Royaume-Uni : dix ports francs pour quoi faire ?

La volonté du premier Ministre britannique de créer dix ports francs afin de réindustrialiser le centre et le nord du pays interroge. Ces zones d'incitation fiscale sont parfois détournées à des fins de fraudes et autres activités illicites.
Le gouvernement britannique a annoncé vouloir mettre en place jusqu'à dix ports francs au Royaume-Uni afin de stimuler l'économie du pays après sa sortie de l'Union européenne.
Il a précisé avoir lancé une consultation de dix semaines. L'objectif est d'annoncer la localisation de ces nouvelles zones d'ici à la fin de l'année afin qu'elles soient opérationnelles en 2021. Le gouvernement affirme qu'elles permettront de "créer des milliers d'emplois, régénérer des communautés et doper la croissance post-Brexit du Royaume-Uni", tout en offrant une base à l'innovation et au développement des technologies vertes.

Défiscalisation et incitations

Ces zones franches souvent le plus souvent localisées près des ports ou des aéroports. Elles sont fiscalement considérées comme hors du territoire douanier d'un pays. Les marchandises ou matières premières destinées à être réexportées ou à être transformées y sont exonérées de droits de douane, jusqu'à ce qu'elles en sortent. Les ports francs bénéficient parfois d'autres incitations fiscales.
Il y a plus de 80 ports francs dans l'Union européenne (en Allemagne, au Luxembourg, en Irlande, en France...). Leur nombre grimpe à plusieurs milliers à travers le monde, notamment aux États-Unis ou à Singapour.
La Grande-Bretagne n'en compte actuellement pas mais en a fait l'expérience sous les gouvernements de Margaret Thatcher : quelque 38 zones franches ont été désignées entre 1981 et 1996 dans des régions en pleine désindustrialisation, notamment la banlieue de Newcastle, ou encore au cœur de Londres dans l’îlot de la Tamise Isle of Dogs.
Il est probable que les nouvelles zones franches se localisent dans le centre ou le nord du pays, plus pauvres, et que le gouvernement Johnson a promis de revigorer par rapport au sud. En quittant l'UE, le Royaume-Uni n'aura pas à respecter les règles de l'UE sur les aides d'États.

Porte ouverte à l'argent sale ?

Les ports francs sont très contestés. Économiquement, ils sont accusés de se contenter de déplacer une activité qui aurait lieu naturellement dans un territoire vers un autre, sans gains réels en termes d'emplois, tout en coûtant très cher aux finances publiques. L'ONG Tax Justice Network les qualifie notamment d'"entrepôts pour les riches et puissants".
Par ailleurs, les ports francs sont accusés de favoriser l'évasion fiscale, le blanchiment d'argent sale ou provenant du terrorisme, notamment à travers le trafic d’œuvres d'art, à l'instar des Ports francs de Genève. "Si je mets Mona Lisa dans une boîte de dépôt secrète dans un port franc c'est presque impossible de la localiser" pour les services fiscaux d'un pays donné, explique un responsable de l'ONG, Alex Cobham. "Si je veux récompenser un trafiquant de drogue ou corrompre un politicien, je me contente de leur donner la clé du dépôt et personne ne saura qu'elle a changé de main".
"À l'heure où le gouvernement britannique reconnait le besoin de s'attaquer au problème de l'argent sale dans les biens de luxe, il doit faire attention à ne pas ouvrir une autre porte aux richesses illicites", avertit Duncan Hames, de Transparency International UK.

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