Obtenir des pouvoirs publics une reconnaissance de sa représentativité au plan régional et national, c'est ce qu'attendait l'Organisation des transporteurs routiers européens (OTRE) de son premier congrès tenu le 3 février à Carcassonne. « Avec 2 300 entreprises, nous avons davantage de membres que d'autres organisations professionnelles », arguait le président Jean-Pierre Morlin devant les 550 participants. Une requête qui s'est heurtée à l'attitude attentiste de l'administration. Dans un bel ensemble, celle-ci a en effet boudé la manifestation. Les fauteuils réservés au ministre des Transports, au directeur des transports terrestres Hubert Du Mesnil et au sous-directeur Bernard Fournier sont restés ostensiblement inoccupés. Quant aux représentants régionaux de l'Etat, ils auraient décliné l'invitation sur instruction ministérielle, soutient l'OTRE. Autant d'absences vertement déplorées par Jean-Pierre Morlin : « Nous ne pouvons accepter une attitude discriminatoire du ministère dans le choix des partenaires sociaux ». Dans les jours à venir, l'organisation sollicitera donc un nouveau rendez-vous auprès de Jean-Claude Gayssot. Une entrevue qu'elle demande en vain depuis sa création en octobre 2000. L'issue de cette démarche déterminera sa politique à l'égard des pouvoirs publics. « Trois voies existent pour se faire entendre : celle, naturelle, du dialogue ; l'action judiciaire qui pourrait remettre en cause des décisions françaises devant les tribunaux ou encore l'action sur le terrain », a averti le dirigeant aquitain.
Au sein de la représentation professionnelle, l'attentisme prévaut également. La présence du président de Promotrans, du délégué général de l'Association française des transporteurs routiers internationaux et de représentants de l'Unostra était saluée. En revanche, la défection des présidents Prolongeau, Berthod et Voiron aux titres respectifs de l'AFT-IFTIM, de l'OPCA Transports et de la Carcept donnait lieu à des commentaires acerbes. « Ces organismes n'existent-ils que pour encaisser les cotisations ? Sommes-nous des parias ? », lançait le président devant la série de chaises vides. Mezza voce, ces défections étaient mises sur le compte de pressions exercées par la Fédération nationale des transports routiers (FNTR). Trois mois après sa création par 14 syndicats départementaux exclus de cette fédération, l'OTRE assure pourtant vouloir tourner la page. « Nous demandons juste à pouvoir travailler sans que l'on nous mette des bâtons dans les roues », soutient Gérard Médard, secrétaire de l'Union départementale du Tarn-et-Garonne.
Faute d'entrer par la grande porte dans le syndicalisme patronal, l'organisation s'essaie aujourd'hui à emprunter les chemins de traverse. « Toutes les pistes susceptibles de nous consacrer comme partenaires sociaux seront étudiées » indique Gérard Mouchard, secrétaire du groupement béarnais. Ainsi, les représentants aquitains de l'OTRE au sein de la commission régionale pour l'emploi et la formation sollicitent leur participation à la commission nationale. Si son intégration à l'Union des Fédérations de Transport n'est pas demandée, l'organisation ne rejette pas l'idée de constituer « individuellement ou avec d'autres » un deuxième pôle social. Une invite non déguisée à l'adresse de l'Unostra.
Reste que le champ d'action de l'OTRE se cantonne encore au grand-Sud, région où elle affirme rassembler la moitié des entreprises de transport. La mise en place de structures au nord de la Loire ne s'est pas concrétisée. « Nous n'avons pas gagné de nouvelle représentation départementale, mais nous n'en avons pas perdu », se félicite un responsable. « Des syndicats FNTR réfléchissent à nous rejoindre », affirme un autre. De fait, seul le Lot-et- Garonne est passé à l'acte en novembre. Cette source tarie, l'organisation n'a plus d'autre choix que la création de groupements : « Dès qu'un petit noyau de professionnels se manifestera, nous lancerons la machine ». Le dépôt de bilan du messager Grimaud aurait suscité des contacts dans l'Eure, le Finistère, les Deux-Sèvres, les Hautes- Pyrénées et la région parisienne.
L'Organisation des transporteurs routiers européens a été créée le 4 octobre dernier par 14 des 17 syndicats départementaux exclus de la Fédération nationale des transports routiers au lendemain du conflit sur le gazole. Le Lot et Garonne a rejoint le mouvement en novembre. La présidence des groupements est confiée à : á Union régionale (Bordeaux): Jean-Pierre Morlin á Alpes-de Haute-Provence et Hautes-Alpes (Toulon): Paul Roux, Michel Gauthier á Ariège (Pamiers): Robert Innocent á Aude (Carcassonne): André Vidal á Aveyron (Onet-le-Château): Eliane Galtier á Dordogne (Notre-Dame-de-Sanilhac): Paul Gauthier á Haute-Garonne (Toulouse): Michel Berges á Landes (Mont de Marsan): André Lafitte á Bayonne-Pays basque (Bayonne): Philippe Lapègue á Béarn (Pau): Hilaire Laporte á Tarn (Albi): Charles Peyre á Tarn-et-Garonne (Montauban): Patrick Leveque á Var (Toulon): Jean-Pierre Ducourneau á Lot et Garonne (Agen): Patrick Guery
Lors de son 1er congrès, l'Organisation des transporteurs routiers européens a exprimé une série de revendications à l'adresse des pouvoirs publics. Elles portent sur :
-> la mise en place d'un « vrai carburant professionnel européen ». Dans cette attente, des correctifs devront être apportés au dispositif d'allégement fiscal sur le gazole dans le sens d'une simplification. Pour les véhicules acquis en cours d'année, la remise fiscale devra s'effectuer au prorata temporis de leur utilisation ;
-> la révision de la condition d'honorabilité car « nous n'acceptons pas que nos adhérents soient radiés pour des infractions qu'ils ne maîtrisent pas ». Au besoin, cette disposition fera l'objet d'une procédure devant les tribunaux européens, indique l'OTRE.
-> le remboursement de taxe intérieure sur les produits pétroliers pour les entreprises de transports légers : « les « moins de 3,5t » ont obtenu une reconnaissance au plan professionnel. Nous ne voulons pas que la pratique tue l'idée » ;
-> la parution « immédiate » d'un règlement social européen « simple, réaliste, contrôlable et applicable à tous » ;
-> une meilleure application des règles de concurrence : « Pourquoi deux langages des pouvoirs publics français, l'un vertueux ; l'autre permettant toutes les dérives ? Il faut mettre fin aux pratiques à la Willi Betz dont les conséquences sur le pavillon français sont considérables. Par ailleurs, il est inacceptable que la restructuration de la messagerie se fasse sur le dos des pme françaises ».
-> le développement de la formation professionnelle par le biais du tutorat ;
-> des solutions « incitatives » à l'utilisation des autoroutes, ainsi que des réponses « satisfaisantes et durables » pour la gestion des contrôles techniques ;
-> un allégement de taxe professionnelle par le plafonnement de la valeur ajoutée avec un taux spécifique pour les transporteurs.