Le TRM se projette sur le monde d’après

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Véhicules autonomes, blockchain, digitalisation, transition énergétique : le dernier congrès de la FNTR, qui s’est tenu à Issy-Les-Moulineaux (92), le 10 octobre, a convié ses participants à se projeter sur « l’autre monde », au travers d’échanges et d’interventions riches en contenus. En clôture du congrès, la ministre des Transports, Élisabeth Borne, est venue dire qu’il n’y aura pas de revival de l’écotaxe mais elle n’a pas « fermé la porte » à une fiscalité camion qui irait au financement des infrastructures.

« Un autre monde » ! La chanson culte de l’ex-groupe de rock Téléphone a raisonné tout au long de la journée dans l’enceinte du palais des congrès d’Issy-les-Moulineaux. « Un autre monde où la terre serait ronde et la vie serait féconde »… Le sera-t-elle vraiment pour les transporteurs d’aujourd’hui et de demain ? Et la planète TRM tournera-t-elle rond pour les acteurs de ce secteur au cœur de mutations gigantesques, de toutes sortes, réglementaires (le Paquet mobilité européen), technologiques (blockchain, digitalisation, véhicules autonomes), environnementales (transition énergétique). De tous ces thèmes, il a été question au cours de ce 72e congrès de la FNTR présenté sous le slogan « Un autre monde# ».

En préalable aux interventions sur le transport du monde d’après, Alain Gamba (Transports Gamba-Rota – 10) est venu témoigner à la tribune de la place du TRM dans les territoires, au cœur des flux du quotidien, et « pilier d’une économie forte ». Le transporteur troyen a mis en avant une prestation qu’il développe avec une grande enseigne de luxe au moyen d’un véhicule au gaz qui permet « d’éviter les émissions de 80 livraisons au diesel dans Paris intra-muros ». Alain Gamba a exhorté ses confrères à relever la tête, face à leurs clients, devant les pouvoirs publics et face aux médias. Un passage obligé pour qui veut continuer d’exercer le métier dans le monde d’après, l’« autre monde ». « On est un mal nécessaire ; on doit devenir un besoin économique reconnu », a lancé le transporteur qui estime, par ailleurs, que la profession va continuer de subir de nouvelles taxes. Une prédiction partagée par François Asselin : « Ne vous faites pas d’illusions, la migration de la fiscalité du gazole vers le gaz aura lieu, a déclaré le patron de la CPME. De toutes les façons, on aura toujours besoin de camions. Ce mode de transport sera de plus en plus vertueux ».

Pénurie et vi autonomes

Dans ce monde en perpétuelles mutations, de nouveaux acteurs industriels ou distributeurs émergent, qui font bouger (exploser ?) les lignes, notamment dans la relation avec les transporteurs. Jean-Luc Bres le vit tous les jours. Ce transporteur de Montélimar travaille avec Amazon, l’une de ces GAFA (Google, Amazon, Facebook, Apple) qui lui fait dire, qu’avec elle, « on n’est pas dans un autre monde mais dans un nouveau monde. Cela va à une vitesse folle ; ils ont une idée à la minute ». Jean-Luc Bres le vérifie tous les jours : « nous travaillons avec des gens qui sont animés d’une seule obsession : la satisfaction du client ». Seule ombre au tableau : les GAFA ont la main un peu trop proche du porte-monnaie.

Laurent Grégoire (section logistique et supply chain au ministère de l’Économie) est, lui, venu dire aux congressistes que l’économie circulaire est en plein boom, qu’elle « va apporter aux transporteurs de nouveaux flux en provenance du consommateur ». Des flux qui seront — un jour — transportés par des véhicules autonomes ? Florence Berthelot a cité à l’assistance une étude récente selon laquelle « le VI autonome va réduire les coûts de l’entreprise de 20 % ». Scénario catastrophe ? La pénurie actuelle de conducteurs ne sera pas réglée dans les prochaines années, a déclaré la déléguée générale de la FNTR. « À l’horizon 2030, on estime à 6,3 millions le besoin en conducteurs qu’auront l’Europe et les USA. Mais on n’en comptera que 5,8 millions ». Selon Florence Berthelot, l’adoption de véhicules autonomes agira favorablement sur le levier de la pénurie de conducteurs mais, à l’inverse, elle sera synonyme de destruction massive d’emplois (2,3 millions à l’horizon 2040 en Europe et aux USA).

« Pas de complexes »

La digitalisation de l’économie est en marche. Dans le transport, elle s’exprime surtout au travers de l’avènement des plateformes d’intermédiation (entre chargeurs et transporteurs) qui ont fleuri ces derniers mois. « Ce sont à la fois des menaces et des opportunités. Ce phénomène peut tirer les prix vers le bas et faire émerger des prédateurs », pense François Poupard, directeur général de la DGITM (direction générale des infrastructures, des transports et de la mer). Le législateur est encore « à la remorque » du phénomène, au grand désespoir de certains dirigeants du TRM et des… bourses de fret. François Poupard pense que, comme il l’a fait dans le transport de voyageurs avec Uber, l’État devrait s’emparer du sujet pour poser un cadre réglementaire. « Le TRM ne doit pas faire de complexes d’infériorité ».

La digitalisation peut être un chantier interne également. Chez Heppner, on a débloqué une enveloppe de 20 M€ pour mettre l’entreprise sur les rails. Chez Gégé, la nouvelle marque de Vir transport, c’est également une réalité. La société de transport de meubles encombrants en B2C a mis en service l’an dernier une nouvelle application qui lui permet de tenir des délais en H + 2, dès la prise de commandes en magasin ou sur le site de Gégé. « Nous menons une digitalisation dans les règles de l’art et le respect de la réglementation transport », a indiqué Jeremy Cohen-Boulakia, le jeune dirigeant de l’entreprise parisienne.

C’est un fait, la numérisation des process est inéluctable, elle touche et va s’étendre encore à l’ensemble de la chaîne économique ; l’échange de données, avec la part d’inquiétudes qu’elle peut véhiculer chez les dirigeants d’entreprises, en constituera l’un des ressorts. La blockchain — mot à la mode — figurera au cœur des systèmes d’échanges tous azimuts. « On est encore sur des logiques d’échange de données faibles », selon Stéphane Cren, responsable innovation internet physique appliqué à la supply chain chez GS1 France. « La lettre de voiture électronique constitue un enjeu majeur pour l’avenir du TRM, notamment dans le cadre de la blockchain », a ajouté Jean-Christophe Pic, le président de la FNTR. Tout comme le GNV.

Selon Didier Saussier (GRDF), on compterait 150 stations de gaz en service aujourd’hui. On en dénombrera plus de 250 en 2020. Le gaz, carburant champion de demain ? Ils sont nombreux déjà les transporteurs à ouvrir leur parc à cette énergie nouvelle. À l’instar de Jean-Claude Barcos (65) venu dire à la tribune que « les conducteurs se le sont approprié (le biogaz, Ndlr) » et qu’« ils ont tellement peur de tomber en panne qu’ils lèvent le pied ». Pour autant, « le diesel va demeurer une énergie dominante encore de nombreuses années », croit savoir Thierry Carbonnel (Renault Trucks).

En clôture du congrès, Jean-Christophe Pic a insisté sur l’émergence d’un « autre monde, pas d’un nouveau monde qui est déjà là ».

Pas de hausse dans la fiscalité gazole

Dans son discours de clôture, Jean-Christophe Pic a déclaré à Élisabeth Borne que « le TRM attend de l’État qu’il lui permette d’exercer sa compétitivité dans des conditions normales ». Se voulant rassurante, la ministre des Transports lui a répondu que « le transport routier de marchandises représente un maillon primordial de la chaîne logistique ». Le spectre d’un retour de l’écotaxe a resurgi ces derniers mois. Les fédérations professionnelles du TRM ont parlé, à cette occasion, de « ligne rouge ». Jean-Christophe Pic l’a rappelé à la ministre. Laquelle a assuré que les pouvoirs publics ne renouvelleront pas les erreurs du passé. Pour autant, il faudra bien trouver 10 Md€ pour le financement des infrastructures dans les 5 prochaines années. Le TRM devra prendre sa part, a laissé entendre la ministre sans le dire ouvertement… Au rayon des bonnes nouvelles, la ministre a annoncé que le TRM échappera aux hausses prochaines de la fiscalité gazole. Élisabeth Borne a rappelé, au sujet de la directive détachement actuellement en discussion à Bruxelles, qu’« un travailleur détaché sur notre territoire doit travailler aux conditions françaises ». La ministre a ajouté que « le cabotage ne doit pas devenir un mode ordinaire de transport ». À Jean-Christophe Pic qui l’interpellait sur la nécessité de poser un cadre réglementaire aux VUL, elle a fait part de son « accord sur la nécessité de l’encadrer ». Une mission parlementaire doit être lancée dans les prochains jours. « Tous ensemble, nous sommes en train de construire un autre monde », a conclu Élisabeth Borne.

S. B.

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