Les constructeurs PL divisés

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La motorisation gaz ne laisse pas les constructeurs de poids lourds indifférents. Entre les partisans du GNV comme Iveco, Scania et Volvo Trucks et ses détracteurs comme DAF ou Mercedes, il y a de l’électricité dans l’air !

Les camions au GNV ne représentent encore qu’une petite partie des immatriculations, à peine 2 %, mais cette part pourrait dépasser les 10 % d’ici trois ans si l’on en croit le constructeur Iveco. La Chambre syndicale internationale de l’automobile et du motocycle (CSIAM) a organisé un point sur la motorisation gaz le 12 octobre dernier. Le sujet divise les constructeurs et le ton est parfois monté entre les tenants de cette motorisation alternative et ceux qui n’y croient peu, ou pas du tout. « En 2012, on comptait une cinquantaine d’immatriculations. Le marché concernait surtout des bennes à ordures ménagères et puis un décollage s’est amorcé pour le transport de marchandises. En 2017, il y aura 750 immatriculations, dont plus de 350 tracteurs », fait remarquer Thierry Archambault, président-délégué de la CSIAM. Ce dernier précise qu’il y avait moins de 20 stations il y a trois ans (dont une au GNL) contre 71 actuellement (dont 11 au GNL), avec un rythme d’ouverture « d’une station toutes les semaines. Dans ce domaine, la France est exemplaire. »

Le coin des sceptiques

Ce qui laisse Philippe Canetti plutôt sceptique. Le directeur général de DAF Trucks France croit peu à la pertinence de la motorisation gaz de manière générale. « Le moteur diesel atteint un niveau d’émission de particules et de NOx inférieur au gaz et il est difficile de comparer les deux motorisations en terme d’émissions. Lorsque nous discutons avec nos clients, ces derniers nous font part de grosses contraintes en termes d’entretien et d’approvisionnement, c’est assez lourd à supporter. En fait, le gaz n’est pertinent que si le client l’impose », lance-t-il. Ce dernier constate que cette motorisation n’en est qu’à ses balbutiements en Europe, et que le phénomène touche surtout la France. « Notre stratégie est mondiale, nous ne pouvons nous permettre d’avoir une stratégie qui ne concerne que le marché français », explique-t-il, en précisant que DAF travaille sur d’autres pistes, comme l’hybridation des véhicules. Même son de cloche chez Mercedes. « Nous y croyons, mais de très loin. Économiquement, cette solution ne fonctionne pas. Les transporteurs se posent beaucoup de questions, mais ils ne paieront pas le surcoût imposé par cette motorisation. Cela se traduit dans les chiffres : les camions gaz ne représentent que 700 véhicules sur 48 000. Pour la longue distance, nous croyons plus à l’hydrogène, mais dans 15 à 20 ans. D’ici là, le diesel propose de meilleures performances, et on peut encore travailler sur la consommation pour réduire les émissions de particules fines de CO2. Quant à la distribution urbaine, nous misons sur l’électrification : nous lancerons des véhicules en série l’an prochain avec cette technologie », déclare Jean-Marc Diss, directeur général de Mercedes-Benz Trucks France. Notons que ce constructeur maîtrise parfaitement la motorisation gaz puisqu’il dispose de l’une des plus grosses flottes de camion gaz d’Europe …pour les bennes à ordure, avec son Econic version gaz. Le modèle économique reste donc à trouver pour le TRM.

Iveco truste le marché gaz

« La motorisation diesel reste notre cœur de métier, mais nous pensons que la motorisations gaz peut être plus écologique et s’avérer rentable pour les transporteurs. Ainsi, le GNV est le carburant qui peut remplacer le gazole à court-terme. Ensuite, ce sera l’hydrogène », indique à l’inverse Christophe Jacques, responsable de la gamme Medium-Heavy d’Iveco France. Le constructeur transalpin s’attend à une forte progression des ventes de véhicule gaz. « D’ici 2020, les camions gaz représenteront 10 % des ventes avec au moins 4 000 à 5 000 véhicules ». Pour l’instant, le constructeur transalpin truste 75 % à 80 % des ventes en France. Au cours d’une discussion animée, Iveco s’est fait critiquer pour ne comparer les données de ses consommations gaz qu’avec ses propres véhicules diesel et non ceux des concurrents, ce qui fausserait les données des tests. Ses détracteurs restent également sceptiques sur la valeur de revente des véhicules qui freinerait les acheteurs. Sur tous ces points, Iveco se veut confiant. « Nos concurrents reprennent des mauvais chiffres en multipliant certaines émissions par 1 000. Nous sommes prêts à nous comparer aux autres marques sans aucun problème », répond Christophe Jacques. Quant aux valeurs de revente : « nous sommes convaincus qu’il y aura une demande, cela permettra aussi à de nombreux transporteurs d’accéder à la technologie gaz en limitant l’investissement ».

Les constructeurs suédois bien présents

Aux côtés d’Iveco, Scania s’est depuis longtemps engagé vers la motorisation gaz. « Nous sortirons bientôt un moteur 13 litres gaz. Le surcoût sera assez léger par rapport au diesel et bientôt les coûts vont se rapprocher. Nous n’en sommes qu’au début de l’histoire », prophétise Koen Knoops, le nouveau président de Scania France. Son confrère suédois de Volvo Trucks acquiesce. « La motorisation gaz permet de répondre à la pression politique et à la demande de nos clients pour des transports moins polluants », souligne Lionel Bertuit, directeur commercial et développement de Volvo Trucks. Ce constructeur présentera au printemps 2018 un moteur 13 litres de 420 et 460 chevaux gaz qui présente les mêmes fonctionnalités que la diesel, ce qui devrait se traduire par des gains de consommation « de 15 à 25 % inférieure à celle des moteurs au gaz traditionnels ». En effet, pour enflammer le gaz, une petite quantité de diesel sera ajoutée au moment de l’injection. Revers de la médaille, outre un réservoir gaz, le camion comprendra un petit réservoir pour le gazole ainsi que l’indispensable système de post traitement SCR, ce qui alourdit le processus par rapport à un moteur gaz classique, persiflent certains confrères à mots couverts.

Ne pas opposer les motorisations entre elles

Gilles Durand, secrétaire général de l’AFGNV, se refuse à opposer les deux motorisations : « à côté du diesel et du gaz, – deux solutions qui permettent de répondre à Euro VI –, d’autres solutions alternatives vont émerger, comme l’HVO, l’électricité, l’hydrogène ou l’éthanol, chaque énergie correspondra à un usage précis. » Il souligne que l’arrivée du biogaz permettra de franchir un grand pas en matière de dépollution. « Avec 20 % de biogaz dans le circuit d’approvisionnement, les émissions de CO2 seront réduites de 40 % du puits à la roue. » Thierry Archambault, joue également le médiateur : « Il faut savoir que chaque constructeur a déboursé un milliard d’euros pour développer la technologie Euro VI. Il faut respecter cette création de valeur et laisser le temps de s’installer cette norme sans en imposer une nouvelle immédiatement. Les constructeurs sauront d’eux-mêmes choisir vers quelles technologies s’orienter pour répondre à des usages de niches. »

GRDF assure tenir ses objectifs sur le biogaz

Christophe Bellet, directeur Projet Biométhane chez GRDF, assure que les camions n’auront pas de problèmes à faire le plein de biogaz. « En cohérence avec la loi de transition énergétique, GRDF sera en mesure d’injecter 8 TWh de biométhane dans les réseaux à échéance 2018, ce qui équivaut à faire 30 000 pleins de camions. » En 2030, le biogaz devrait représenter 10 % du gaz total consommé dans le réseau, soit 30 TWh. « Avec l’apport des agriculteurs, nous pourrions tripler cet objectif », estime Christophe Bellet, tout en rappelant que le biométhane coûte actuellement cinq fois plus cher à produire que le gaz naturel. « Les trajectoires tendent vers un convergence des couts », prévoit-il.

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