Sucre : l'après-quotas aiguise les appétits des industriels

Explosion des surfaces de betteraves, partenariats tous azimuts, renforcement des équipes commerciales : les sucriers de France et d'Europe parcourent les derniers mètres qui les mènent au ring d'un marché mondial libéralisé, sans les protections des quotas communautaires. "Instabilité", c'est le premier mot qui vient à l'esprit d'Alexis Duval, patron de Tereos, premier sucrier français et quatrième mondial, lorsqu'on évoque avec lui la fin des quotas au 1er octobre 2017. De l'avis des observateurs, le sucre est une des matières premières agricoles les plus volatiles. La raison est simple : 80 % du sucre mondial est produit à partir de canne cultivée dans l'hémisphère Sud, soumis à d'importants risques climatiques. L'enjeu pour les Européens : exporter à tout prix et conquérir de nouveaux marchés, alors que la consommation européenne stagne globalement et que la production de sucre de betterave européenne reste à des coûts plus élevés que celle du sucre de canne. "Avec la réforme, il y aura plus de production en Europe, il y a un enjeu d'exportation très important, puisque c'est la France qui va concentrer l'essentiel des excédents", explique le patron de Tereos. "La France produit 4,5-5 millions de tonnes les bonnes années et n'en consomme que 2 millions", renchérit Xavier Astolfi, directeur-général adjoint du groupe Cristal Union, deuxième sucrier français. Les opportunités seront d'autant plus grandes que la production de nombreux pays voisins ne couvre pas leurs besoins.
De quoi aiguiser l'appétit de canne et de betterave des industriels. Les Français ont ainsi augmenté en moyenne de 20 à 30 % les surfaces de culture de betteraves pour la prochaine campagne comme le numéro un européen, l'allemand Südzucker. Face à cette libéralisation du marché, les tactiques pour tailler des croupières aux rivaux diffèrent toutefois d'un groupe à l'autre.
Cristal Union a ainsi fait feu de tout bois, ces derniers temps, entrant au capital d'une raffinerie italienne avec American Sugar Refining, ou prenant 17 % du croate Viro. Le groupe possède également en Algérie 35 % d'une raffinerie à quelques kilomètres d'Alger. Pour la suite, "on ne s'interdit rien", affirme son directeur général, Alain Commissaire, dont le groupe lorgne notamment sur une raffinerie au Portugal, toujours en partenariat avec American Sugar. Mais, dans l'immédiat, il voit "l'Algérie comme une tête de pont pour redescendre vers les pays juste en dessous", comprendre les pays voisins du Sahel dont la Mauritanie, avec du sucre raffiné originaire le plus souvent du Brésil.
Le français Tereos a choisi de s'implanter directement dans ce pays, premier producteur de sucre au monde. "On a investi en 2003, en rachetant une petite société. Aujourd'hui, on est le deuxième producteur de sucre dans le pays, on produit autant au Brésil qu'en Europe", explique Alexis Duval, qui se targue, du coup, d'évoluer "depuis quinze ans dans un marché libéralisé", contrairement à ses concurrents.
L'allemand Südzucker, qui produit à lui seul autant de betteraves à sucre que la France entière possède une trentaine de sucreries, mais toutes en Europe. Pour s'ouvrir au monde, le groupe a acquis "35 % des actions d'ED and F Man, un des plus gros traders de sucre basé au Royaume-Uni", explique Carsten Stahn, président de Saint-Louis Sucre, filiale française de Südzucker.
Un premier mouvement de concentration avait eu lieu à partir de 2006 : "un tiers de l'outil industriel européen a fermé dans le plus grand silence entre 2006 et 2009", rappelle Xavier Astolfi. Certains estiment que les nouvelles règles du jeu vont se traduire par une nouvelle restructuration du secteur. "La consolidation est inévitable", estime Alexis Duval, dont le groupe Tereos avait envisagé il y a quelques années un "rapprochement" franco-français avec Cristal Union, balayé d'un revers de main par ce dernier. Au niveau des cours, "on rentre dans un moment plutôt favorable, ce qui va nous aider, mais rien ne dit que demain il n'y aura pas un plongeon du prix du sucre", poursuit-il. Outre des outils assurantiels en cours d'élaboration, Éric Lainé, président de la CGB (Confédération générale des planteurs de betteraves) et cultivateur dans la Marne, compte beaucoup sur la recherche pour faire baisser les coûts de production. "Nous avons un programme avec l'Inra pour doubler les gains de productivité annuels de la betterave" et ainsi "réduire l'écart avec la canne".

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