Le logisticien du déchet

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L'entreprise francilienne Ourry se positionne de plus en plus en prestataire global, du stockage au traitement des déchets. Revendiquant son indépendance, elle n'hésite plus à nouer des alliances avec les grands opérateurs du secteur. Autant dire que le simple transport de déchets, son métier d'origine, n'est plus jugé comme stratégique.

Le transport de déchets ? Aujourd'hui, il n'est plus question de parler de simple transport. L'heure est à la maîtrise de l'amont et de l'aval, des solutions globales, prenant en compte la collecte et le traitement, en adéquation avec les impératifs économiques et environnementaux. Par ailleurs, si le transporteur ne possède pas, au préalable, une double culture, déchet et transport, il va droit à l'échec ». Jean-Pierre Hubert sait de quoi il parle pour avoir été un des « messieurs Propre » de la ville de Paris. Depuis novembre 1997, cet ex-cadre préfectoral dirige Ourry, une pme familiale récemment frappée par le décès de son créateur, Yann Bader, auquel Jean-Pierre Hubert était associé.

Dans sa ferme briarde de Champdeuil, un petit village perdu en Seine-et-Marne, Jean-Pierre Hubert pilote aujourd'hui une entreprise qui réalise un chiffre d'affaires consolidé de 160 MF avec 150 ensembles routiers affectés au transport de déchets et 180 conducteurs. « En 1975, le projet de Yann Bader reposait déjà sur une démarche de protection de l'environnement. Mais l'activité de l'entreprise était alors cantonnée au transport de produits agricoles par bennes. Il a fallu attendre la fin des années 70 et le début des années 80 pour que, véritablement, Ourry se positionne en spécialiste du transport de déchets », se souvient Jean-Pierre Hubert. Aujourd'hui, grâce à son site francilien, à sa filiale alsacienne Gotrans-Kreider, à ses agences et à sa structure dédiée à la collecte des encombrants de la ville de Paris, Ourry décline trois types d'activités : le transport, le traitement et la collecte des déchets. Lesquelles peuvent s'interpénétrer afin de globaliser les prestations. Ses clients sont tout à la fois les industriels producteurs de déchets (Rhône Poulenc), les collectivités locales et les grands opérateurs que sont la Lyonnaise des Eaux et le groupe Vivendi. « En Ile-de-France, la Lyonnaise des Eaux ne dispose pas de flotte contrairement à Vivendi. Mais ce schéma peut s'inverser dans d'autres régions », souligne Jean-Pierre Hubert.

2 millions de tonnes de déchets. Ordures ménagères, déchets industriels banals, déchets recyclables (verre, papiers, plastiques, ferrailles, aluminium), encombrants ménagers ou industriels, déchets liquides et pulvérulents (boues d'épuration, huiles), déchets spéciaux (amiante), déchets spécifiques (pneumatiques, sciures) et déchets hospitaliers, Ourry transporte 2 millions de tonnes de déchets par an. Par mois, il traite l'évacuation de plus de 150 000 t de produits issus des centres de production. Le transport s'effectue à partir des sites industriels, des dépôts de stockage des collectivités, des conteneurs d'encombrants, des déchetteries, des centres de transfert et de transit vers des lieux de traitement (centres de tri, centre d'enfouissement technique de classe 1, 2, 3). Valorisation oblige, les besoins évoluent : « nous transportons de plus en plus de produits recyclables (papier, verre), ou des mâchefers, des cendres issues de l'incinération réutilisées dans les revêtements routiers ». Le parc, 150 ensembles routiers, est composé de bennes grand volume (85 m3) bâchées ou dotées de toits hydrauliques équipés de systèmes automatiques de chargement et déchargement (FMA) ; de citernes pour produits pulvérulents ou liquides avec systèmes de pompage embarqués ; de semi-remorques spécialisées dans le transport de conteneurs de déchets hospitaliers ; de porteurs avec remorques, équipés de conteneurs amovibles de toute capacité ; de bennes TP bâchées. Tous ces engins sont équipés de radio-téléphones assurant un contact permanent avec les agences et un repérage, en temps réel, des positions géographiques. Les remorques sont aussi utilisées dans les centres de transfert de déchets et les sites industriels comme unités de stockage intermédiaires intégrées à la chaîne logistique. Une capacité de stockage renforcée par la création l'an dernier, sur le site de Champdeuil, d'un centre de transit permettant de recevoir 325 tonnes de déchets par jour. Une installation équipée d'un système « anti-odeur », indispensable quand, en fin de semaine, les centres de tri sont fermés. « Cet atout nous permet de répartir au mieux les fréquences d'enlèvements des déchets de nos clients, optimisant ainsi les coûts de transport et de traitement ».

Démarche de négociants. « L'exploitation des centres de transfert et des centres de tri nous permet de nous inscrire pleinement dans les schémas de traitement en orientant en amont les destinations finales de déchets selon qu'ils relèvent de l'enfouissement, de l'incinération ou du recyclage », explique Jean-Pierre Hubert. « Nous sommes capables d'apporter des solutions adaptées et ciblées aux différents problèmes posés par la manutention, l'évacuation et le traitement spécifique de tout type de déchet », poursuit le responsable. Une démarche de négociants en déchets qui a conduit Ourry à conclure des accords avec des exploitants du type Lyonnaise des Eaux ou Vivendi. « Ces deux grands groupes, et leurs filiales respectives, sont à la fois mes clients et mes partenaires. Nous participons à l'exploitation de certains centres de transit. Nous mettons à leur disposition des moyens logistiques, tels que des procédés d'évacuation ».

Analyse en temps réel. Autre corde à l'arc de Ourry, la collecte des encombrants de la capitale est assurée, depuis l'an dernier, par sa filiale EPES (Entreprise parisienne d'entreposage et de services). 35 000 à 40 000 tonnes de vieux appareils électroménagers et autres mobiliers usagés sont ainsi collectés chaque année. Les produits sont acheminés, par bennes à ordures ménagères, vers des stations de transit ou des sites de transfert. Vidés dans des fosses, les détritus repartent ensuite vers des lieux de traitement (incinération ou décharge). Cette activité implique 40 personnes et 13 camions dont deux bennes à ordures ménagères qui assurent le ramassage quotidien des encombrants tout en assurant le nettoyage simultané des 30 points de collecte. Un dispositif de pesée avec un outil informatique embarqué permet d'optimiser le service. Au retour des bennes, les données sont ainsi transférées sur le système informatique « maison ». « Nous adaptons en permanence la collecte en optimisant les affectations des moyens logistiques et en procédant au contrôle opérationnel des mouvements de véhicules. Ce système, qui fonctionne depuis 15 ans, assure une traçabilité des produits transportés ».

Situation financière
Ourry revient de loin

Ourry a terminé l'année 1998 sur un chiffre d'affaires de 160 MF en présentant pour la première fois depuis deux ans un résultat positif. L'an dernier, l'entreprise parvenait difficilement à l'équilibre financier tandis qu'en 1996, elle affichait une perte nette de 800 000 F. Par ailleurs, depuis trois ans, le chiffre d'affaires de la société était en régression. En 1996, il s'élevait à 120 MF. « Cette baisse d'activité s'explique par l'évolution que connaît notre métier. Les décharges disparaissent progressivement. En amont, les industriels mettent en place un tri sélectif, ce qui entraîne une diminution des volumes. Un phénomène amplifié par une réglementation nationale qui les contraint à produire moins de déchets. Parallèlement, des usines d'incinération, installées au plus près des villes, ont modifié la donne avec une diminution des opérations de transport », avance Jean-Pierre Hubert. Autre explication : l'interdiction de toute importation de déchets sur le territoire national, décidée en 1992 par Ségolène Royal alors ministre de l'Environnement, a porté un coup dur à l'entreprise qui réalisait un important chiffre d'affaires en direction de l'Allemagne. Enfin, le décès de Yann Bader, le créateur d'Ourry, a entraîné une restructuration de l'entreprise, aujourd'hui achevée.

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