Renault mondialise la CAT

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Le constructeur d'automobiles Renault a autorisé, fin janvier, sa filiale transport, la CAT, à annoncer sa prochaine mise en vente. L'opération serait réalisée au profit d'un consortium d'entreprises européennes toutes spécialisées dans le transport de voitures ou la logistique des pièces détachées automobiles. Elle est menée dans un contexte concurrentiel difficile pour les quelques pme françaises qui travaillent pour le compte de la CAT ou de Gefco : prix à la baisse, concurrence européenne acharnée.

Filiale à 100 % du constructeur automobile Renault, la Compagnie d'Affrètement et de Transport (CAT) devrait bientôt être vendue à un groupe d'acheteurs réunis au sein d'Albateam, une société de droit français créée pour l'occasion. Albateam n'est pas encore née. Mais la CAT annonce déjà que son capital sera réparti entre Renault, pour 20 % des parts, et Autologic, TNT Logistics ainsi que Wallenius pour le reste. Quatre partenaires qui ambitionnent de créer ainsi un des premiers spécialistes mondiaux du transport et de la préparation de voitures neuves.

En 1999, la CAT a réalisé un chiffre d'affaires consolidé de 1,102 milliard d'euros (7,229 milliards de francs), dont 722 millions d'euros en transport et logistique automobile (activité bénéficiaire) et 380 millions en affrètement national et international (déficitaire) pour l'acheminement de pièces détachées et les flux inter-usines du groupe Renault. Ces derniers sont réalisés en France par des transporteurs routiers membres du « club des dix » (parmi lesquels figurent des filiales du groupe Giraud ou encore Mendy, filiale de TNT Logistics depuis février 2000).

Dans l'Hexagone, la CAT contrôle une agence maritime Comatran, un opérateur maritime SGAN, qui gère une liaison ro-ro entre la France et l'Espagne, ainsi qu'un manutentionnaire portuaire, la Société d'Exploitation du Terminal Havrais. En Europe, la CAT dispose de filiales de transport routier et logistique automobile pour l'Allemagne, l'Autriche/Suisse, le Benelux, l'Espagne, la Grande-Bretagne, l'Italie, la Pologne, le Portugal, la Slovénie. Elle réalise également 281 millions de francs de chiffre d'affaires avec des sociétés en Argentine, Brésil, Mexique.

Son rachat clôt des négociations entamées début 2000 à l'initiative du groupe Renault. Le constructeur veut se séparer de sa filiale transport pour mieux lui permettre de se développer au niveau mondial. C'est pourquoi d'autres candidatures de reprise, comme celle de la STVA, filiale de transport d'automobiles de la SNCF, auraient été refusées. Le montage d'Albateam permet aussi à Renault de valoriser au mieux la vente. En France, la CAT ne se reconnait qu'un seul concurrent équivalent: Gefco. Cette filiale du groupe Peugeot SA pèse 4,5 milliards de francs de chiffre d'affaires en transport et logistique pour l'automobile. Elle dispose même, contrairement à la CAT, d'environ 200 ensembles routiers porte voitures. Le reste de son activité de 11,5 milliards de francs en 1999 est exercé en messagerie ou en location de véhicules industriels. Chez Gefco, aucun commentaire n'est fait officiellement sur la vente de CAT. Celle-ci ne sera probablement pas effective avant juin, voire septembre, le temps d'informer actionnaires et partenaires sociaux des différents protagonistes, ainsi que d'obtenir le feu vert des autorités européennes de la concurrence.

Loi du silence.

Information et transparence : deux termes tabous dans le milieu quasi paranoïaque de l'industrie automobile. Au point que salariés comme fournisseurs de la CAT en ont appris la vente par la voie des communiqués officiels publiés dans la presse. La petite quinzaine de pme françaises spécialisées, avec 40 à 100 porte-voitures chacune, ne s'alarme pourtant pas. En revanche, les dirigeants préfèrent garder l'anonymat, par peur des représailles commerciales de la CAT ou de Gefco. C'est que les deux affréteurs assurent l'essentiel de l'activité de ces entreprises, par l'intermédiaire de contrats non écrits d'une durée de un à trois ans. Ils sont volontiers comparés, dans leur comportement d'acheteurs, à la grande distribution. Pour obtenir 3 à 4 % d'augmentation annuelle de tarif, les transporteurs doivent se battre. Certains affirment que leurs tarifs n'ont pas évolué d'un centime depuis sept ou huit ans. Côté fournisseurs, ils sont aussi contraints par le quasi monopole du carrossier constructeur strasbourgeois Lohr. Neuf, un ensemble porte-voitures Euro-Lohr représenterait un investissement de 1,1 million de francs, dont les deux tiers pour la carrosserie. Dans ces conditions, pour préserver leurs marges sans devenir hors-la-loi, les pme sont condamnées à trouver toujours plus de gains de productivité: diversification de la clientèle vers les négociants de véhicules d'occasion ou les mandataires ; mise en place de relais de conducteurs permettant de faire tourner les véhicules 22h/24 ; conception de carrosseries réalisées par des artisans afin de transporter ne serait-ce qu'un véhicule de plus que le concurrent...

L'accès au marché de la préparation des véhicules neufs ou de leur stockage leur est interdit, de même que celui de la distribution vers les points de vente. Sur ces deux niches, la CAT et Gefco préservent leur territoire. Mais ils ne peuvent pas empêcher quelques groupes indépendants de travailler avec les importateurs de véhicules étrangers.

La référence Willi Betz.

C'est le cas d'Uniroute, branche routière de la STVA, elle même filiale de la SNCF, qui disposerait de 400 porte-voitures. TEA, filiale du groupe Charles-André, compterait 250 à 300 ensembles, mis à disposition de loueurs de véhicules et de l'importateur français des marques Fiat et Lancia. Axial, filiale du groupe britannique Tibbett and Britten, afficherait de son côté 500 à 600 porte-voitures pour transporter, en France, les produits d'une vingtaine de marques automobiles.

Avec des usines d'assemblage installées en Grande-Bretagne, en Espagne, voire dans les ex-Pays de l'Est, Peugeot SA et Renault génèrent des trafics internationaux également contrôlés par leurs filiales transport. A ce niveau, la guerre des prix fait rage. Gefco a essayé d'en tirer profit en 2000 en demandant d'abord à ses transporteurs espagnols de baisser leurs tarifs de 20 %. Ceux-ci ont accepté, quitte à pressurer un peu plus les artisans qui travaillent sous leurs couleurs. Dans la foulée, Gefco aurait lancé un appel d'offres européen sur la base des nouveaux tarifs espagnols. Un coup de force qui a échoué. Les affrétés français ont refusé. Les artisans espagnols ont résisté jusqu'à la violence avant d'obtenir partiellement gain de cause. Il n'empêche que « lorsqu'un ensemble porte-voitures français peut faire au maximum 3 000 km par semaine, un espagnol en fait 5 000 », affirme un chef d'entreprise, qui précise que la référence européenne du secteur reste le groupe allemand Willi Betz. Ce dernier confierait le volant de ses 270 portes-voitures installés à Strasbourg à des conducteurs des pays de l'est travaillant en double équipage, comme il le fait pour ses semi-remorques savoyardes ou frigo. Ses tarifs seraient de 30 % inférieurs à ceux de ses concurrents français, avec des véhicules circulant six jours sur sept et réalisant jusqu'à 6000 km par semaine. Il transporte ainsi les automobiles de DaimlerChrysler, BMW et même Renault puisque la CAT lui aurait confié des trafics. En revanche, la direction de Gefco, représentée au sein de l'organisation professionnelle TLF, refuserait de faire travailler Willi Betz. A chacun son mauvais démon...

Regroupement interdit ?

Au niveau européen, les transporteurs de voitures sont représentés par l'European Car-transport Group of interest (ECG), installée à Bruxelles. Toute entreprise de transport, de préparation ou de logistique automobile peut y adhérer. Son objectif est de représenter les professionnels du secteur auprès des instances communautaires, et de défendre leurs intérêts face aux constructeurs et importateurs de véhicules. Elle a pignon sur rue, avec un site internet à l'adresse http://www.eurocartrans.org. Elle est présidée par Richard Lawson, un transporteur écossais dont l'entreprise fait partie du groupe Wallenius/Wilhelmsen, un des repreneurs annoncés de la CAT. Elle compte 40 adhérents, bientôt 43, originaires de toute l'Europe. Parmi eux figure Willi Betz, mais aussi Autologic, ou encore Axial. En revanche, on n'y trouve aucune trace de la moindre entreprise de transport française, qu'elle soit ou non filiale d'un constructeur automobile. Certains voient dans cette absence le résultat des pressions qu'exerceraient sur leurs transporteurs la CAT et Gefco, afin de mieux protéger leurs actionnaires constructeurs.

Les partenaires d'Albateam

Renault veut conserver 20% du capital de la future société Albateam, repreneur de la CAT. Le reste du capital serait détenu -dans des proportions qui n'ont pas été communiquées - par les sociétés Autologic, TNT Logistics et Wallenius. Autologic est d'origine britannique et spécialisée en transport routier de voitures neuves. Cotée à la bourse de Londres, elle affiche un chiffre d'affaires 1999 de 250 millions d'euros, avec 3500 salariés. TNT Logistics est filiale du Hollandais TNT Post Group coté aux bourses d'Amsterdam, Francfort, Londres et New-York. Avec 25 000 salariés dans le monde, elle réaliserait un CA annuel de 1,5 milliard d'euros en logistique et transport de pièces détachées automobiles. Ses principaux clients : Fiat en Europe et au Brésil, Ford et General Motors aux États-Unis, General Motors et Volkswagen en Europe. Wallenius est un armateur maritime suédois spécialisé dans le transport d'automobiles et de véhicules utilitaires pour le compte de la plupart des constructeurs européens. Il a fusionné avec son concurrent norvégien Wilhelmsen en 1999 pour former le groupe WalleniusWilhelmsen. Lequel représente un CA annuel de 1,3 milliard de dollars et opère 70 navires spécialisés. Il contrôle le transporteur routier britannique d'automobiles Richard Lawson Autologic, dont la filiale allemande a été constituée à partir du rachat de Causse-Walon Allemagne à la fin des années 1990. Il bénéficie également d'un accord avec l'armateur généraliste japonais NYK, qui travaille avec la plupart des constructeurs automobiles nippons.

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