En Sierra Leone, les fèves de cacao ont été récoltées avec un mois de retard à cause d'Ebola. Les restrictions imposées aux déplacements dans la région agricole de Kenema, sous quarantaine depuis le mois d'août, aux confins du Liberia et de la Guinée, épicentre de l'épidémie, ont retardé les travaux des champs. Comble de malchance, la saison des pluies s'est étirée plus que de raison et les cosses encore vertes sont déjà piquées. "La récolte est en retard et elle ne sera pas bonne, on n'a pas commencé assez tôt. La pluie en a détruit beaucoup... Les prix baissent à 0,72 euro la livre", soupire un récoltant. "Les acheteurs ne viennent plus. Ebola nous fait faire marche arrière". D'ordinaire, Kenema, troisième ville du pays qui abrite les bureaux des exportateurs, attire les traders qui achètent aux petits fermiers et aux grandes plantations. En octobre-novembre : le cacao, à partir de février : le café. Une décennie après l'atroce guerre civile de 1991 à 2002, le sol sierra-léonais est intact, exempt de toute substance chimique. L'UE encourage d'ailleurs la certification "bio" des plantations. Avec une production de cacao autour de 20.000 tonnes par an, la Sierra Leone est un petit joueur comparée au géant ivoirien (1,75 million de tonnes par an) et le pays bataille pour dépasser ses niveaux d'avant-guerre (25.000 tonnes en 1991). Mais Ebola a frappé de plein fouet les deux terres de café et de cacao, Kenema et Kailahun, également dans l'Est, avant de se déplacer vers l'Ouest du pays.
Les acheteurs ne viennent plus
Selon une première évaluation de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), au moins 40 % des agriculteurs ont abandonné leur ferme ou sont morts. Dans les zones agricoles les plus productives, 90 % des lopins n'ont pas été cultivés. Sur Hangha Road, l'avenue principale de Kenema, les entrepôts des exportateurs se succèdent : Tropical Farms, Randlyn Holdings, Capitol Trading Company... Toute la journée, motos, taxis et camionnettes pilent devant leurs portes pour décharger les sacs de fèves dans des hangars surveillés par des hommes en armes. "L'an dernier à la même époque, on déchargeait encore à minuit", affirme Bassam Dayoub, le patron de Dayoub Trading. "Je faisais 2.000 sacs de 65 kg par jour. Cette année, à peine 300. Nous n'avons pas assez de marchandise". L'autre problème, c'est le transport. "À cause d'Ebola, les acheteurs ne viennent plus, les gens ont peur de voyager avec tous ces barrages", dit-il, "ils doivent passer la nuit sur la route". Tous les soirs à 17 heures, les points de contrôle de l'armée et de la police - qui verrouillent les provinces - sont fermés pour ne rouvrir qu'à 9 heures le lendemain matin. De Kenema au port de Freetown d'où les chargements sont expédiés vers la Turquie ou les Pays-Bas, les camions peuvent maintenant mettre deux jours, contre une petite journée d'ordinaire. "Du coup, les prix de vente montent, car les quantités diminuent" convient Bassam Dayoub, selon lequel la fève de cacao atteint 2,5 dollars le kilo contre 2 dollars auparavant (2 euros contre 1,6). "Mais on va faire 30 % de moins", assure son contremaître "Mister Barri", qui en vient presque à regretter d'avoir "respecté toutes les règles édictées par le gouvernement : pas de voyage, pas de rassemblement, pas de «waka waka» (contacts)". Chez Capitol, Hassan Hashim, le patron, rentre 600 sacs par jour mais s'attend, lui aussi, "à faire 70 % du volume de l'an dernier : 1.500 tonnes maxi". Mais avec la montée des cours du cacao sur le marché mondial, les exportateurs savent déjà, même s'ils peinent à le reconnaître, qu'ils s'en tireront mieux que le petit producteur qui a perdu une partie de sa récolte.
Les acheteurs ne viennent plus
Selon une première évaluation de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), au moins 40 % des agriculteurs ont abandonné leur ferme ou sont morts. Dans les zones agricoles les plus productives, 90 % des lopins n'ont pas été cultivés. Sur Hangha Road, l'avenue principale de Kenema, les entrepôts des exportateurs se succèdent : Tropical Farms, Randlyn Holdings, Capitol Trading Company... Toute la journée, motos, taxis et camionnettes pilent devant leurs portes pour décharger les sacs de fèves dans des hangars surveillés par des hommes en armes. "L'an dernier à la même époque, on déchargeait encore à minuit", affirme Bassam Dayoub, le patron de Dayoub Trading. "Je faisais 2.000 sacs de 65 kg par jour. Cette année, à peine 300. Nous n'avons pas assez de marchandise". L'autre problème, c'est le transport. "À cause d'Ebola, les acheteurs ne viennent plus, les gens ont peur de voyager avec tous ces barrages", dit-il, "ils doivent passer la nuit sur la route". Tous les soirs à 17 heures, les points de contrôle de l'armée et de la police - qui verrouillent les provinces - sont fermés pour ne rouvrir qu'à 9 heures le lendemain matin. De Kenema au port de Freetown d'où les chargements sont expédiés vers la Turquie ou les Pays-Bas, les camions peuvent maintenant mettre deux jours, contre une petite journée d'ordinaire. "Du coup, les prix de vente montent, car les quantités diminuent" convient Bassam Dayoub, selon lequel la fève de cacao atteint 2,5 dollars le kilo contre 2 dollars auparavant (2 euros contre 1,6). "Mais on va faire 30 % de moins", assure son contremaître "Mister Barri", qui en vient presque à regretter d'avoir "respecté toutes les règles édictées par le gouvernement : pas de voyage, pas de rassemblement, pas de «waka waka» (contacts)". Chez Capitol, Hassan Hashim, le patron, rentre 600 sacs par jour mais s'attend, lui aussi, "à faire 70 % du volume de l'an dernier : 1.500 tonnes maxi". Mais avec la montée des cours du cacao sur le marché mondial, les exportateurs savent déjà, même s'ils peinent à le reconnaître, qu'ils s'en tireront mieux que le petit producteur qui a perdu une partie de sa récolte.