C’est peu de dire que le chantier de la circulation automobile dans Paris se lit au sens propre comme… au figuré. Quel vaste « chantier » en effet ! La perspective des JO 2024, enfin obtenus, ne fait pas avaler toutes les pilules. Les difficultés de circulation, de stationnement, de livraison… prennent un mauvais tour. Pour la bonne cause ? La Ville de Paris a, certes, l’ambitieux projet de devenir une immense Zone 30, sur 85 % de sa superficie en 2020 (elle sera au menu du Conseil de Paris les 25 et 26 septembre), avec des pistes cyclables partout, qui seront désertées aux premiers frimas. Mais le problème est que la transformation de la voirie parisienne, en plus de créer des encombrements intra-muros, impacte la petite couronne dans des proportions sous-estimées. Un pool de transporteurs d’Île-de-France a évalué ce temps supplémentaire de 15 à 30 minutes par camion et par tournée, depuis le début des grands travaux en 2015. Voilà qui change un plan de transport et son économie ! Sans parler du spleen des conducteurs, qui apprécient peu la circulation au goût de bouchon. Or, les professionnels ont beau pester, râler, vitupérer contre, rouspéter… rien n’y changera. Les cœurs de villes et grandes agglomérations (Paris, Lyon, Lille, Toulouse…) deviennent des zones très contraintes, voire impraticables, pour les véhicules lourds. C’est avéré pour des motifs physique et géographique. Et ça l’est encore davantage pour des raisons économiques. Ce qui déroutera ou fera fuir des villes les transporteurs (les « officiels », montrant une attestation de capacité, inscrits au registre des transporteurs), ce n’est pas le Code de la route, si contraignant soit-il, c’est la concurrence du quidam, de l’anonyme, du sous-traitant sans nom. À ce titre, il est intéressant de relire l’étude du commissariat général au développement durable. Elle souligne la montée en puissance du transport léger, le parc étant passé de 45 000 à 64 000 VUL entre 1995 et 2013. Cette croissance est tirée à 80 % par le milieu urbain. En matière de transport de fret, en B2B ou B2C, les agglomérations sont le lieu d’économies obscures et de pratiques ayant peu en commun avec l’activité interurbaine. C’est peut-être cette voie que les élus des grandes villes veulent privilégier. Mais qu’ils n’oublient pas que la fourgonnette de 20 m3 n’est pas le standard capable de tout absorber, à vil prix et sans nuisances.
Éditorial