« Confirmation que seront proposés l’écotaxe régionale et les péages urbains. Les conclusions étaient écrites avant même le début des Assises. Qui pourtant ne devaient pas parler de TRM ». Et de conclure par le hashtag « Tartufferie ». Ce tweet récent de Florence Berthelot, la déléguée générale de la FNTR, en dit long sur la perception qu’a le TRM de sa place dans les discussions qui se tiennent actuellement autour de la mobilité et sur le financement des infrastructures routières. Élisabeth Borne l’a annoncé, en septembre dernier, à l’ouverture des Assises de la mobilité : il faut trouver 10 Md€ pour la rénovation des routes dans les 5 ans à venir. FNTR et TLF se sont présentées conjointement à leur audition par le Comité. « On ne nous a pas sollicités pour des idées mais directement orientés sur le financement des infrastructures, en nous ouvrant à l’hypothèse d’une taxe kilométrique », raconte Yves Fargues, au nom des deux fédérations. La délégation FNTR-TLF a réagi en demandant « des comptes » sur l’usage des milliards d’euros versés par les utilisateurs de la route, dont le TRM. « Où va l’argent ? », ont demandé en substance les dirigeants patronaux. Même interrogation du côté de l’OTRE lors de son audition : « Nous avons demandé un état des lieux sur les recettes et les dépenses de la route, un bilan précis sur les coûts externes », indique Aline Mesples, la présidente.
En tout état de cause, la tendance au sein du Comité irait à une nouvelle contribution du TRM. Pour les organisations patronales (toutes), pas question de taxation kilométrique. Et que tout le monde — tous les usagers de la route — mette la main au porte-monnaie ! « Oui à une fiscalité sur le carburant. Non à toute idée de redevance PL, de taxe de transit ou d’écotaxe régionale », déclare Yves Fargues. La FNTR et TLF, si et seulement si la logique du « tout le monde paye » prévaut, prônent une taxation sur les carburants, « plus juste ».
L’économiste des transports vient d’élaborer un rapport intitulé « Financement des infrastructures routières : contraintes, opportunités et ambitions nouvelles ». Cet exposé fait suite aux travaux du Think Tank de l’URF(1). Il est destiné à contribuer aux débats des Assises nationales de la mobilité et dresse un état des lieux des modes de financement des routes en pointant les déséquilibres entre les recettes et les dépenses. Le rapport note, qu’avec 37 Md€ de recettes, les dépenses publiques routières pourraient être largement couvertes. Précisément, les véhicules qui circulent sur les autoroutes concédées, poids lourds et véhicules légers, font plus que couvrir leurs coûts, y compris les coûts externes. « Il n’est plus possible de continuer avec les bricolages actuels qui consistent le plus souvent à charger le budget de l’Afitf en lui affectant de loin en loin quelques centimes additionnels de TICPE », estime l’auteur du rapport. Lequel relève également que « cette opacité est dommageable, dès aujourd’hui, mais elle l’est plus encore lorsqu’on se projette en 2030. À cet horizon va être déployée la “route de 5e génération”, laquelle demandera une organisation nouvelle de la gestion et du financement de la mobilité routière ». Un constat partagé par Aline Mesples qui milite pour que l’argent aille au financement du platooning, des routes intelligentes… Le document d’Yves Crozet souligne aussi la double exigence que le financement de la route nécessite : premièrement, définir officiellement ce que sont ses coûts pour fixer ce qui relève des coûts externes (insécurité et environnement) d’une part, et des coûts de fonctionnement et d’investissement d’autre part ; deuxièmement, déterminer un nouveau système de tarification qui fera de la route un service marchand, à l’instar de toutes les autres industries de réseau.
Selon Yves Crozet, il conviendrait de sensibiliser les utilisateurs de la route à son coût. Il estime que dans les prochaines décennies, il faudra aller vers des systèmes de redevance ou de tarification pour tous les usagers motorisés de la route. Il insiste sur le fait qu’il s’agit de « prix » et non de « taxe ». Ainsi il serait possible de commencer par une vignette ou redevance forfaitaire. Il émet l’hypothèse que mettre en place une vignette sur les automobiles, les VUL et les camions, par exemple de 200 euros par an et par véhicule, rapporterait près de 8 milliards d’euros. Conscient que sa proposition risque d’ébranler les usagers de la route, Yves Crozet prend le soin de préciser qu’il ne s’agit « en aucun cas, de recréer une taxe dont le bénéficiaire serait l’Afitf et in fine quelques grands projets ferroviaires, fluviaux ou routiers ». L’économiste conclut que « l’idée d’une tarification systématique de la route ne doit pas choquer, elle est en réalité la condition d’un financement pérenne du million de kilomètres qui irrigue nos territoires ».
(1) Union Routière de France