Jean Schmitt qui dirige le Groupe Heppner dont le siège social est à Strasbourg appartient à la troisième génération des transporteurs qui dirigent l'entreprise depuis 1925.
C'est en effet la date à laquelle deux frères, Jean et Nicolas Schmitt, ont racheté le fonds de commerce appartenant à Jules Heppner qui exerçait le métier de déménageur comme en témoignent des clichés de l'époque. Il avait lui-même fondé son entreprise au lendemain de la guerre de 1870, ce qui fait sans doute du Groupe Heppner l'une des plus anciennes entreprises de transport en France. Notamment, pour ce qui concerne les activités à l'international puisque c'est en 1931qu'a été inaugurée la première filiale du groupe, à Kehl, en Allemagne. Depuis, l'eau du Rhin a coulé sous les ponts...
Avec un chiffre d'affaires de 1,92 Mdf réalisé l'an dernier, Heppner est, depuis de nombreuses années, la première entreprise de transport d'Alsace. Par ailleurs, le groupe se classait au 15e rang dans le palmarès des principales entreprises de transport réalisé en 1999 par l'Officiel des Transporteurs, talonnant Jet Services et devançant de peu les Transports Graveleau.
A la différence de ces deux entreprises, passées, pour la première, sous la coupe du néerlandais TPG, et sous la bannière de l'allemand Dachser pour la seconde, le Groupe Heppner a réussi à conserver jalousement son indépendance et c'est sans doute sa première singularité. En effet, si l'on analyse attentivement ce même classement, parmi les vingt premières entreprises de transport répertoriées, on constate que 12 d'entre elles ont été rachetées par des groupes de transport étrangers et qu'hormis les Groupes Giraud, Dentressangle, Charles André et Heppner, qui ont conservé tout ou partie du capital familial, les autres sont passées sous le contrôle de groupes financiers. De plus, par rapport aux trois entreprises précédemment citées et qui ont des activités essentiellement routières, le Groupe Heppner reste le seul opérateur multimodal indépendant et à capitaux propres depuis la reprise des Transports Dubois par ABX.
Depuis sa création, Heppner, exerce en effet des activités de commissionnaire de transport. Elles se déclinent sur une palette de cinq métiers : la messagerie nationale, la messagerie européenne, l'affrètement, les prestations logistiques et la gestion de flux Overseas, activités pour lesquelles le transporteur ne dispose d'aucuns moyens propres ce qui est à la base de sa stratégie comme l'explique Jean Schmitt.
« Nous sommes des commissionnaires : nous vendons du transport et nous l'organisons. Nous ne savons pas gérer une flotte de véhicules. Cela n'a jamais été notre métier. Par ailleurs, s'il nous fallait effectuer nos transports routiers avec des moyens propres, il nous faudrait, ipso facto, recruter près d'un millier de conducteurs...
Depuis toujours, nous travaillons avec des artisans et notre collaboration s'inscrit dans la durée car les vrais transporteurs ont une grande honnêteté de comportement. Certains sont nos partenaires depuis près de 40 ans. Quant à nous, nous n'avons pas d'instinct prédateur. Nous n'envisagerions des reprises que si elles devenaient nécessaires pour garantir notre fonctionnement ».
A l'évidence, le transporteur préfère investir ailleurs plutôt que dans des rachats ou dans du matériel, à l'exception des remorques et 500 caisses mobiles qu'il utilise dans ses trafics bilatéraux avec ses correspondants allemands et des véhicules pris en location pour assurer la distribution finale. Quant à la stratégie de développement à proprement parler, elle est étroitement imbriquée à l'Histoire.
En fait, ce sont plusieurs lignes stratégiques qui ont guidé le développement du Groupe Heppner au cours de ses 75 années d'existence. Mais elles ont été constantes et n'ont fait que s'adapter au fil du temps, sans rupture.
Tout d'abord, l'entreprise s'est forgée une image internationale et n'a cessé de la confirmer. Entre l'ouverture de la première agence à Kehl en 1931, et l'adhésion au réseau mondial d'Hellmann, 60 ans plus tard, le groupe a d'abord renforcé ses positions en Allemagne, puis dans les autres pays de l'Union européenne.
« La même démarche a été accomplie sur le marché français, souligne Jean Schmitt, et nous avons procédé à un développement par régions successives ». Après avoir établi la liaison Strasbourg/Paris, dans un premier temps, l'entreprise s'est consolidée dans l'Est de la France. « Mais nous avons pris conscience que si nous limitions nos activités à cette région, nous serions voués, à terme, à devenir les sous-traitants d'entreprises plus importantes que la notre. »
Démarre, alors une politique de croissance externe qui n'est pas en contradiction avec la politique générale de l'entreprise, au contraire. « Pour être présent sur le marché européen qui est notre core-business, affirme Jean-Claude Stumpf, directeur des trafics internationaux, il était indispensable d'avoir un réseau de messagerie nationale solide. C'est l'outil de production et il doit être fiable ». Trois rachats successifs, permettront au Groupe Heppner de couvrir près de 80 % du territoire national. « A partir du moment où nous étions présents dans les plus grandes villes de France, explique Jean Schmitt, cela nous permettait de contrôler directement toutes les phases importantes de la distribution, un réseau capillaire de distributeurs régionaux permettant d'assurer parfaitement les opérations terminales ». Une stratégie également conforme aux choix retenus en matière d'investissements.
En Allemagne, le développement se fera symétriquement car l'objectif était de devenir le spécialiste reconnu sur cette relation. D'abord, par croissance interne. Heppner implantera huit filiales dans les régions du sud de l'Allemagne mais, par la suite, le groupe va changer d'orientation en raison de la configuration du pays.
Comme la politique, l'économie allemande fonctionne essentiellement sur le système des Länder (les régions allemandes). Ainsi qu'il l'a fait en France, pour desservir l'Ouest d'où il était absent, en s'appuyant sur des partenaires particulièrement bien implantés - en l'occurrence STG et Joyau - Heppner va également rechercher des correspondants en fixant son choix sur des entreprises « à philosophie et à structure identiques ». « Nous en avons actuellement 17, souligne Jean Schmitt. Ce sont des entreprises qui sont leaders sur leur marché dans leurs régions respectives. Des entreprises moyennes pour la plupart, qui disposent de capitaux familiaux et qui surtout, ont une vision de pérennité ». En outre, selon Jean Schmitt, « il s'avère que les décisions stratégiques sont plus faciles à prendre dans des entités de taille moyenne et que celles-ci ont de plus grandes capacité d'innovation que les grands groupes ». Il en veut pour preuve le système DPD dont il a été l'un des initiateurs lors de sa transposition en France. En conséquence, cette même stratégie, par la suite a été développée dans tous les pays européens jusqu'à l'adhésion au réseau Hellmann, en 1990, qui permettra au groupe Heppner d'avoir une ouverture mondiale.
Parallèlement, enfin, Heppner a développé une stratégie de produits. Pour Jean Schmitt, « la croissance ne se fait pas sur les outils mais sur l'accompagnement des clients ». C'est sur cette philosophie que s'est constituée la palette de services proposés. Autour de la messagerie nationale, puis de la messagerie européenne avec, notamment, le DPD et, aujourd'hui, System Plus, la gamme de produits s'est élargie pour être la plus complète possible car aucun des besoins de la clientèle n'est véritablement comparable. « Sous la contrainte des coûts, explique Jean Schmitt, la profession a eu tendance à banaliser ses prestations. C'est sans doute une erreur. On ne traite pas la hi-fi comme des sacs de farine... ».
C'est dans cette logique, après la messagerie nationale, puis européenne, qu'Heppner a été conduit à s'intéresser à la logistique. « Mais dans ce domaine également, les besoins de nos clients sont extrêmement différents. Afin de nous concentrer sur la gestion de la chaîne logistique et ses systèmes d'information, nous externalisons certaines opérations auprès de partenaires spécialisés ce qui, parallèlement, permet d'offrir à nos clients une palette de prestations extrêmement large. »
Dans cet esprit d'offre globale, l'an dernier, le Groupe Heppner a procédé à la mise en place une nouvelle organisation commerciale qu'explique Pierre Enderlé. « Dans notre culture, les responsables locaux ont une grande autonomie, y compris la responsabilité commerciale. Mais, en 2000, nous avons décidé de créer une direction commerciale Groupe, employant deux personnes, parce que nous nous sommes aperçus que le métier devenait de plus en plus fin et la demande de plus en plus qualitative, tous métiers confondus. C'est une vraie valeur ajoutée que de pouvoir répondre le plus clairement possible et le plus complètement possible à nos clients. En conséquence, cette fonction devait être exercée au niveau du groupe ».
« Le marché européen sur lequel nous évoluons depuis très longtemps reste notre core-business, enchaîne Jean-Claude Stumpf. Jusqu'ici nous n'avions pas eu tendance à « booster » le marché domestique, mais c'est en train de changer car les nouveaux produits que nous proposons bénéficient d'un taux de progression important. Ils représentent pour l'entreprise une opportunité de développement ».
« Pour le moment, poursuit Jean Schmitt, grâce à ce dispositif, nous disposons d'une croissance interne satisfaisante. Elle repose sur une excellente couverture territoriale fondée sur une culture de réseau. La politique du groupe consiste actuellement à investir dans l'amélioration des prestations tout en maîtrisant notre croissance. Par ailleurs, nous sommes constamment à la recherche de la meilleure rentabilité », poursuit Jean Schmitt.
« En raison de la très forte pression qui s'est exercée sur les prix au cours des cinq dernières années, nos marges ont été limées et nous n'avons pas encore reconstitué nos réserves pour pourvoir faire d'autres investissements. Néanmoins, à la fin de l'an dernier, hors DPD, notre progression a été de 14 %. Nous avons ainsi pu rattraper le chiffre d'affaires que nous réalisions avec le DPD ». Le Groupe Heppner est donc entré dans une phase de consolidation, confiant dans sa stabilité retrouvée et sans états d'âmes. « Nous n'avons pas de problème de taille critique... », conclut Jean Schmitt.
Chiffre d'affaires : 1,9 MdF
Salariés : 1 800
Sites d'exploitation (en Europe) : 55
Nombre de partenaire (en Europe) : 60
Surface d'entreposage (en m2) : 200 000