Fin 2003, les routiers salariés en Europe ne pourront pas travailler plus de 48 heures par semaine en moyenne sur quatre mois ou 60 heures sur une semaine. Les indépendants pourront continuer de travailler davantage à condition de respecter le règlement européen 3820 sur les temps de conduite. Ainsi en ont décidé le 21 décembre les ministres des transports de l'Union européenne. Douze des quinze états membres ont voté pour, le Portugal et l'Irlande ont voté contre alors que le Royaume-Uni s'abstenait.
Cet accord doit encore être confirmé par le Parlement européen. Mais on voit mal les eurodéputés bloquer ces « 48 heures » qui représentent un nouveau progrès social. Le texte définitif devrait donc être adopté fin 2001 et entrer en vigueur fin 2003, les états membres disposant de deux ans maximum pour la transposer en droit national.
Une fois la directive entérinée, les Quinze se sont engagés à adapter le « 3820 ». Ce règlement permettant à un chauffeur de conduire jusqu'à 56 heures par semaine, « il va falloir réduire les temps de conduite et augmenter les temps de repos dans ce cadre », explique François Yverneau pour la CFDT. Le temps de repos passerait ainsi de 11 à 12 heures par jour en règle générale et de 8 à 9 heures pour le minimum.
Outre l'aspect quantitatif, le projet européen tente également une définition du temps de travail. « C'est la première fois qu'en dehors de la conduite, les temps de chargement/déchargement et les tâches administratives sont inclus dans un texte européen », se satisfait François Yverneau. Pourtant, on reste encore loin des « standards » sociaux français. D'abord parce que « le texte n'est pas clair sur les temps d'attente, rémunérés à 100 % en France et pas forcément ailleurs », fait valoir la Fédération Nationale des Transports Routiers. De plus, il n'évoque pas les temps de pause ou de repos.
Par dessus tout, l'accord européen n'a pu être trouvé qu'en excluant les conducteurs indépendants, sous la pression notamment de l'Autriche, de l'Espagne, de l'Irlande, des Pays-Bas et du Royaume-Uni. Les artisans-transporteurs représentent pourtant environ 30 % des conducteurs routiers exerçant au sein de l'Union Européenne (10 à 15 % dans les pays du nord, jusqu'à 50 % dans les pays du sud comme l'Espagne). Mais ils auraient fait valoir auprès des représentants de certains pays qu'une réduction immédiate de leurs horaires de travail ne leur permettraient plus de rester compétitifs face aux entreprises disposant de conducteurs salariés. La Commission Européenne ne renonce pas à envisager l'extension de la directive aux indépendants d'ici 2006, au mieux. En attendant, elle s'est engagée à étudier l'impact de leur non inclusion dans la nouvelle réglementation sociale en termes de sécurité routière et de concurrence. Une manière de répondre au Portugal, seul des Quinze à avoir dénoncé la création par le projet de directive de conditions de « distorsion de la concurrence », qui risquent de porter « de sérieux préjudices » à la sécurité routière.
Outre le risque de voir se multiplier les recours à la sous-traitance des artisans dans le transport routier européen, ce projet de directive remet en lumière la nécessité de renforcer et d'harmoniser les contrôles. Ceux-ci devraient certes bénéficier de la mise en oeuvre du futur chronotachygraphe électronique, en 2003. Mais d'ici là, il faudra multiplier les contrôles communs à différents pays, de part et d'autre des frontières, estime le ministère français des Transports. Ce dernier, après avoir réalisé cette expérience avec la Belgique, le Luxembourg et les Pays-Bas, annonce des opérations identiques avec l'Allemagne, l'Espagne et le Royaume-Uni.
Grâce à l'accord du 21 décembre, Paris a réussi in extremis à conclure sa présidence européenne par un nouveau pas en avant en matière sociale. Le texte définitif de la directive devrait être publié fin janvier, le temps pour les représentants des Quinze d'y intégrer l'ensemble des modifications adoptées par les ministres pendant les ultimes heures de négociation. Outre le projet de directive, les Quinze ont décidé le 21 décembre d'adopter rapidement un règlement rendant obligatoire un document harmonisé pour l'attestation de conducteur. L'objectif est de lutter contre le dumping social via l'emploi illégal de chauffeurs de l'Est. Mais le plus difficile reste à faire, fixer le contenu de cette attestation et les modalités de contrôle. Un accord est espéré pour le 15 avril, date de la prochaine réunion des ministres européens des Transports. Mais le débat s'annonce rude entre les pays déjà engagés dans cette voie (France, Belgique, Allemagne, Autriche) et les « libéraux » comme le Royaume-Uni, qui ne veut pas en entendre parler.
Si l'on en croit un sondage portant sur 1 000 conducteurs français et étrangers, réalisé dans l'Hexagone en 1998 pour le Conseil National des Transports, le temps de conduite hebdomadaire moyen varie de 39,5 heures en France à 52 heures en Allemagne. Quant aux horaires de service, ils sont de 50,5 heures en France contre 67 heures en Allemagne et 64 heures au Royaume-Uni.
Le projet de directive résultant de l'accord du 21 décembre prévoit, dans une première rédaction provisoire, pour les conducteurs routiers salariés dans l'Union européenne :
- Une durée hebdomadaire moyenne du travail limitée à 48 heures ;
- Une durée maximale hebdomadaire qui peut être portée à 60 heures si la moyenne des 48 heures n'est pas dépassée sur quatre mois.
- Une pause d'au moins 1/2 heure après 6 heures de travail et d'au moins 45 minutes après 9 heures de travail.
- nterdiction aux travailleurs de nuit de travailler plus de 10 heures par jour.
Le texte définit également le temps de travail comme « tout période comprise entre le début et la fin du travail, durant laquelle le travailleur mobile est au travail, à la disposition de l'employeur et dans l'exercice de ses fonctions ou de ses activités ». Cela comprend « le temps consacré à toutes les activités de transport routier », notamment, outre la conduite, « le chargement et le déchargement, l'assistance aux passagers à la montée et à la descente du véhicule, le nettoyage et l'entretien technique ainsi que tous autres travaux visant à assurer la sécurité du véhicule, du chargement et des passagers ».
Sont également considérées comme temps de travail « les périodes durant lesquelles le travailleur mobile est tenu de rester à son poste de travail, prêt à entreprendre son travail, et ne peut, sur instruction de son employeur, disposer librement de son temps, notamment pendant les périodes d'attente de chargement ou de déchargement, lorsque leur durée prévisible n'est pas connue à l'avance, c'est-à-dire soit avant le départ ou juste avant le début effectif de la période considérée soit selon les conditions générales négociées entre les partenaires sociaux et/ou définies par la législation des Etats-membres. »