Dans l’économie réelle, loin des hypothétiques résultats imaginés sur des gains fantasmés, le prix affiché tient forcément compte du coût de revient du produit (ou du service) vendu. Dans le transport routier, la structure des coûts de revient, en fonction des matériels utilisés et des charges d’exploitation, n’a rien de secret. Depuis des lustres, les frais de personnel (salaires, frais et charges) et le gazole sont les deux premières composantes. Or c’est en passe de prendre une autre tournure. La dernière étude du CNR, en date du 31 août, en dit long sur l’évolution du prix du gazole. Entre 2012 et 2016, sur longue distance 40 tonnes, la part gazole a chuté de 28,5 % à 20 % (puis remonté à 23 % en 2017). Elle a reculé de 28 % à 21 % en régional 40 tonnes. En donnant cet éclairage, l’étude du CNR, dont on applaudira jamais assez la qualité des travaux et le rôle pédagogique, met en exergue un carburant devenu bon marché, en repli en proportion du prix du pétrole brut et du baril (moins de 50 dollars). À l’inverse, le poste « personnel » avoisine les 30 % (soit 37 % avec les frais de déplacement), menacé d’inflation. Au regard de la pénurie des personnels, et pas seulement des conducteurs, il y a fort à parier que ces coûts vont grimper et modifier la structure des prix de revient. Peu d’entreprises échappent aux difficultés de recrutement et au manque de main-d’œuvre disponible. Beaucoup mezza voce redoutent des surenchères salariales et la pratique d’un « mercato », sous forme de primes à l’embauche, de tensions, dont on connaît les effets déstabilisants. Au début septembre, les professionnels de la logistique du froid, dont l’UNTF, ont tiré la sonnette d’alarme. Ils ne parviennent pas à pourvoir à tous leurs besoins de recrutement, disent-ils. Des milliers d’emplois sont à prendre, avec ou sans qualification. Le message est clair. Il pourrait faire leitmotiv dans le vrac ou le lot. Dans ce contexte, le conducteur fait l’objet de toutes les convoitises. Comment susciter les vocations chez les jeunes et moins jeunes ? Comment donner envie de passer le permis PL ? Comment dessiner une perspective à ce métier ? Ce n’est pas le camion 100 % autonome, encore loin d’être autorisé sur les voies publiques, qui réglera le problème. Plutôt que de vanter la prouesse technologique, il sera plus judicieux d’en expliquer les effets sur le métier et son devenir.
Éditorial