En 2021, c’est du côté du ferroviaire que se situe la dynamique. Les 400 000 t de trafic réalisés faisaient déjà de 2020 un bon millésime. « Le fret ferroviaire a été fort perturbé en 2020 avec les grèves, les gilets jaunes et la Covid, et nous avons cependant réalisé un trafic honorable. En 2021, avec un trafic en hausse de 50 % par rapport à l’an dernier pour les quatre premiers mois, nous nous acheminons vers un record que l’on aurait dû atteindre il y a déjà un an ou deux. Si tous les feux restent au vert cette année, nous avons toutes les cartes en main pour atteindre les 500 000 t de trafic en ferroviaire », déclare Alain Lefebvre, directeur des Ports de Lille. Ces bonnes perspectives pour le ferroviaire et la recrudescence d’intérêt que ce mode suscite profitent d’améliorations techniques réalisées récemment sur le réseau. La gare de triage de Lille-Délivrance a, par exemple, fait l’objet en 2020 de travaux pour pouvoir accueillir des trains plus longs.
Des perspectives à Santes
La bonne santé du port de Lille ne semble pas affectée par le Brexit. Malgré leur proximité avec le détroit du Pas-de-Calais, les sites portuaires lillois ont des flux ferroviaires vers le sud et des flux fluviaux vers les ports maritimes ou intérieurs, mais ne traitent pas de trafic à destination ou en provenance de la Grande-Bretagne. « Certains de nos clients logisticiens on probablement été directement concernés, mais je n’ai pas vu parmi les clients des Ports de Lille de difficultés particulières liées au Brexit. Pour un port urbain comme le nôtre, s’inscrire dans les flux avec la Grande-Bretagne n’est pas stratégiquement pertinent. Dourges est mieux positionné que nous pour cela, et nous ne travaillons pas avec Calais », souligne Alain Lefebvre.
De même, les échanges ferroviaires de conteneurs avec la Chine, qui suscitent l’appétit de nombreux ports intérieurs et plateformes multimodales européennes, n’intéressent pas les Ports de Lille. Là encore, c’est Dourges qui paraît mieux équipé au niveau régional pour recevoir de tels trains ; Valenciennes peut aussi se positionner sur ces flux grâce à sa connexion fluviale avec Duisbourg. Pour Alain Lefebvre : « Nous avons d’autres atouts pour développer le ferroviaire, en nous positionnant notamment sur les échanges avec le Sud de la France. Nous avons aussi des discussions très concrètes avec la région Grand-Est et voyons du potentiel à destination de l’Allemagne, ou encore du Nord de l’Italie. Nous pouvons doubler le trafic ferroviaire en poursuivant la dynamique de cette activité sur le site de Lille et en développant le trafic sur le site de Santes ».
Pour les quatre premiers mois de 2021, le transport fluvial de conteneurs présente une hausse de 30 % par rapport à l’an dernier. Pourtant, les conteneurs fluviaux avaient déjà connu un véritable boom en 2020 et atteint un record historique avec 256 000 EVP, soit 60 % d’augmentation par rapport à 2019. Cela tient, pour une part, aux transports fluviaux conteneurisés de déchets dans l’agglomération lilloise, qui fonctionnent bien. Mais cela tient surtout aux 100 000 EVP apportés par Roquette, entreprise spécialisée dans la transformation de produits agricoles pour la pharmacie et l’industrie agroalimentaire. Son usine installée à Lestrem (Pas-de-Calais) charge ses conteneurs sur barge à Béthune, avant un court transport fluvial jusqu’à Santes, aux portes de Lille, où Roquette a investi dans 40 000 m² de nouveaux entrepôts. Un schéma logistique qui se met en place progressivement, explique Alain Lefebvre : « Depuis la période de démarrage, le processus s’est constamment amélioré et fonctionne très bien désormais. Nous atteignons aujourd’hui 70 à 80 % du taux de remplissage prévu, avec depuis janvier 2021 20 à 25 % de flux fluviaux supplémentaire entre Béthune et Santes par rapport à l’an dernier ».
Pour rappel, le port de Béthune dépend de la chambre de commerce et d’industrie de l’Artois, mais le terminal à conteneur y est géré par les Ports de Lille et exploité par son personnel. Pour les vracs, les opérations sont effectuées par des opérateurs privés mais, en vertu d’un accord avec la CCI de l’Artois, ce sont les Ports de Lille qui en assurent la commercialisation.
Santes, en revanche, est un site propre des Ports de Lille. C’est même celui qui offre le plus de perspectives, grâce à la surface disponible. Après un fort développement de l’immobilier logistique à Santes, Alain Lefebvre et ses équipes travaillent désormais à y faire croître les flux fluviaux et surtout ferroviaires : « Nous avons des études techniques et commerciales en cours sur de beaux projets, surtout axés fer puisque c’est en ferroviaire qu’il y a le plus de demande actuellement ».
Rehausser les ponts
Du côté des conteneurs chargés en fluvial en provenance ou à destination des ports maritimes, la bonne dynamique du trafic à Anvers ne profite pas au port de Lille. Ce serait même plutôt le contraire selon Alain Lefebvre : « Avec les problèmes d’engorgement à Anvers la situation ne s’améliore pas, mais cela tient plutôt à un problème d’organisation portuaire. Le nombre minimum de boîtes requis dans les terminaux maritimes impose une massification à Gand, synonyme de surcoût et de perte de temps ». Le trafic de conteneurs maritimes du port de Dunkerque, en plein essor, ne profite pas davantage à Lille, qui repositionne surtout des vides vers le port français de la mer du Nord, où la majorité des flux sont en importation. Or, quand ces boîtes importées via Dunkerque sont chargées en fluvial, c’est surtout à destination de Dourges. En résumé, que ce soit pour Anvers ou Dunkerque, les flux de conteneurs maritimes lillois empruntent surtout la route.
Pour relancer la compétitivité du fluvial sur cette relation, Alain Lefebvre plaide pour le rehaussement des ponts : « Entre Lille et Dunkerque, la rentabilité du fluvial est difficile à trouver car la distance est courte. La concurrence de la route est donc très forte, d’autant qu’il n’y a pas de péage sur cette autoroute. Si Dunkerque confirme ses ambitions en matière de conteneurs, nous aurons, en outre, un problème de tirant d’air sur le canal Dunkerque-Escaut, qui sera en retrait par rapport à celui de la liaison Seine-Escaut. Si on ne monte pas à trois niveaux de conteneurs, le fluvial ne gagnera pas en compétitivité. Les terminaux belges de l’autre côté de la frontière bénéficieront d’un tirant d’air de 7,25 m dont nous sommes privés, et les chargeurs lillois pourront s’appuyer sur les ports intérieurs belges. Il faut rendre le territoire homogène, sans quoi nous serons affaiblis ».