Installés derrière leur console, les opérateurs de Groupeco suivent à la trace les conducteurs de véhicules affrétés dont plusieurs centaines appartiennent à quelque 800 transporteurs étrangers. Ils sont susceptibles de répondre en 9 langues à leurs interlocuteurs...Phénomène assez rare dans le secteur des transports où, dans une majorité de cas, le français est la seule langue véhiculaire.
Pourtant, en raison de la multiplication des échanges internationaux, notamment depuis l'ouverture des frontières européennes et la libéralisation des opérations de cabotage, en juillet 1998, des opportunités de trafics nouveaux se sont ouvertes. Ce qui freine, outre la langue, ce sont les moyens humains et financiers pour pénétrer certains marchés, y développer des activités de transport, voire tout simplement rechercher des partenaires.
Pour les conducteurs, se pose d'entrée, le problème de la formation. Une difficulté a laquelle a été confronté GST-Plate-forme Européenne et que Carmelo Sgro a résolu de la manière suivante: « Nous avons des agences dans différents pays, notamment l'Espagne et l'Italie, mais nos conducteurs sont amenés à desservir la plupart des pays européens. Ils ne sont pas affectés à des lignes particulières et peuvent aller une semaine en Grande-Bretagne, la suivante en Allemagne. Aussi, chaque nouveau conducteur qui intègre l'entreprise reçoit une formation globale pour l'Europe qui est incluse dans sa formation initiale. Elle est dispensée par le moniteur d'entreprise qui lui explique le fonctionnement de nos agences à l'étranger, mais également les réglementations en vigueur dans les différents pays qu'il va sillonner. Après cette formation théorique, le moniteur d'entreprise va accompagner le candidat dans ses premières missions. Tous nos chauffeurs reçoivent donc une formation interne qui comporte un volet spécifique à nos activités à l'international. Quant à notre moniteur, il fait de l'auto-formation en surveillant les évolutions qui pourraient intervenir dans les différents pays et, en parallèle, il suit régulièrement des stages de remise à niveau à l'AFT Iftim ».
Les organismes de formation, en effet, préparent les salariés du transport aux activités internationales depuis plusieurs années et à différents niveaux comme l'explique Jean-Maurice Blot, directeur des études à l'AFT-Iftim. « La plupart des cycles de formation que nous proposons ont une dimension internationale. A l'adresse des techniciens qui sont formés à l'Institut pédagogique, nous dispensons des formations qui sont tirées du pôle TMI préparant aux transports internationaux de marchandises, sans distinguer l'import de l'export, mais qui a des orientations spécifiques tournées, à l'origine, vers la douane, l'entreposage, etc.
Par ailleurs nous disposons d'une unité de formation GTI qui est destinée aux jeunes qui sont attirés par les échanges internationaux. Le diplôme qu'ils obtiennent est du niveau Bac plus 2.
La formation que nous proposons aux cadres a également une dimension internationale. Elle s'effectue dans le cadre de l'EDTL ou de l'IDML selon qu'il s'agit d'une formation à dominante transport ou logistique et le diplôme visé équivaudra à Bac + 4 ou Bac + 6 , pour situer le niveau.
Nous avons une approche complète des formations qui touchent aux transports internationaux, poursuit Jean-Maurice Blot, que ce soit une approche client, une approche spécialisée ou modale puisque nous avons aussi des formations spécifiques orientées sur l'aérien et maritime. Mais elle peut être également « culturelle » dans des modules qui touchent aux méthodes de management, aux modes de gestion ou aux aspects financiers.
On trouve également cette dimension internationale dans des formations spécifiques comme les diplômes IATA ou FIATA qui sont universellement reconnus par la profession, ainsi que des diplômes en anglais qui peuvent être validés par des équivalences.
Enfin, en ce qui concerne les conducteurs, la composante internationale est plus modeste mais elle existe néanmoins dans certains modules de la FIMO où nous présentons de façon didactique les problèmes que posent deux types de trafics qui affectent, hélas, les transports internationaux: la drogue et l'immigration clandestine ».
Conscients de la nécessité pour les entreprises de développer leurs activités à l'étranger, certaines Régions ont mis en place des programmes d'aides. Elles peuvent en particulier contribuer au financement de formations de personnel dans l'optique d'une prospection commerciale. Ces aides peuvent couvrir jusqu'à 50% des frais engagés et l'interlocuteur en la matière est la Direction Régionale du Commerce Extérieur de laquelle relève l'entreprise.
Les frais engagés pour les dépenses en personnel dans ces opérations peuvent être couverts par les assurances prospection. Mais on entre ici dans la catégorie des aides qui peuvent être accordées, plus généralement, dans le cadre d'une étude d'implantation à l'étranger et qui ont fait l'objet d'un recensement par la Fédération Nationale des Transporteurs Routiers.
« L'assurance prospection vise à faciliter la prospection des marchés étrangers », explique le spécialiste chargé de ce dossier. « Elle s'adresse aux PME dont le chiffre d'affaires ne dépasse pas 300 MF et qui ne s'intègrent pas dans un groupe dont le chiffre d'affaires est supérieur à 3 MdF ».
Succintement, il existe deux types d'assurance. L'assurance normale qui est destinée à des prospections géographiquement ciblées. Sa durée de garantie est de 5 ans mais peut être portée à 7 ans sur des marchés difficiles. L'assurance simplifiée est destinée à accompagner une prospection visant à identifier des marchés porteurs. Le versement de l'aide intervient à l'issue de chaque année de prospection alors que dans la formule précédente la période de remboursement est égale à la période de garantie. Avec l'assurance simplifiée celle-ci est fixée pour une année mais peut être renouvelée. Les aides peuvent aller jusqu'à 65 % du budget annuel de prospection pris en garantie et dans les deux cas, une prime de 3 % du budget annuel de dépenses est pris en garantie. Ces procédures relèvent de la Coface.
Selon l'étude de la FNTR, il existe également des aides pour financer une implantation à l'étranger. Le Comité interministériel pour le développement (Codex) permet en effet de financer le rachat d'entreprises à l'étranger hors Union Européenne. Les Directions Régionales du Commerce extérieur sont également habilitées à répondre aux renseignements souhaités.
« Le Codex attribue des avances financières qui peuvent représenter jusqu'à 50 % de l'investissement », soulignent les services de la FNTR. « Elles sont remboursables sans intérêt au bout de 5 ans et l'investissement minimum doit être de 1MF.
En revanche, les Joint European Venture sont remboursables sur fonds européens. Ce fonds soutient des investissements visant à la réalisation d'une entreprise conjointe sur le territoire communautaire. L'aide peut atteindre 10 % de l'investissement ». Peuvent en bénéficier: les PME indépendantes ou dont le capital est contrôlé à moins de 25 % par des groupes de tous les pays membres qui ont moins de 500 salariés, réalisant moins de 260 MF de chiffre d'affaires.
Par ailleurs, afin de soulager la trésorerie des entreprises lors de l'effort financier qu'elles effectuent dans des implantations à l'étranger, la Direction Générale des Impôts peut accorder un différé d'imposition. « Il faut pour cela que l'implantation financée corresponde à la création ou au renforcement d'une filiale, ou au rachat total ou partiel d'une entreprise étrangère existante, sous réserve que la prise de participation soit supérieure à 10 % ou à 1/3 du capital selon la nature de l'implantation. Les entreprises doivent préalablement obtenir l'agrément de la DGI et les provisions fiscales peuvent être accordées jusqu'à 5 ans », précise la FNTR dans son document.
Si les aides peuvent être financières, la plupart des organismes proposent plutôt des « services » et c'est le cas, notamment des Postes d'Expansion Economique. Basés dans une centaine de pays et rattachés aux ambassades locales, les Postes d'Expansion Economique à l'étranger peuvent fournir toutes les informations relatives à l'évaluation du marché. Ils peuvent permettre d'établir des contacts commerciaux ou industriels avec les entreprises du pays ou servir de relais avec des délégations françaises implantées dans ces pays, ou les pouvoirs publics locaux. « Si les prises de contact sont en général gratuites, les démarches que demandent la recherche d'un partenaire peuvent donner lieu à facturation, » souligne la FNTR qui précise que leur vocation n'est pas seulement d'aider les transporteurs à faire face à des difficultés rencontrées lors d'opérations qui se sont soldées par un contentieux...
En général, première démarche pour se faire connaître à l'étranger, les transporteurs participent à des salons et c'est en la matière qu'ils peuvent bénéficier de certaines aides financières auprès de différents organismes. Certaines régions versent notamment des aides aux PME de moins de 500 personnes et qui n'appartiennent pas à plus de 25 % à une autre entreprise qui ne respecte pas ce critère de taille. Suivant les régions, les entreprises de transport peuvent bénéficier de subventions qui peuvent atteindre 50 % des dépenses engagées à l'occasion d'un salon.
Parallèlement, créé sous l'égide de la Commission européenne, Euro Infos dispose d'une trentaine de centres en France dont la vocation et d'apporter l'aide qu'elles souhaitent aux PME. « Les Euro Infos Centres participent notamment à des opérations de mise en place de partenariats entre PME », souligne la FNTR.
Enfin, l'Association Partenariat France Entreprise pour l'Export, qui regroupe un certain nombre de grands groupes industriels présents sur les marchés internationaux, se propose de faire profiter les PME/PMI qui le souhaitent des réseaux qu'ils ont bâti et de partager leurs expériences. Cela se traduit, généralement par la mise à disposition de bureaux, d'informations et de conseils que l'association réserve, néanmoins, à des entreprises qui ont déjà entamé une réflexion export et qui, après les premiers contacts, souhaitent pénétrer le marché qu'elles ont choisi.
On remarquera, d'ailleurs, au passage, qu'un certain nombre de grands transporteurs français implantés à l'étranger jouent ce rôle...mais leurs services sont plutôt tournés vers leurs clients.
Avec ou sans ces aides, certains transporteurs français ont parfaitement réussi leur intégration dans le « tissu économique européen ». Une réussite qui ne doit pas être occultée par l'arrivée tapageuse d'opérateurs étrangers sur notre territoire. Gefco, par exemple, construit patiemment sa toile après l'intégration progressive des activités messagerie et transports de lots de Khune et Nagel. L'opérateur dispose ainsi d'un réseau de messagerie européen, d'initiative privée, capable de rivaliser avec des grands groupes qui restent tributaires d'une emprise étatique. Certes, pour développer ses activités internationales, l'opérateur français s'est d'abord appuyé sur les ramifications du groupe automobile auquel il appartient. Sa stratégie initiale a été de s'implanter en propre sur la plupart des marchés périphériques, puis, confronté à la difficulté de pénétrer le marché allemand, réputé plus difficile, il a opté pour la croissance externe. Ainsi est en train de naître une entreprise homogène « de culture européenne » qui, après avoir harmonisé ses systèmes informatiques et comptables ainsi que son action commerciale, s'oriente résolument vers un « melting pot » où le personnel pourra évoluer entre les différents pays. Les nouveaux recrutés qui intègrent le siège de Courbevoie doivent être bilingues et parler obligatoirement anglais.
Cette culture européenne, on la retrouve également chez Norbert Dentressangle, autre exemple d'entreprise française qui a parfaitement réussi son déploiement sur les marchés internationaux.
« Depuis plus de 16 ans que je suis dans l'entreprise, je n'ai jamais entendu parler d'export... », note Thierry Leduc, responsable marketing et communication du Groupe. Et pourtant, présente dans 12 pays, cette entreprise a fait de l'Europe sa terre d'élection. « Le problème ne se pose pas en ce terme »poursuit-il. « L'Europe est « notre » marché, celui sur lequel nous évoluons depuis de nombreuses années et je pense que l'entreprise a adopté la « culture européenne » depuis déjà bien longtemps. Bien sûr, nous avons notre école de formation qui inculque des notions de transport international à ses stagiaires Mais, au-delà, l'ensemble du personnel a la faculté d'évoluer, s'il le souhaite, dans l'une de nos agences qui sont réparties dans douze pays européens. Il n'est pas rare de voir arriver en France des commerciaux, des chefs d'agences ou des patrons de filiales qui avaient précédemment des responsabilités en Italie, en Angleterre ou en Espagne. Parallèlement, il est possible au personnel travaillant en France de demander une affectation dans l'un de ces pays s'il souhaite se perfectionner dans une langue ou s'imprégner de leur façon de travailler. Je dirais même que nous l'encourageons car nous aimons bien « exporter » notre culture d'entreprise dans des établissements qui sont devenus des filiales par croissance externe ».