation des rémunérations ? « Pas uniquement. Il faut également jouer sur les annexes et permettre à nos collaborateurs d’effectuer des heures supplémentaires ».
Depuis le temps que le TRM négocie, « à genoux », ses revalorisations tarifaires annuelles avec les chargeurs, la nouvelle donne économique, même si elle n’offre pas de garanties sur le long terme, se révèle propice à un rééquilibrage. « La pénurie doit constituer une arme de sensibilisation afin de faire passer nos prix », souligne un dirigeant. « Nous subissons l’existence d’un nombre important d’heures parasitaires. Il faut les intégrer aux revalorisations tarifaires », suggère l’un de ses confrères.
Pour beaucoup, 2018 sera une « belle opportunité pour aller chercher des points de marge ». Il sera question également d’investissements dans l’acquisition de véhicules au gaz et dans la digitalisation des structures. Un bémol : la remontée des coûts, notamment le prix du gazole. Une inquiétude : l’instauration d’une nouvelle fiscalité camion…