Alors qu’Élisabeth Borne les considère à la fois sources de nouveaux risques mais aussi opportunités d’accès à de nouveaux marchés pour les PME, les débats sur l’impact des plateformes d’intermédiation dans le transport routier de marchandises tournent souvent à un conflit de générations.
L’atelier « Anticiper l’évolution des métiers et des compétences » lors du 17e congrès de l’OTRE n’y a pas échappé. D’un côté, Albert Meige, à peine la trentaine et P-dg de Presans, annonce, avec aplomb, la fin des organisations actuelles dans le transport routier. « La stratégie des acteurs numériques est d’analyser les chaînes de valeur, de capturer la relation client et les marges associées ». D’autres avancent selon une logique de plateforme collaborative dont ils guident le cap tout en retirant les bénéfices d’innovations développées par d’autres ; cas par exemple des « stores » proposés par Apple ou des plateformes créées par Tesla ou General Electric (Predix).
Il est probable que ce scénario se réalise à terme dans le transport routier. L’accélérateur de ce mouvement appartient sans doute aux chargeurs et aux nouvelles générations d’acheteurs et/ou responsables transport au sein de ces derniers. Ces plateformes ne fonctionnent en effet qu’à la condition qu’il y ait une demande…et une offre. « Nous appelons les transporteurs à ne pas adhérer à ces plateformes au risque de perdre la maîtrise de la relation client, des prix et de la valeur générée », met d’ailleurs en garde Jean-Marc Rivera, secrétaire général de l’OTRE. De bon sens, cet appel retardera au mieux la transition en cours au regard de la concentration des acteurs du transport et de l’augmentation de la sous-traitance qui en découle.
Placé sous le thème « PME du transport routier : innover ou mourir », le congrès de l’OTRE n’a pas caché les risques qui pèsent sur la profession. Le transport sans valeur ajoutée ou banalisé échappe déjà pour une grande part aux PME et TPE du secteur. Les plateformes d’intermédiation accentueront ce constat. À l’inverse, la prestation avec valeur ajoutée et de proximité permettant de se démarquer et de défendre ses marges a toujours de l’avenir.
En parallèle, les compétences et qualifications des personnels doivent évoluer. À l’image de très grands groupes de transport qui créent leurs propres start-up, les PME et TPE doivent revoir leur recrutement avec des bagages numériques plus importants pour maîtriser leur essor et non le subir. Le défi est de recréer des chaînes de valeur où les plateformes d’intermédiation ne peuvent se positionner comme, par exemple, la garantie de flotte et de camions, la proximité, l’expertise et les qualifications concrétisées par la fourniture de services innovants.
Dans une profession structurée comme l’est le transport routier de marchandises, les outils de formation ont un rôle majeur à jouer pour accompagner cette transition selon Raphaëlle Franklin. Pour la directrice générale de l’OPCA Transports et Services, « notre responsabilité est de préparer nos métiers à ces changements, et de renforcer l’employabilité de nos personnels ». Une remise en question de longue haleine à engager sans tarder reconnaît-elle. D’autant que « cette transformation ne se limite pas aux seules compétences et qualifications » selon Emmanuelle Barbara, avocate au sein du cabinet August & Debouzy. Elle concerne aussi « les organisations hiérarchiques et de travail à l’heure où plus de 80 % des recrutements sont effectués aujourd’hui en CDD selon une logique de contrats de projet à durée limitée »…